976 - À la grecque (journal extime), 4
À la grecque
(Paris - Athènes - Paris : 7 avril - 17 avril 2019)
Journal extime
4
9 avril
Réveillé avant l’heure programmée.
Le petit seau en fer blanc de quelque 6 ou 8 centilitres — qui m’avait amusé la veille quand je l’avais remarqué — sous le cumulus électrique, je le constate, s’est déjà presque rempli... Cette fuite m’inquiète : je laisserai une bassine — et un mot à Sun et Cynthia pour qu’ils vérifient que l’ustensile ne déborde pas. (Sans doute m’exagéré-je les choses.)
Le ménage, même sommaire, que j’effectue ensuite prend du temps.
Il est presque neuf heures et demie lorsque je quitte l’appartement.
Je suis évidemment à l’heure à l’aéroport, et même une heure et demie à l’avance dans la zone d'embarquement.
J’appelle Pascal et, comme il en va d’ordinaire, je tombe sur son répondeur. Je laisse un message.
J’ai allégé la valise — il semble que j’ai pris tout de même trop de vêtements — de quelques articles volumineux et lourds que je place dans mon bagage à main afin d’y mettre le gilet en laine dont je n’ai pas besoin pour voyager. Le sac en est un peu lourd et scie l'épaule.
Jamais, je crois, je n’ai emprunté le Terminal 1 de Roissy.
Dans l’avion (celui d'une compagnie low-cost pourtant) — ce qui déroute des habitudes et surprend, alors que c'était jadis l'usage —, un repas est servi aux passagers . Or, j’ai déjà mangé un sandwich, le décollage ayant lieu après midi.
* * *
Le temps a vite passé. J’ai peiné pourtant à m’intéresser lors de la traversée au roman policier qu’il y a quelques temps Valérie m’a prêté.
Sur la piste d’atterrissage, l’avion rebondit un temps, avant de heurter à nouveau le sol — brutalement.
Une bise vive souffle sur le quai du métro alors que se fait attendre presque vingt minutes un train. Je regrette de n’avoir pas pris le bus, d’autant que, contrairement à ce que j’avais cru, la ligne n’est pas directe. Et, lorsque la rame pénètre sous terre, pour mieux asseoir mes regrets, des grincements stridents mettent à rude épreuve les tympans.
Je reçois un message de Pascal. Ils seront, F. et lui, à Paris vendredi. Ils verront alors ce qu’il en est du remplissage de la bassine.
En manipulant le téléphone, toujours aussi peu rompu à l'appareil, j’appelle ma sœur par erreur.
Soir, Athènes
Devant les sonnettes aux noms écrits en alphabet grec, je me laisse un instant désemparer. Je ne le remarque pas tout de suite, mais, tout à droite, figure le nom du logeur en lettres romaines lisibles.
Par trois fois au moins, Pygmalion — il a bel et bien le prénom du sculpteur chypriote, et c’est une première piqûre de rappel à ma culture antique — déplore un hiver qui s’attarde, le pire, affirme-t-il, qui ait sévi depuis longtemps ici.
Pygmalion n’aime pas l’hiver.
Pygmalion a quarante ans environ. Il n’est pas sans prestance. Je le trouve, en outre, assez beau garçon. Il a les yeux clairs — son physique est moins celui d’un Grec tel qu’on l’imagine que celui d’un Britannique (il ressemble assez d’ailleurs, mais en plus séduisant, à Leslie Howard sur cette affiche de l’adaptation filmique de la pièce de Bernard Shaw) —,
son anglais est fluide (je me désole par instants de lui manquer de répondant), et il se montre affable et souriant.
Son appartement est grand — salon-salle à manger, chambre, salle de bains sont de bonne dimension, et la cuisine intégrée attenante à la pièce principale est bien équipée —, assez agréablement et confortablement meublé.
Il faudra, de fait, que je m’essaie cependant à pousser un peu le chauffage en soirée pour réchauffer les lieux.
Je fais des courses.
Pauvres Grecs (qu’on a appauvris) : ils paient plus cher les produits européens qui déferlent chez eux. Je m’en rends bien vite compte parce que, d’une part, je sais le prix des produits que nous achetons en Europe de l’Ouest et que, pour les autres marchandises, je ne suis pas toujours certain de ce que j’ai en main, l’alphabet grec n’aidant pas à y voir clair, tant et si bien que je ne me hasarde pas à prendre de possibles équivalents locaux. En tout état de cause, les deux supermarchés où j’erre successivement me paraissent des temples de marchandises aux prix prohibitifs, pour les autochtones au moins. Je finis par acheter les choses les plus simples du monde, ou les plus reconnaissables.
Et je fais mes délices bientôt d’une bière agrémentée d’excellentes olives. Les tomates, ensuite, mêlées à quelques champignons — j’ai calculé que le kilo en était de 5,60€ ! —, sont excellentes.
Ma journée de voyage, plutôt longue, me dissuade de toute envie de ressortir.