950 - Ricaduta siciliana (3)

Publié le par 1rΩm1

 

 

À PAS RÉPÉTÉS

 

Ricaduta siciliana

 

(de Paname à Palerme, de Palerme à Paname)

 

Journal extime

 

(10 février - 21 février 2019)

 

3

 

Mardi 12 [suite]

 

Nous descendons du bus via Roma. Nous sommes tout proches des Quatre coins — et, par là, de l’appartement. Et, du fait de mon erreur de calcul de la veille, nous arrivons presque deux heures avant l’heure fixée de notre “rendez-vous” — heure que, dès notre atterrissage à Barcelone la veille, j’avais évidemment rectifiée auprès du logeur —, dans l’appartement duquel nous serons finalement après quinze heures de retard ! Je m’emploie donc à contacter notre hôte.

Francesco me répond que nous pouvons nous installer dès à présent : il ne sera cependant pas là pour nous accueillir ; aussi nous transmet-il  les codes grâce auxquels nous pourrons passer la porte d’entrée de l’immeuble, puis une porte palière, pour, enfin, entrer dans l’appartement.

N’arrivant pas à accéder à l’application par laquelle Francesco a voulu communiquer ces précieux sésames, je lui demande de m’adresser toutes ces instructions sur mon adresse électronique, que je lui transmets dans un message…

Ensuite, tout étant — croyons-nous — démêlé, ayant passé les deux premières portes et même vaincu la sorte de mini coffre-fort (tel celui auquel j’avais eu affaire à Gand ; mais, les rouages du souvenir refusant d’opérer, j’ai tout de même bien du mal à en faire glisser le capot pour l’ouvrir, et, lorsque le cache glisse enfin, je me retrouve, d’une part, une carte en main sans trouver d’appareil à fente où l’introduire et, de l’autre, une clé dont l’emploi sur la porte du fait de l’absence totale de serrure paraît improbable — et me trouve donc complètement démuni, sinon ahuri, sans  savoir comment entrer), nous nous trouvons littéralement à la porte…

Heureusement, le plus proche voisin — exaspéré peut-être de nos allées et venues, de nos exclamations… — fait irruption dans le couloir et me montre comment appliquer la carte sur la poignée, un récepteur électronique qui s’accouple gentiment avec la puce de ma carte pour libérer le pêne et la gâche de la porte…

 

Nous visitons les lieux, consistant en une cuisine bien équipée avec une grande table centrale et une salle de bains avec WC à un premier niveau, trois chambres à un second étage, lui-même pourvu d’une salle de bains et WC. Tout cela nous plaît beaucoup — à ceci près que seule une chambre a été préparée, en dépit d’une demande claire exprimée dans un message comme quoi nous occuperions deux chambres séparées…

 

Nous faisons quelques courses dans un supermarché pas trop éloigné, dont j’avais repéré le fléchage en arrivant.

La fatigue fait naître en moi une exaspération qui va croissante du fait de différends par rapport à des choix de fruits et légumes et de ce que nous pourrions cuisiner sans trop y passer de temps. Ainsi de raviolis semi-frais, que je sais pourtant bons, spécialement en Italie, dont M.-C. ne dit pas vouloir [bouffe industrielle… dégueulasse… — entre-temps, j’ai oublié l’argumentaire]. Je cède. Nous achetons des pâtes sèches, dont je ne vois pas bien à part moi ce qu’elles ont de moins « industriel ».

Et c'est assez encombrés de marchandises que nous rentrons déjeuner.

 

 

Après-midi

 

Francesco, prévenu de ce que la femme de ménage n’a pas préparé de seconde chambre, survient avec une heure de retard. C’est un trentenaire qui flirte avec la quarantaine, assez joli garçon, agréable, mais pressé. Il me rappelle le logeur de Porto.

Il a pris des draps. M.-C. lui dit gentiment qu’elle fera le lit elle-même.

 

Libres enfin d’aller et venir, nous partons explorer le quartier, ce que nous effectuerons par cercles concentriques, à partir des Quattro Canti.

 

Nous visitons le Palazzo Pretorio, l’Hôtel de ville actuel, dont les salles sont accessibles à tous, ce qui me rappelle Bologne, endroit dans lequel je n'avais pas eu l'idée de pénétrer auparavant.

