Archive GA CCCXCV - Paris-Naples / Napoli-Parigi (journal extime) - 23 avril-5 mai 2013 (3)
Paris-Naples / Napoli-Parigi
Journal extime
(23 avril - 5 mai 2013)
3
25-04, AM, midi
Ce matin, je me suis senti parfaitement heureux. Dégagé de tout souci. Dégagé de la mort et de la maladie. Il faisait déjà chaud, j’avais le soleil sur ma peau. (Je sais que JM m’approuverait. Fort de cela, je ne vois auc raison de m’en vouloir.)
Entré chez un opticien, pour un cordon [de lunettes. Inspiré par les Pascal.]
L’opticien ne me le fait pas payer.
C’est tout aussi gratuitement q j’ai visité les appartements royaux — d’une laideur royale accoutumée. Entrant par la cour, les gardiens ne me demandent rien et empruntant l’escalier d’apparat [que j’hésite alors à photographier, malgré l’impression qu’ils produisent/ photos à suppléer]
j’accède bientôt à la bibliothèque palatine et aux autres salles.
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Jeudi 25 avril , matin
Le matin, je visite le Castel Nuovo. Je prends quelques clichés du portail
— ainsi que d’autres à l’intérieur, lesquels ne sont pas toujours réussis, notamment quand je photographie la salle de l’actuel conseil municipal de la ville et ses voûtes en forme de parapluie (je supplée donc par une photo volée au journal d’un internaute une image des lieux).
Dans les anciens thermes, en manière de clin d’œil à Y***, je prends une photographie de mes pas.
Parcourant les collections de tableaux et de sculptures, je m’amuse d’un Christ plutôt grassouillet,
Fabrizio Santafede (1576 [?]-1626), “Cristo e l'Eterno Padre”, tempera ed olio su tela, cm 93,5 x 152,5 cm [cliché du 22/02/2020]
d’une fuite vers l’Egypte où Marie, enceinte, semble près d’accoucher,
et, plus sensible à la détresse d’une nonne à la vocation forcée (ce sont du moins les lignes de force d’un roman en miniature que je me forge à la vue de la peinture)
rate une autre photographie, le vernis du tableau absorbant la lumière du flash jusqu’à l’éclabousser presque entier...
C’est gratuitement que je visite ensuite les appartements du Palazzo Reale — d’une laideur royale accoutumée dans ses dégoulinures d’or, notamment la première antichambre : l’appareil photographique s’en effare par deux fois puisque n’en produisant que des clichés flous.
Entrant par la cour, les gardiens, occupés à bavarder entre eux, n'ont pas songé à contrôler mon billet. J’emprunte alors l’escalier d’apparat, que j’hésite à photographier, en dépit de l’impression monumentale qu’il produit, et grimpe comme un voleur, sans pourtant avoir cherché à resquiller, cette volée de marches… (Je supplée donc à nouveau ces images manquantes.)
[clichés : Internet]
Il est midi, lorsque j’en sors et me retrouve sur la Piazza del Plebiscito face à la Basilique San Francesco di Paola.
Là, sous l’action de la chaleur du soleil sur ma peau, sous ce ciel aux nuances de safre qui gagnent sur l’azur banal des ciels, je suis tout à coup baigné d’une parfaite béatitude. Dégagé de tout souci, dégagé de la mort et de la maladie. (Si je m’en veux un instant de ce bonheur parfaitement égotiste, je sais aussi que J.-M. m’approuverait. Fort de cela, je savoure plus nettement encore ce soleil qui m’inonde après les froids intenses des dernières semaines.)
Et je lézarde sur les marches de la basilique dans un farniente qui creuse le moment dans ce qu’il peut avoir d’exceptionnel et de dense.
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La faim finit toutefois par me gagner. Je découvre la Galleria Umberto I, où je ne m'attarde guère, me promettant d’y revenir (ce que je ferai le dernier jour avant de repartir, en une sorte de boucle ou d’adieu) et parcours ensuite une artère commerçante en quête d’un restaurant où déjeuner.
J’ai remarqué que Patrice et Pascal arborent des lunettes de vue en sautoir sans complexe. La formule m’aurait rebuté naguère, mais, la presbytie gagnant du terrain, je dois bien m’avouer sortir de plus en plus souvent mes bésicles de leur étui. J’entre donc chez un opticien pour céder à un mimétisme que fonde une raison toute pratique et lui demander un cordon. Après quelques explications sommaires en anglais qu’appuient des gestes sans doute plus explicites que mon baragouin, je me vois tendre aimablement l’objet convoité et, prêt à le payer deux ou trois euros, demande en sabir international combien je dois... Un geste de dénégation et un sourire me font aussitôt comprendre que la chose mirifique m’est offerte — et je ressors de la boutique comme si m’avait été accordé un trophée extraordinaire.
M’éloignant de cette rue par trop passante, je me trouve, dans une ruelle à flanc de colline, un restaurant sans prétention où manger en terrasse.