912 - Ricaduta italiana (II)
RÉCIDIVE ITALIENNE
Journal extime, automne 2018
(Paris, Venise - Ferrare - Bologne, Paris)
II
21 octobre
Matin
Il est plus de huit heures quand je me réveille, ce qui m’est assez inhabituel. Patrice se lève peu de temps après.
Il me raconte avec davantage de détails que la veille son accident. Il retrace sa longue attente à l’hôpital, dans un couloir, incapable de marcher et y demeurant tout souffrant après qu’on a refusé de croire qu’il était incapable de rentrer par ses propres moyens chez lui et avoir voulu l’y renvoyer. Ce n’est que le lendemain matin que l’on a vraiment pris au sérieux sa situation — et hospitalisé.
J’apprends que cela fait trente ans qu’il travaille au même endroit. Et trente ans qu’il habite rue J***.
Nous la parcourons avec bonheur cette exposition Miró :
non seulement nous n’avons pas fait la queue, mais Patrice me fait bénéficier aussi de la gratuité de l’entrée.
Une impressionnante presse se trouve dans la première salle. Comme d’ordinaire, on se masse autour des indications murales. Et comme d’ordinaire et heureusement, les gens se lassent ensuite. Le parcours à travers les salles est sagement chronologique, qui permet de constater la capacité de l’artiste à se renouveler.
Joan Miró (1893 - 1983), Mont-roig, l'église et le village, 1919, Barcelone, Fondation Joan Miró, Huile sur toile, 73 x 60 cm
La Ferme, 1921-1922, Huile sur toile, 123,8 x 141,3 cm, Washington, National Gallery of Art (acquise par Ernest Hemingway en 1925)
Chien aboyant à la lune, 1926, Huile sur toile, 73 x 92,1 cm, Philadelphie, Philadelphia Museum of Art
Peinture (Tête), 1927, 151 x 118 cm, Monaco, Nahmad Collection
Figures devant une métamorphose, 1936, Peinture à l’œuf et tempera sur maronite, 50 x 57 cm, La Nouvelle-Orléans, New Orleans Museum of Art
Joan Miro et Josep Llorens i Artigas, Femme, 1945, Céramique réfractaire ; Plat personnage coloré, 1956, Grès peint ; Grand vase, 1956, Grès ; Grand vase, 1956, Grès.
Femme, Bronze (fonte à la cire perdue), Fonderie T. Clementi, Meudon, Paris, 1969, Saint-Paul, Fondation Marguerite et Aimé Maeght
Danse de personnages et d'oiseaux sur un ciel bleu. Etincelles, Huile sur toile, 173,6 x 291,6 cm, Paris, Centre Pompidou
L’Espoir du condamné à mort I, II, III, 1974, Acrylique sur toile, Barcelone, Fondation Joan Miró
Peinture, vers 1973, Huile et craie sur toile, Palma de Majorque, Fundació Pilar i Joan Miró a Mallorca
Femmes, oiseaux, 1973, Acrylique, crayon et cire sur bâche non étirée, 302 x 157 cm, Barcelone, Fondation Joan Miró
N’est exposée qu’une seule des toiles brûlées qui m’avaient tant impressionné quand j’avais visité la Fondation Miró à Barcelone, dont j’avais revu l’une d’elles à Porto.
Toile brûlée II, Acrylique sur toile coupée et brûlée, 4-31 décembre 1973, Barcelone, Fondation Joan Miró, en prêt d’une collection particulière
Je découvre, avec la même intensité, les peintures sur masonite, faites au moment de la Guerre d’Espagne.
Beaucoup d’œuvres sont sous vitre, décourageant de faire des photographies du fait des reflets.
Paysage (Paysage au coq), 1927, Huile sur toile, 131.0 x 196.5 cm, Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Sammlung Beyeler © Internet
Peinture-poème « Une étoile caresse le sein d’une négresse », avril 1938, Huile sur toile, 129,5 x 194,3 cm, Londres, Tate Modern © Internet
Joan Miró, Peinture (Oiseaux et insectes), 1938 huile sur toile, 114 x 88 cm Autriche, Vienne The Albertina Museum. The Batliner Collection © Successió Miró / Adagp, Paris 2018, Photo The Albertina Museum, Vienne – The Batliner Collection
Femmes au bord du lac à la surface irisée par le passage d'un cygne, 1941 / 1959, Phototypie en couleurs d'une gouache sur vélin d'Arches, Paris, Centre Pompidou © Internet
Patrice a fui la foule. Nous nous retrouvons toutefois au niveau inférieur et poursuivons presque de la même vitesse. Entre-temps, j’ai croisé le regard de Michel Leiris, photographié par Man Ray,
l’un de mes revenants, comme l’est ce tableau autrement mieux photographié que lorsque j’en avais tenté la prise à Pompidou-Metz lors de l’exposition, vue en compagnie de Judith et N. à la faveur d’une de leurs échappées en Lorraine (en 2015), exposition consacrée à l’écrivain autobiographe, dont le compagnonnage avec Masson et Miró 45 rue Blomet avait sans doute parfait sa vocation et décidé des chemins à emprunter.
Peinture (Femme, tige, cœur), 1925, Huile sur toile, 89 x 116 cm, Palma de Majorque, collection particulière
Je retrouve aussi, vus également à Pompidou-Metz (en 2010, mêmement avec Judith et N.), qui avait été une belle commotion, les trois Bleu I, II, III, exposés alors en rang et sans recul, comme pour mieux s’y perdre et s’en éclabousser, non loin de la lumière du jour, disposés ici avec moins de bonheur en U et victimes d’une forte lumière ondulatoire se percutant sur les clichés.
A la boutique, Patrice s’achète le catalogue de l’exposition et me fait bénéficier de réductions : j’achète deux cartes postales (Pascal et F. en recevront une, lui, l’autre, plus tard, au moment des vœux)
ainsi qu’un opuscule original et bien conçu, « carnet d’expo » joliment cartonné dont les pages se déplient comme dans certains livres d’enfant, édité dans la série des “Découvertes Gallimard”.
Comme je ne dispose que de peu de temps avant de retrouver Judith, je laisse Patrice rentrer rue J*** et déjeune sur place.