967 - Ricaduta siciliana (15)

Publié le par 1rΩm1

 

 

À PAS RÉPÉTÉS

 

Ricaduta siciliana

 

(de Paname à Palerme, de Palerme à Paname)

 

Journal extime

 

(10 février - 21 février 2019)

 

15

 

 

20 février [suite]

 

Nous prenons un verre dans un bar à proximité du musée, où nous avons déjà porté nos pas.

 

 

Aymeric devra déménager avant le 15 avril, la signature de l’acte de vente se faisant devant notaire à cette date. Son nouvel appartement est à cinq cents mètres du lieu où il habite.

Il me dira plus tard combien il lui coûte de devoir s’improviser chef de travaux. Mais tout est à refaire : cuisine, salle de bain, carrelage, électricité.

Il a consulté un maître d’œuvre, qui a chiffré les travaux à 30 000 euros. Il ne fait pas mystère de son peu d’intérêt pour la décoration, non plus que pour le choix d’une cuisine intégrée. Seul lui importe véritablement de reculer un mur d’une soixantaine de centimètres afin de créer un espace qui lui convienne, le reste lui volant assez au-dessus.

Du fait de l’importance de ce chantier, il devra passer trois mois sans doute hors sol ; il ne sait même pas si l’appartement sera fini en août, ni s’il pourra partir en vacances de ce fait.

Aussi Aymeric — et je le comprends — aimerait-il être trois à six mois plus tard…

(Tandis qu’Aymeric parle, je me souviens des travaux de la rue F*** entrepris par Judith et N. : je me rappelle les complications, les retards de chantiers, les dépassements de budget…)

 

 

Pour ses vacances d’été, il a envie d’aller en Italie du nord, visiter des villes — Bologne, Parme… — entre Florence et Milan. Il me dit vouloir sa part de chaleur : s’il va à Bruges un jour, ce sera au printemps ou en automne. Je parle, pour ma part, de Bretagne ou d’Ecosse, pour les raisons tout inverses.

 

Nous allons chez Gibert. J’achète pour T. le livre offert le matin à Pascal, ainsi que, pour le lire, les Oncles de Sicile de Leonardo Sciascia, en pensant à M.-C. qui, la veille, l’avait cherché. [Je le lui prêterai bien plus tard, après l’avoir lu, avec intérêt et plaisir.]

 

Nous flânons en direction du restaurant où j’ai réservé, sur l'Île Saint-Louis.

 

967 - Ricaduta siciliana (15)

Installés, nous poursuivons notre conversation. Sa mère, dont il ne savait la dernière fois si elle pourrait rester dans l’EHPAD dans lequel elle avait été accueillie, est définitivement placée. Elle appelle chaque jour longuement l’un ou l’autre de la fratrie pour se plaindre et dire vouloir retourner chez elle.

 

Comme je le lui évoque, Aymeric ne veut pas voir le cliché où ma mère figure avec M., mon père et ma sœur — photographie qui, m’a dit Pascal la veille, l’a tant ému ; mais je lui ai auparavant décrit combien ma mère y avait l’air absent, le regard retourné vers une vie qui n’appartient plus à personne…

 

Nous tâchons de connecter la tablette à son téléphone portable afin de connaître les dates de mon prochain passage à Paris — avant de séjourner à Athènes. Aymeric doute d’être disponible au moment de mon aller.

Je lui retrace aussi la réponse qu’a faite N*** à mon message au début du mois de janvier. Il ne croit pas, contrairement à T., que sa réponse soit entièrement dictée par l’humour. Il rejoint par là ma propre analyse, mais il est vrai que ma présentation du mail de N*** a pu jouer. Je n’ai pas encore répondu à N***. Avisant la longueur du courriel, je renonce à le lui faire lire.

 

Le restaurant est bon — l’entrée qu’il a choisie paraît néanmoins rebuter un peu Aymeric. Les jeunes filles qui nous servent sont aimablement appliquées, leurs formules toutes prêtes — qui sont celles qu’on entend partout désormais comme autant de marques d’aménité convenues — font un peu sourire, mais leur empressement n’est pas désagréable.

L’impression de plats qui s’enchaînent doit être erronée, car, lorsque nous sortons, deux heures, en fait, se sont écoulées.

 

Nous prenons un verre non loin de Saint-Paul.

Je parle alors un peu plus qu’Aymeric. Je lui expose assez longuement mon envie d’être à la retraite — et de peut-être l’anticiper. Lui est peu dérireux de reprendre un travail, non pour le travail en soi mais pour les rapports avec une hiérarchie obtuse telle qu’il en sévit tant dans la façon de ménager (« manager ») les « personnels ». Je retrace mes démêlés avec une collègue indélicate ou stupide — à moins que les deux —, qui non seulement avait occasionné un travail long qui n’aurait normalement pas dû m’échoir mais encore n’avait été suivi d’aucun retour ni remerciement.

 

Alors que je relate cet épisode somme toute inédit, énervé encore par ma collègue idiote sans doute, je renverse mon verre.

 

Aymeric donne le signal de départ.  Nous prenons chacun notre ligne de métro à Bastille, l’un la 1, l’autre la 5.

Je ne suis pas sûr que le restaurant ait autant plu à Aymeric qu’à moi, et j’emporte ce regret avec et à part moi, la soirée ayant été agréable de toutes les autres façons…

 

Alors que je jette les premiers linéaments de cette soirée, Pascal et F. rentrent. Le restaurant où ils ont dîné — choisi pourtant pour fêter en tête-à-tête l’anniversaire de Pascal — ne leur a que médiocrement plu.

 

 

21 février

 

Matin

 

Je prends mon mal en patience avant que F. et Pascal n’émergent de leur chambre.

Comme se danse un ballet entre les pièces plutôt petites de l’appartement autour surtout de la salle d’eau, je vais faire des courses pour ne pas encombrer l’espace. J’achète trois bouteilles du vin qu’ils ont apprécié chez le caviste où je me les étais procurées.

 

 

Après-midi

 

Je quitte l’appartement presque une heure et demie avant le départ du train, vais à pied jusqu’à la Gare de l’Est : les trains, nous prévient-on, seront retardés.

Je reçois bientôt un message sur mon téléphone : le mien aura une heure quinze de retard.

 

Je rencontre — puisque c’est ma vocation désormais — un autre collègue dans un premier bar.

L’affichage du hall de la gare s’est aggravé : le délai d’attente atteint dorénavant 1 h 45.

 

Je prends un second verre en terrasse, dans une vacance qui, hormis les circonstances, n’est pas sans agrément...

 

 

 

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