1004 - 14, 15, 16 janvier…
14 janvier
A Nancy, au Point Central (ainsi nommé parce que les principales artères commerçantes de la ville se coupent à angle droit), le Ballet de Lorraine danse dans la rue pour soutenir les manifestations contre la réforme des retraites.
Lorsque les lettres inscrites1 sur les sweat-shirts des quatorze danseurs s’assemblent, le message est clair.
Par un média “alternatif”, on apprend dans la soirée que les deux lycées « prestigieux » de Paris, Louis-le-Grand2 et Henri IV, lors d’assemblées générales de professeurs ont voté la grève reconductible.
15 janvier
Des manifestants, pour la plupart enseignants, se sont rassemblés devant le Rectorat.
Sarbacanes, confettis, serpentins : l’atmosphère est (volontairement) bon enfant.
Puis, à la faveur d’une porte qui s’ouvre, les manifestants entrent et occupent les lieux, montent et tractent dans les étages.
Le recteur, qui a accepté de rencontrer quatre personnes, a aussi appelé la police. Des CRS pénètrent ainsi par l’arrière du bâtiment, pour faire évacuer les lieux (il n’y a eu ni colère, ni débordement). Un manifestant, bousculé (frappé, selon des témoins) par les « forces de l’ordre », fait un malaise.
16 janvier, 6 h 29
Radio France est en grève depuis le 25 novembre.
A 6 h 29, juste avant le premier journal de France Culture, une voix masculine remplace la voix féminine habituelle, et, pour la première fois, un motif — qui n’est certes pas le motif originel, lié à la restructuration de Radio France et à la suppression de postes qui en découle, ainsi qu'aux changements de "mission" de ce service public — est donné aux auditeurs : « à l’appel d’une organisation syndicale représentative… contre la réforme des retraites… » [message reconstitué de mémoire, puisque, lorsqu’on écoute en différé les programmes, le message a tout bonnement disparu].
Sourdement, on se prend à espérer.
(à suivre)
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1Je m’y trouve entre les lettres L et U. Je m’y retrouve aussi : « LU », cela me convient bien.
2
Communication des professeurs de LOUIS LE GRAND
Chers parents,
Lors de la première journée d’action contre le projet de réforme des retraites, le 5 décembre dernier, plus de la moitié des professeurs de LLG, Secondaire et CPGE confondus, étaient en grève. La mobilisation s’est poursuivie lors des journées d’action qui ont suivi, le 10 et le 17 décembre, et hier 9 janvier. Au-delà de la participation à ces temps forts, une grosse quinzaine de collègues a décidé d’entrer à partir d’aujourd’hui, vendredi 10 janvier en grève reconductible. Nous souhaitons vous en expliquer les raisons.
Nous demandons l'abandon du projet de réforme des retraites et la suppression de la première session des épreuves communes de contrôle continu (les E3C).
Cette réforme des retraites ne pénaliserait pas les enseignants seulement, mais elle les pénaliserait plus lourdement que d’autres.
Chacun comprend qu’une pension calculée sur les revenus de l’ensemble de la carrière, comme le prévoit le projet, sera plus faible que la pension calculée sur les six derniers mois, comme c’est le cas aujourd’hui. Cette évidence n’est contestée par personne et le président de la République — par exemple dans son intervention à Rodez le 3 octobre dernier — comme le ministre de l’Education nationale en sont convenus.
Les mesures de compensation annoncées — augmentation des salaires, et surtout des primes, pendant la carrière — ne peuvent pas nous convaincre, et au moins pour deux raisons.
- Les sommes évoquées sont très inférieures à celles qui seraient nécessaires pour obtenir un maintien des pensions au niveau de ce qu’elles sont dans le système actuel.
- Ces augmentations ne seraient accordées qu’en contrepartie d’une redéfinition de « ce que sera le métier d’enseignant du XXIème siècle », redéfinition dont on ne sait pas grand-chose, sauf qu’elle passera par une augmentation du temps de travail. Nous n’avons pas oublié que le ministre de l’Education nationale avait présenté comme une mesure en faveur du pouvoir d’achat des enseignants l’obligation qui leur est faite désormais d’effectuer une deuxième heure supplémentaire, alors même que ces heures supplémentaires sont moins payées que les heures normales.
Cette réforme rendrait encore moins attractif un métier qui peine déjà, vous le savez, à recruter.
Nous nous battons aussi pour la suppression de la première session des E3C. Ces épreuves remplacent les épreuves terminales dans plusieurs disciplines et pour commencer, dès février, les langues vivantes, l’histoire-géographie et les mathématiques en STI DD.
Dans chacune de ces matières des épreuves différentes selon les lycées, et parfois entre les classes d’un même établissement, seront organisées.
Les épreuves dans certains lycées seront corrigées par les professeurs de l’établissement. Ce sera le cas à LLG, et ce ne sera pas un avantage pour nos élèves puisque, chacun le sait, la notation est plus exigeante ici que dans d’autres lycées.
Ces disparités seront aggravées par l’absence de concertation entre correcteurs des différents établissements qui ont choisi un même sujet, et par l’absence de corrigé commun, à la différence de ce qui se passe jusqu’à maintenant dans les épreuves du baccalauréat.
Des sujets différents et des modalités d’organisation et de correction différentes selon les établissements transforment le baccalauréat en un examen purement local et non plus national.
La multiplication des épreuves pour une même discipline — deux en Première et une en Terminale — oblige à un bachotage permanent sur des savoirs parcellaires. L’ordre dans lequel sont abordées les notions au programme ne dépend plus de l’initiative des enseignants. La liberté pédagogique s’efface au profit d’une vision standardisée de la transmission des connaissances. Enfin, les problèmes matériels ne cessent de s’accumuler, de l’ouverture tardive de la banque nationale de sujets aux difficultés posées par la correction dématérialisée (connexion, débit etc.).
Il faut donc supprimer cette première session des E3C, et faire de la session de juin un examen unique et national.
Voilà, en quelques mots, les raisons pour lesquelles nous sommes entrés dans ce mouvement de grève reconductible. Nous serions heureux que vous les fassiez connaître à l’ensemble des parents d’élèves du lycée.
Cette situation, nous le savons, est difficile pour vos enfants, pour nos élèves. Mais l’importance des enjeux et les décisions très brutales, unilatérales du gouvernement nous ont contraints à une décision qui n’a pas de précédent dans le passé récent de notre lycée. Dans cette circonstance, nous serions bien sûr heureux de pouvoir compter sur votre compréhension, et même sur votre soutien.
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