 

 

Palerme, Municipio
Palerme, Municipio
Palerme, Municipio

Palerme, Municipio

Que les édifices publics soient ainsi, de fait, des lieux où chacun peut aller et venir — contrairement aux ors de la République française souvent confisqués au chaland, les salles municipales ne se dévoilant qu’à de certaines occasions — donne évidemment sur ce point l’avantage à la res publica italienne…

 

Sala Gialla
Sala Gialla

Sala Gialla

Nous faisons ensuite à plaisir le tour de la Fontana Pretoria au pied du Municipio, en bas de ce balcon où Garibaldi a fait son discours,

 

950 - Ricaduta siciliana (3)
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avant de nous rendre à la Chiesa di San Cataldo, autrement plus ancienne que cette unité de l'Italie, à laquelle la Sicile, qui en avait connu d'autres, s'est vue rattacher.

 

950 - Ricaduta siciliana (3)

La Chiesa Santa  Caterina, obstinément fermée lors de mon séjour précédent, se laisse cette fois visiter, et nous nous laissons couler à l’intérieur, bientôt saisis par l’exubérance baroque des lieux. Le manteau pariétal de marbres de différentes couleurs, les statues et les fresques saturent l’espace, sans que — M.-C. n’est pas tout à fait de mon avis, à qui cette débauche déplaît — je trouve cela laid cependant. (Les autres églises baroques que nous visiterons n’auront pas toujours ni la même splendeur d’exécution d’ouvrage, ni le même raffinement…)

 

Chiesa di Santa Caterina d'Alessandria, Filippo Randazzo, Gloire de sainte Catherine, 1744

Chiesa di Santa Caterina d'Alessandria, Filippo Randazzo, Gloire de sainte Catherine, 1744

Vito d'Anna, Triomphe des Saints Dominicains, 1751

Vito d'Anna, Triomphe des Saints Dominicains, 1751

950 - Ricaduta siciliana (3)
950 - Ricaduta siciliana (3)
950 - Ricaduta siciliana (3)

(M’amuse ce naufrage de marbre en relief et son monstre marin où échelle de corde et cordages sont figurés par une corde véritable, réalisme et fantasmagorie échangeant leurs prérogatives :)

 

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Traversant en diagonale la place Bellini, nous nous rendons ensuite  à l’office du tourisme et dialoguons avec un quinquagénaire à l’accueil aimable. Nous y glanons divers renseignements précieux concernant les monuments, les lignes de bus, les échappées possibles hors de Palerme.

 

Revenant sur nos pas, nous nous accordons sans peine cette fois sur la magnificence des mosaïques byzanto-normandes de Santa Maria dell'Ammiraglio dont les bleus et les ors emportent l’œil jusqu’aux arcs et voussures pour exalter les deux anges demeurés à terre qui se sont assis, toutes ailes repliées, afin de jouir de ce firmament. Je trouve plus beau et plus fin le Christ Pantocrator des lieux qu’à Monreale ou à —­ tel que je le découvrirai bientôt — Cefalù. Cela tient peut-être aux silhouettes plutôt graciles de l’ensemble du personnel archévangélicobiblique représenté.

 

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Nous faisons ensuite trois — puis une quatrième — églises coup sur coup, sans les avoir cherchées. La lumière qui décline nous dissuade d’en voir d’autres, si l’occasion s’en présentait encore.

 

Notre promenade, qui nous a éloignés à mesure, s’achève par le marché Ballarò. M.-C. s’y fait vendre un kilo de pommes de terre deux fois plus cher que le prix annoncé sur la pancarte en carton du commerçant, lequel, une fois ses euros empochés, nous tourne le dos incontinent (nous vérifierons plusieurs fois que l’amabilité affichée du négociant palermitain ne dure guère que le temps de la négociation).

 

En rentrant à l’appartement, je découvre un message de Francesco : il a oublié de faire des copies de nos pièces d’identité.

Je ne pense qu’après-coup que je peux faire des photographies de nos papiers et les lui envoyer.

 

 

Soir

 

Je reçois un appel téléphonique de Pascal, qui me fait plaisir.

Entre autres échanges, il me dit que je peux toujours laisser mes bagages dans leur appartement à Paris. Je m’amuse de cette proposition audacieuse et généreuse, que je n’aurais garde de faire mienne sans prévenir.

Je lui dis que nous sommes parvenus à Palerme avec quinze heures de retard — ce calcul, tout à trac, le premier osé depuis le début de la journée, étant juste en définitive.

 

Et, levés depuis plus de quinze heures, c’est évidemment sans demander notre reste des comptes horaires que nous nous couchons.

 

 

 

 

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