971 - À la grecque (journal extime), 1
À la grecque
(Paris - Athènes - Paris : 7 avril - 17 avril 2019)
Journal extime
1
Dimanche 7 avril
En amont, 6 avril
Valérie m’a laissé un message sur mon répondeur : elle et Denis comptent venir s’occuper du jardin dans l’après-midi, sans précision. Elle me dit qu’il faudrait que je songe à faire rétablir l’eau, le gel hivernal (je croyais pourtant alors avoir purgé la montée d’eau vers ma terrasse) ayant fait éclater la conduite de montée d’eau vers ma terrasse.
Toujours un peu cette étreinte de la honte, ce cou serré sur mes incuries, même si, après le passage de l’entreprise l’an dernier, j’avais à mesure de leur envahissement arraché mauvaises herbes et liseron et endigué quelque peu la prolifération de la végétation.
Entre-temps, j’avais fait venir F. G. pour faire la réparation, et, contre toute attente excessive, il était venu très rapidement. Je l’avais payé de la main à la main pour une soudure qui lui avait pris quinze minutes, en le gratifiant de cinq euros en sus.
Toujours aussi ce regret de la voisine horticole. Précisément, nous parlons d’elle quand, leurs travaux de jardinage finis, je sers l’apéritif à Valérie et Denis. Sa mort si brusque, survenue du jour au lendemain, m’a toujours semblé idéale. Valérie proteste qu’elle n’a pu faire ses adieux. Je suis un instant désarçonné de cette saillie, puis juge in petto un peu idiote, voire orgueilleuse, sa façon de voir. Dans l’après-coup, toutefois, je me dirai que peut-être, de fait, il ne faut laisser de regrets à personne et qu’une cérémonie des adieux peut avoir sa raison d’être (n’est-ce pas ce que J.-M. avait réussi à faire dans l’unité de soins palliatifs où il a pu assez sereinement achever le cours de ses jours ?)... mais le désir de tout régler, de tout dominer — bien propre à Valérie — est sans doute aussi vain qu’immodéré.
J’ai mal dormi. La raison n’en est pas seulement celle d’une veille de départ.
Si les douleurs s’estompent1, d’autres apparaissent, d’autres reviennent. Je m’y montre attentif. Je sais que feront assaut, un à un, pour se combiner, d’autres maux. Ainsi, des crampes musculaires, annoncées, me prennent ici, là ou là — au bras, à la hanche, au mollet (toujours à droite) —, qui devraient disparaître, tandis que l’arthrose cervicale est revenue... En revanche, l’espèce de bouton qui creusait son cratère au coin de la bouche (à gauche) a disparu dès le moment où je me suis trouvé en vacances. C’est dire éloquemment qu’il faut que je m’arrête…
La décision en est presque prise. Allongé sur le dos, position qui, si elle n’aide pas à l’endormissement, me semble propice à la méditation, j’y songe doucement, échafaudant comptes sévères et projets mirifiques.
En attendant, et pourtant… je dors mal.
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1Depuis quelques temps, j’avais des douleurs testiculaires continues, qui s’aggravaient lorsque j’étais assis et, plus encore, couché. Mon médecin m’a donc envoyé faire une radio de la région urogénitale.
Le médecin préposé à l’investigation radiographique a livré quelques commentaires, dont je ne sais si je devais m’en offusquer : selon lui, mes testicules étaient homogènes et bien formés [!], ma prostate, petite (si je pouvais me vexer de cette dernière assertion, au moins cela paraissait-il signifier qu’un cancer de la prostate n’était pas à l’ordre du jour encore…)
Les clichés faits permettent de voir, en effet, les deux formes ovoïdes des valseuses, lesquelles se ressemblent comme deux yeux (leur dissymétrie m’échappe !). — L’on m’en croira, j’espère, même si je ne livre pas ici les radiographies : c’est un journal « extime », après tout !
Le médecin a surtout ajouté qu’il s’agissait sans doute d’une « douleur projetée ». Je me suis souvenu brusquement alors que cela m’était arrivé déjà, en même temps qu’une cruralgie.
J’ai donc à nouveau consulté, un ostéopathe et manipulateur cette fois, qui m’a fait une sorte de clé un peu brusque tout en pesant de tout son poids sur mon dos afin de remettre en place deux vertèbres engagées dans la rotation du tronc, responsables, selon lui, de mes maux.
Il m’avait promis, à l’issue de son intervention, d’avoir des courbatures durant quelques temps — et de n’être pas soulagé immédiatement. Ses prévisions étaient justes. Au moins les courbatures dans l’épaule et le bras étaient-elles loin d’être insupportables…