922 - Ricaduta italiana (X)
RÉCIDIVE ITALIENNE
Journal extime, automne 2018
(Paris, Venise - Ferrare - Bologne, Paris)
X
28 octobre
Matin
A 9 heures 30 — il a plu en début de matinée néanmoins —, il fait déjà 19°.
Comme beaucoup d’églises en Italie, la chiesa delle Sacre Stimatta a l’air abandonné. J’avais vu en couverture d’un livre d’art à la boutique du château la reproduction d’un tableau de Carlo Bononi, censé s’y trouver.
Je demande à la fleuriste en face, qui répond à mes quelques questions dont elle comprend le globish qu’elle est fermée sans que je puisse déterminer si c’est parce que l’on est dimanche, ou si c’est tous les jours ainsi. Je ressens la frustration intense de celui qui n’aura pu contempler qu’en reproduction un tableau aux apparences magnifiques. Ce n’est pas la première fois. Et, plus tard, en cherchant sur la toile, j’apprendrai à mon grand dam comment, en fait, j’aurais dû m’y prendre pour le voir…
Carlo Bononi, Pietà, 1622-24, Ferrara, chiesa delle Sacre Stimmate, primo altare a sinistra (in deposito presso Palazzo Arcivescovile)
Je pousse alors jusqu’au Palazzino Marfisa d’Este. La muséographie — si l’on peut dire — en est poussiéreuse, mais l’endroit exhibe quelques beaux meubles et plafonds (exécutés par l’atelier des Filippi).
Le Palazzo Bonacossi, lui, sacrifie au repos dominical.
Comme pour me dédouaner de mes vains efforts, c’est un autre tableau de Bononi que je découvre à la Basilica di Santa Maria in Vado.
Après-midi
N’ayant qu’assez peu dormi les nuits précédentes, je fais une sieste — comme si je pressentais pouvoir mener avec lenteur le reste de mon séjour. De fait, Sant’Antonio in Polesine est (à nouveau!) fermé — si l’église attenante ne l’est pas.
Je me rabats sur le musée du Risorgimento et de la Résistance, d'un intérêt inégal (mais je photographie la proclamation de deux armistices, le second — ce que je savais mais avais perdu de vue — datant de 1943, avant que Benito Mussolini établisse son Etat fantoche fasciste de Salò, cadre du dernier film de Pier Paolo Pasolini),
puis me rends au jardin botanique assez proche (je me rappelle celui de Padoue, autrement plus conséquent, un autre dimanche de la fin octobre l’an dernier) — c’est dire tout de même. Je boude l’exposition Courbet — laquelle anticipe peut-être le centenaire de sa naissance — du Palazzo dei Diamanti au prétexte, à demi stupide, que je ne suis pas venu en Italie pour célébrer la peinture d’un compatriote…
Le temps se fait se plus en plus automnal.
Au premier coup de vent, les baleines de mon parapluie se tordent, rendant le pébroque inutilisable. J’en rachète un, en songeant à Grenade, cette fois. Je me demande bien combien de parapluies j’ai pu acheter durant mon existence, n’ayant de tous que le regret de celui que j’ai gardé le plus longtemps, l’ayant payé fort cher en me disant qu’ainsi je ne l’oublierais pas — ce qui pourtant advint —, hésitant depuis entre des modèles plutôt bon marché et d’autres plus onéreux, le critère étant dorénavant le poids et l’encombrement, puisque, me rendant au travail, impossible m'est d’échapper à la haute tour de la Place T***, endroit qui usine des vents violents venant toujours à bout des baleines les mieux résistantes.
Comme la veille, j’achève mes déambulations Enoteca al Brindisi. Je renverse mon verre. Le serveur, non content d’éponger la table, m’en apporte un autre.
La charcuterie qu’on me sert est grasse (je n’en ai pas l’habitude), mais, après une journée de peu d'apports, j’apprécie de me trouver là, protégé de la pluie.