Archive GA CCCXCIII - Paris-Naples / Napoli-Parigi (journal extime) - 23 avril-5 mai 2013 (1)
Paris-Naples / Napoli-Parigi
Journal extime
(23 avril - 5 mai 2013)
1
Paris, mardi 23 avril [2013]
Après-midi
J’ai lu dans le train, puis dans le studio de N. Depuis quand n’en avais-je pas eu le loisir ?
Judith, finalement, me laisse les clés de l’appartement plutôt que celles du studio de N. J’espère que rien n’en interrompra la jouissance. (Je me souviens de l’intrusion de sa mère en l’absence de Judith et de N., partis en vacances. Je savais la mère de Judith atteinte de la maladie d’Alzheimer, et j’ai subi patiemment son interrogatoire suspicieux. Paraissait la heurter tout particulièrement que j’occupe la chambre de N. et de Judith. Elle y est revenue plusieurs fois, entre deux propos moins cohérents — et l’éloge attendri de ses petits-enfants... Judith a par ailleurs confié les clés du studio à sa voisine du rez-de-chaussée afin que celle-ci achève en toute tranquillité une thèse de doctorat et que puissent sans l’interrompre la laisser travailler mari et enfant...)
J’ai fait quelques courses et me suis installé. Du studio, j’entends Judith jouer le Carnaval de Schumann.
Dans la cour, les clématites sont en boutons, alors même qu’elles étaient en fleurs l’an dernier une semaine plus tôt... L’hiver, il est vrai, s’est beaucoup attardé — c’est au plus fort du froid que j’ai réservé, en février, mon billet d'avion pour Naples —, et la végétation accuse un retard de presque trois semaines...
Cependant, j’avais dit à N*** quand je l’avais vu en mars que j’amènerais le printemps. Il ne fait pas un si vilain temps.
Soir
J’attends N*** dans ce bar où nous nous sommes déjà donné rendez-vous à différentes occasions. J’ai hâte de le revoir — et, partant, de dissiper le malentendu qui s’est fait jour entre nous du fait de paroles mal comprises, ce que j’ai raconté ici.
J’ai pris avec moi l’ordinateur et j’écris. Je n’écris rien d’essentiel. Voire : j’écris à côté (volontairement) de ce qui a trop tramé mon existence ces deux derniers mois, l’important étant d’écrire, geste qui s’accompagne d’une détente perçue dans tout le corps.
Car c’est bien un lâcher-prise auquel je me livre.
Comme d’ordinaire — j’en souris —, je reçois un SMS : N*** me prévient qu’il sera en retard.
Le voici, cependant, qui bientôt s’installe. Depuis la fois dernière, il s’est fait couper les cheveux très court.
Nous dînons — c’est aussi la troisième fois — rue Daguerre dans un restaurant tunisien.
N*** s’amuse que mon tajine soit accompagné de semoule : « Quelle différence avec le couscous ? » (ce que lui-même a commandé). De fait, on ne m’avait jamais servi un tajine ainsi.
*
* *
Rien, hormis mes notes, très succinctes (ce qui ne laisse pas de m’étonner), ne me revient de ce dont nous avons pu discuter. Je sais seulement qu’au moment de se quitter rendez-vous est pris pour mon retour de Naples — et cela suffit à me faire plaisir, balayant comme lettre morte la querelle de la fois précédente.
« J’ai exagéré », me dit-il à ce sujet. Je me détends en le lui entendant dire, malheureux encore du souvenir de notre mésentente (au sens neutre et premier du terme)...
Et, d’après ce qu’il me raconte, cela n’a pas l’air de s’être si mal passé avec J.-F., même s’il n’avait, semble-t-il, pas l’esprit à la rencontre...