938 - À pas maltais (8)
À pas maltais
Paris – La Valette - Paris, 27 décembre 2018 - 5 janvier 2019
(journal extime)
8
2 janvier
Matin
Les deux vieux en bas s’invectivent. Insultes et hurlements fusent.
Je vais jusque Marsaxlokk.
Il me faut dire la photogénie de ce petit village de pêcheurs.
En dehors de son port, parcouru en une quinzaine de minutes, il n’y a, cependant, strictement rien à y faire, ni y voir. Et souffle toujours ce vent coulis, qui fait mentir le nom de la ville, marsa référant à sa position protégée dans une baie — le port ayant été fondé par les Phéniciens au IXe siècle avant Jésus-Christ —, et le si étrange xlokk, au sirocco (paraît-il).
Je m’aperçois, en un geste la soulevant par hasard, que la manche droite de ma veste en cuir est déchirée aux coutures.
Je déjeune sur une terrasse d’une pizza qui, pour être bien garnie, n’est pas succulente.
Après-midi
Alors que j’ai pris un autocar dans l’espoir de rallier Ħaġar Qim fermé l’avant-veille, la pluie se met à tomber. Je descends alors, rebrousse chemin et rentre à La Valette.
Je parcours le musée archéologique, aux proportions réduites — et dans lequel je ne m’attarde pas. Si, dans ma prise, la légende qui l’accompagne n’en est pas floue,
je rate ma photographie de la Dame endormie.
Je passe ensuite deux heures tranquilles dans la maison de Paul, à jouir d’une solitude vraie. (Je me dis que je ne renouvellerai pas l’expérience de loger si longtemps chez l’habitant. Après deux ou trois jours ici, je n’en peux mais.)
A 19 heures, je quitte les lieux, avec l’idée de dîner dans un restaurant, même si je n’aime guère manger seul dans ces endroits par vocation conviviaux où de multiples autres sont attablés, qui tintinnabulent de leur fourchette.
Soir
Je fais bien, finalement.
C’est une longue farandole de plats — selon des quantités réduites, mais multiples : une soupe en entrée, des assortiments divers (olives, aubergines succulentes, une sorte de tapenade, du fromage de chèvre, un magret, du saucisson local), des poissons (un poisson blanc, un poisson pané, du poulpe ou de la pieuvre — je ne sais quel octopus — que complètent des moules) ; une viande ensuite (du veau) avec une salade qu’accompagnent des fruits exotiques et un coulis de fruits rouges ; du porc mijoté dans une sauce aux herbes, des pommes de terres dans un jus de céleri : le tout excellent. Mais, évidemment, je suis déjà plus que repu lorsque arrive le lapin en sauce, prétendument spécialité maltaise, lequel, peut-être très bon mais pas nécessairement le meilleur, me rappelle celui mangé naguère à Notto (Malte, en vérité, a quelques points communs avec la Sicile, La Valette m’ayant fait songer plus d’une fois à Syracuse, la blancheur de la pierre en moins…).
Un vrai contentement me saisit, qui fait oublier les occasions manquées du séjour, lesquelles ne manqueront pas de s’estomper bientôt, tant la mémoire s’emploie à créer dans l’après-coup des chromos qui font pièce aux déceptions…
La compagne de Paul, quand je rentre, me propose de goûter à ses dimsums à la vapeur ! J’aime beaucoup cela. Et ceux-ci ont l’air d’autant plus excellents que je les sais « maison » ; mais, ayant mangé plus qu'un chancre, je décline, mal à l’aise, cette proposition, pour la première fois me semble-t-il (parce que je pars le lendemain ?) sur un ton presque amène.