996 - Scottish Gigue (5)
Scottish Gigue
(Paris – Edimbourg – Paris)
14-28 juillet 2019
(Journal extime)
5
18 juillet
Matin
Je me rends au National Museum of Scotland,
riche de diverses collections et qui, d’un lieu à l’autre, offre une variété stimulante : c’est à la fois comme si l’on parcourait un musée des civilisations, un musée de la mode, un musée des arts décoratifs, un musée des sciences et techniques, de géologie ou de zoologie, un musée d’histoire, un musée des beaux-arts, un musée d’art moderne, un musée des antiquités — en ayant l’égale chance d’y trouver un intérêt…
Il s’y trouve également beaucoup d’activités pour les enfants de tous âges — ainsi que pour ces enfants attardés que sont la plupart des adultes désormais. Je me laisse prendre moi-même à un modèle réduit de train qu’une manette fait aller et venir, en songeant à ce circuit ferroviaire occupant une demi-pièce dont un de mes camarades de l’école primaire était propriétaire — et à la fascination que j’ai pu avoir, enfant, pour les trains miniatures, les BB bidule [dites « fers à repasser » (si j’en crois Internet), pourtant d’une laideur remarquable, n’en déplaise à Huysmans !] et leurs pantographes, les draisines et les wagons de marchandises ou de voyageurs, les neiges carboniques qui tombaient sur des paysages nocturnes illuminés par le halo poétique de réverbères ouvrant sur je ne sais plus quel monde imaginaire désormais…
Naturellement, le collègue de la veille avec sa femme me tombent dessus dans la vaste galerie des animaux empaillés (sont-ils d’ailleurs empaillés ? je ne sais…).
Leurs deux fils viennent saluer. Le cadet, me disent ses parents, se plaint de son séjour : il pleut, il fait froid, il s’ennuie à mourir… qu’est-ce qu’on est venu faire là ?…
Après une visite qui correspond, me semble-t-il, à une moitié du bâtiment parcourue, je décide de revenir après le déjeuner.
Mon hôte semble absent quand je rentre.
Je jouis insolemment du lieu et m’attarde à dactylographier — j’ai déjà rempli quelques pages de mon carnet — les premiers linéaments de ce journal-ci.
S’il fait du vent, le temps semble vouloir demeurer ensoleillé.
Après-midi
J’arpente durant deux heures et demie encore le musée, depuis les ailes ou les étages que je n’ai pas faits jusqu’à la terrasse.
C’est la partie proprement consacrée à l’Ecosse, historique et conventionnelle, qui m’intéresse le moins…
Pablo Picasso, Visage Tourmente [ou “Visage tourmenté” ?]. Earthenware, made by Madoura Pottery, Vallauris, France, 1956. Picasso, Scène de tauromachie. Earthenware, made by Madoura Pottery, Vallauris, France, 1959.
Mummified man with portrait. Human remains, linen, wood, plaster, gold, resin, Hawara, Egypt, AD c80-120.
Lunette, gesso on timber frame, designed by Alf Webster (1885-1915) as part of a series for the Byzantine Smoke Room in Anderson’s Royal Polytechnic, Argyle Street, Glasgow, about 1910
Et ce bouddha debout me conforte dans mon idée que les bouddhas birmans sont les plus beaux…
Je visite ensuite le cimetière tout proche (Greyfriars Kirkyard), non sans charme. Ce n’est apparemment pas là cependant que se trouve la tombe de David Hume…
Je m’amuse de cette plaque en hauteur sur le mur externe de l’église qui fait de l’auteur d’un ouvrage dont j’ignore tout un poète prétendument immortel1.
Le ciel, contrairement à ce que j’avais imaginé, se fait de plus en plus menaçant.
J’avais repéré, la veille, une brasserie où le prix des bières est indiqué devant chaque robinet. Je m’y réfugie.
L’endroit est bondé, et il est difficile de s’y trouver une table. Je parviens cependant à m’installer. La bière — Abbot Ale, choisie au hasard, est douce et parfumée. (Sur la carte — car il est bien certain que le Diable se niche dans des détails indiscrets — est indiquée combien elle pèse en calories : 284 Kcal ! Autre hasard objectif : elle titre davantage que toutes les autres… mais je ne suis pas sûr que j’aurais apprécié la Bud Light (3,5%, 152 Kcal, n°1 in the USA, qui plus est !), non plus que certaines d’entre elles...)
Soir
Mauvaise surprise au miroir (qui tapisse une penderie sur tout un mur) : je dois affronter l’image d’un homme ayant épaissi, au corps disgracieux et déformé…
-=-=-=-=-=-
1Raillerie bien à tort puisque le souvenir d’Allan Ramsay est encore vif à Edimbourg, ainsi qu’un hasard objectif me l’enseignera bientôt, me laissant alors une impression cuisante de cuistrerie…
* * *
Dans un courriel à T., je rendrai compte ainsi de mes deux premiers jours à Edimbourg :
Bonsoir T.,
Mon séjour à Edimbourg, sous ses auspices frais et pluvieux, me console des chaleurs à venir. 41° annoncés à Paris lorsque je serai de retour : je ne couperai pas au jour le plus chaud de la semaine le lendemain de mon retour ! On annonce 26° à Glasgow mardi — le jour où je compte m’y rendre —, ce qui, je suppose, convertirait l’Ecossais le plus climatosceptique au réchauffement de cette planète qui se désaxe. Je compte bien profiter des presque soixante-douze heures à venir.
Si, le premier jour, le château d’Edimbourg ne m’a pas tout à fait conquis, la Scottish National Gallery, l’après-midi, m’a tout autrement ravi du fait de ses collections de peinture italienne, impressionniste ou écossaise :
17/7 142015 Titien, les trois Âges de l’homme
145612 Claude Monet, Haystacks (Snow), 1891
John Duncan, St Bride, 1913
(As-tu vu, dans un coin du tableau, cette sirène bientôt mazoutée ?)
Le lendemain, j’ai arpenté durant presque cinq heures la Scottish National Gallery — j’ai déjeuné tout de même dans la mi-temps, pour mieux y revenir l’après-midi — dans l’incroyable inventaire à la Prévert que le musée renferme (depuis la connaissance du minéral et du vivant, celle des hommes et des cultures, les arts et les techniques, du silex aux imprimantes 3D, des peaux de bête aux robes métalliques de Paco Rabane) et qui a requis toute mon attention sur mille objets divers (que je n’ai pas tous photographiés) :
les ailes d’un albatros
102251
une robe en papier (censément résistant)
105114
une robe de cour
105436
une porcelaine chinoise
113353
un costume transgenre [?] imaginé par Vivienne Westwood
114307
une assiette tauromachique (photographiée pour toi [qui n'aimes pas la corrida] !) de Picasso
143438
un plat de l’époque maniériste et sa petite sœur de cruche
143939
une galerie d’animaux empaillés à ravir Maryse [la serveuse revêche d'un restaurant de **** où toutes sortes d'animaux empaillés “décorent” l'endroit]
151626
un splendide bouddha debout birman...
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