Archive GA CDXIX-CDXX Paris-Naples / Napoli-Parigi (journal extime) - 23 avril-5 mai 2013 (18 et 19)
Paris-Naples / Napoli-Parigi
Journal extime
(23 avril - 5 mai 2013)
[Post-scriptum]
12.05
Les clés. Pour le moment n’en connais pas l’adresse. Le 25. J’ignore ce q je ferai.
13.05
P[atrice] m’apprend ce soir q JM aurait dit q’il n’était pas certain de me revoir avt mon retour de Naples.
Qd je l’ai vu avt de partir, je lui ai fait mes adieux. J’ai besoin de croire q ns ns sommes fait les adieux dt ns avions besoin. Il est mort avant de m’avoir revu, mais /l’essentiel avait été dit/.
------------
Vendredi 10, samedi 11, lundi 13 mai 2013
Le matin du 10, je me dépêche de graver un DVD que je destine à N*** en espérant qu’il l’aura le lendemain.
Juste après avoir commandé chez un fleuriste avec M., en son nom, celui de mes parents et moi, un "coussin" de fleurs (j’apprends ainsi la différence entre une couronne, une gerbe, un coussin, — et, des trois termes, c'est le moins laid, dans sa dénomination et sa réalité) à livrer au funérarium, je poste le précieux envoi.
Car je suis content d’adresser ce signe à N***, dont c’est l’anniversaire le surlendemain. Je peux me dire, sans épuiser la banalité de la formule, que la vie continue — et que c’est aux vivants qu’il convient désormais d'adresser des signes... Une chose aussi à quoi je songe : je n'aurais vraiment pas voulu — à titre évidemment égoïste mais pas seulement... — que J.-M. meure alors que j'étais à Naples.
Sanmartino Christ voilé, Cappella Sansevero (images : © Internet)
Je l’écris à peine plus tard à N***, puis à Aymeric :
Je tenais à être là pour tous les gens qui l'aimaient. Et j'ai vu qu'ils étaient nombreux non seulement vendredi, mais auparavant, dans sa chambre d'hôpital, puis dans la chambre de l'unité de soins palliatifs... Etre là dans de vraies condoléances, c'est-à-dire littéralement : un partage de la douleur (ou plutôt : une douleur partagée, car la douleur ne se divise pas). [...]
Tu le sais, je suppose, je ne crois pas à une vie après la mort au sens religieux du terme. Mais je crois que les gens "vivent" encore par le souvenir que nous en avons, par ce que nous transmettons d'eux. Et je trouve qu'une très belle transmission s'est opérée dans les trois jours qui ont précédé et suivi la cérémonie funéraire (non religieuse) de J.-M. Il m'est souvent arrivé de parler tout bas à Alain et J.-P. ; je le ferai désormais, j'imagine, avec J.-M. Mais il y a aussi ce qu'on dit, non pas à tous — je me suis aperçu qu'il y avait là un tas de gens que je ne connaissais pas, alors que, je crois, j'étais l'un des meilleurs amis de J.-M. — mais aux proches, aux compagnons de la personne disparue, à V***, à Pascal, eux que je connais depuis plus de trente ans, grâce à J.-M. — précisément. Il fallait établir les correspondances, les relais, leur montrer que je les aime aussi.
Et je n'ai pas été déçu. Et je crois que J.-M. serait content, lui qui, dans les moments de lucidité, rendus rares par l'usage de la morphine, a fait toutes sortes de passations... Il avait dit à Patrice — celui-ci me l'a rapporté hier — qu'il ne me reverrait sans doute pas avant mon retour de Naples. Cependant, je lui avais dit ce que j'avais à lui dire le jour où je suis parti, et je suis à peu près certain qu'il l'a entendu. Sinon, il l'aura entendu tout aussi bien à d'autres moments dans les semaines qui ont précédé.
J'ai un peu craqué tout de même — peut-être aussi avais-je trop retenu mes émotions... — quand, le samedi, alors même que je venais de recevoir un mail de sympathie d’Aymeric, Pascal m'a remis les clés du F2 qu'ils ont acheté, F. (son actuel compagnon) et lui, il y a quelques années à Paris — clés jusqu'alors en la possession de J.-M. De cela, J.-M. était particulièrement content — et fier. Et je le comprends. Que près de vingt ans après leur rupture J.-M. ait eu en partage ces clés montrait assez que le passé avait en quelque sorte eu sa raison d'être... D'ailleurs, il a souvent séjourné dans cet appartement en janvier et février lorsqu’il allait à Villejuif...
Quand j'avais vu Pascal le mercredi après Pâques, il avait insisté : je devrais, quand je viens à Paris, ne pas hésiter à aller dans leur appartement — et voilà que ces clés m'étaient transmises... [...]
*
* *
Pascal m'a appelé hier pour me donner les disponibilités du lieu en juillet et août.
Quand j'avais évoqué la possibilité de partir à Berlin en juillet-août, Khadija m'avait dit que jamais elle n'y était allée. Nous avions alors caressé le projet de nous y rendre ensemble. Entre-temps, Judith m'avait donné les dates où N., elle et les enfants, seraient en vacances — et leur appartement, à mon éventuelle disposition. Pascal m'ayant précisé que tel ou tel ami serait susceptible de loger dans leur F2 à Oberkampf, j'ai décidé d'agir vite — pour qu'eux puissent s'organiser, puisque, dans tous les cas, Pascal paraissait me donner la priorité.
De ce fait, je n'ai pas voulu occuper que leur appartement. Je serai chez Judith du 25 juillet au 1er août, puis à Berlin dans un appartement que je louerai avec Khadija jusqu'au 10, et, de nouveau, à Paris jusqu'au 16, cette fois chez eux. Billets d'avion et location ont été retenus, et j'ai même déjà acheté le billet de train du 25.
Je ne saurais dire le bien fou que cela m’a fait. Cela m'a fait oublier (donc) ce temps de chien — pour rester poli — qui s'abat sur nous depuis pas mal de temps. En même temps, je n'en ai jamais fait si peu que depuis un mois. Les vacances, les ponts d'or et les week-ends s'abouchent les uns aux autres... C'était bien tombé pour recevoir V***, X***, Pascal et F. la semaine dernière, mais pas seulement... Et de tramer d'autres vacances encore ajoute (donc) à ces prolongations !