1008 - 22, 23, 24 janvier...
… à leur nuance de ciel, d’heure, de couleur
... et de mouvement près.
Vendredi 24 janvier
— Jusqu’où donc faudra-t-il user, frotter ses ressources, ses semelles ?
(à suivre)
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Lettre ouverte à J.-M. Blanquer écrite par le GIGM 77 (Grévistes Interpro Grand Melun 77) :
Monsieur le Ministre,
Lors de votre intervention de ce dimanche 19 janvier sur France Inter, vous avez tenu des propos déplacés et graves à l’encontre des enseignants grévistes et de toutes les personnes mobilisées.
Vous avez parlé de « personnes radicalisées dans la violence, dans des actions de type anti-démocratique ». Vous avez employé les termes d’« ennemis de la démocratie, ennemis de la République » à propos de l’incursion au siège de la CFDT et de la tentative de manifestation aux Bouffes du Nord mais aussi de « minorité radicale » à propos des blocages d’E3C et des jets de manuels.
Nous, personnes mobilisées contre cette réforme des retraites, contre la réforme du Bac, contre la tenue des E3C, sommes des professeurs, des fonctionnaires de l’Etat. Nous portons au quotidien les valeurs de la République auprès des futurs citoyens de ce pays. Beaucoup parlent de notre profession comme d’un sacerdoce. Les principes de démocratie, la liberté, l’égalité, la fraternité, la solidarité, la laïcité sont au centre de nos vies professionnelles et personnelles. Nous traiter d’ennemis de la démocratie et de la République revient à mépriser notre engagement auprès des élèves et mépriser notre place dans la société.
Les mobilisations de fonctionnaires sont les plus sages, vous le savez. Vous appuyez sciemment dessus en nous qualifiant de « radicalisés » et de séditieux. Nous avons à cœur d’être compris et entendus de l’opinion publique, de rester dans la légalité, le respect de notre fonction et de l’Etat et à ce titre, nous ne dépassons jamais les limites. Chacune de nos actions donne lieu à de très longs échanges entre nous, tous motivés par notre volonté de rester dans le cadre de notre fonction, sans jamais froisser l’opinion publique. En nous accusant du contraire, vous jouez sur notre corde sensible.
En quoi jeter de vieux manuels sur le sol est-il anti-démocratique ? En quoi occuper un rectorat est-il anti-démocratique ? En quoi questionner la pertinence d’une réforme pour l’avenir de la nation est-il anti-démocratique ? Vous faites appel à la culture et à l’Histoire pour discréditer nos actions mais l’Histoire et la culture sont jalonnées de ces actions au nom de la démocratie et au nom de la République.
Parle-t-on de radicalisés quand des agriculteurs déversent des récoltes ou du purin ? Parle-t-on d’ennemis de la démocratie quand des taxis, des routiers font des opérations escargots ? Parlait-on d’ennemis de la République lorsque les bonnets rouges brûlaient des pneus sur les autoroutes ?
A ce titre, nous souhaitons revenir sur les actions de jets de manuels qui ont fait grand bruit. Non, lancer des livres n’est pas « une négation de la dignité du métier ». Non, lancer des manuels ne fait pas de nous des totalitaristes puisque c’est ce que vous sous-entendez. Ces manuels sont obsolètes, issus de programmes révolus. Leurs contenus pédagogiques et scientifiques sont inexploitables dans de nombreuses disciplines. Parfois à cause de vos réformes. Aucun roman n’a atterri sur le sol, aucun auteur n’a été souillé, aucune idée, aucune pensée n’a été détruite. Ces manuels ne manqueront à personne, ils ne nous empêcheront pas de continuer à faire notre travail.
Nous accuser de jeter et piétiner le savoir et la culture, c’est faire semblant d’ignorer nos luttes quotidiennes pour obtenir des budgets d’achats, organiser des sorties, permettre à nos élèves d’élargir leur horizon. Combien sommes-nous à partager nos ouvrages personnels avec nos élèves, à acheter des livres sur nos deniers personnels pour eux, à les prêter, à les donner ?
Nos mobilisations sont invisibilisées depuis des années. Ainsi, les actions symboliques sont devenues notre seule option. Vous vous adressez à des personnes conscientes, formées, cultivées, pour qui la déontologie a un sens. Nous ne cassons rien, nous ne violentons personne, nous nous rendons visibles. Nous sommes issus d’un parcours universitaire et de formation qui nous oblige à un comportement sinon exemplaire, du moins éthique et responsable.
Vous parlez également d’« effet de loupe » sur une « minorité radicale ». Vous affirmez que le soutien aux réformes est majoritaire et que ceux qui s’y opposent « cultivent le conservatisme, l’immobilisme et les inégalités ». Ces affirmations sont la preuve de votre incapacité à écouter ce que vous disent les enseignants depuis deux ans.
En effet, notre quotidien n’est fait que de recherches éternelles de solutions pour le progrès de nos élèves. Mise en place de PAP, de PAI, de PPRE, de tutorat, de suivi individualisé, de pédagogie différenciée, chaque jour est un recommencement afin de réduire les inégalités. Et pourtant ! Chaque enquête PISA souligne que l’école française est une machine à broyer. Nous sommes les mauvais élèves de l’Europe. Nous sommes fragiles en langue et nuls en mathématiques. Nous sommes apparemment incapables d’aider nos élèves, mais nous sommes aussi les plus mal payés, ceux qui travaillent le plus par semaine et les moins considérés.
Vous attendez de nous des miracles mais vous nous traitez comme des bénévoles. Vous exigez des résultats mais sans aucun moyen alloué à nos missions. Les DHG tombent les unes après les autres, et toutes se ressemblent. Moins d’heures, moins de moyens, moins de postes. Plus de missions, plus d’élèves, plus de contraintes. Idem pour les E3C. Vous attendez de nous la tenue d’épreuves nationales avec une organisation locale sans concertation ni organisation.
Vous vous vantez de porter « le calme des vieilles troupes » face à nous, émeutiers. Pourtant, c’est nous qui sommes bien calmes face à la violence de votre mépris et à votre manque d’écoute. Quant à nos vieilles troupes à nous, les vraies qui sont sur le terrain, nous les perdons sous le poids du métier. Nous pensons à Christine Renon, à Jean Willot et à tous ceux qui nous ont quittés à cause de leur travail. Nous exerçons un métier qui pèse sur notre santé, sur notre moral, sur notre vie privée. Dès le début de notre carrière, notre motivation et notre engagement sont mis à rude épreuve. Les chiffres des démissions et ceux des inscrits aux concours soulignent cette tendance au désespoir et à l’abandon du plus beau métier du monde.
Nous faisons tout ce que nous pouvons.
A vous d’écouter, à vous d’entendre, à vous d’agir
POUR l’avenir de l’Education Nationale
POUR l’avenir de nos élèves
POUR l’avenir de notre République.
Les 0,1% d’enseignants, chefs d’établissements défavorables à la réforme,
dans le premier et le second degré, en métropole, en banlieue,
dans les DROM-COM, en ville comme en campagne.