1020 - En Bretagne (1)

EN BRETAGNE

(journal extime)

(9 août - 21 août 2019)

1

9 août

Journée

Depuis combien de temps n’avais-je pas conduit de la sorte, toute une journée au volant, sauf à m’arrêter toutes les deux heures ou moins pour ne pas totalement m’abrutir ?

Des trombes d’eau ont commencé à s’abattre sur la francilienne jusqu’à noyer toute visibilité sur le pare-brise. Ensuite, Porte de Bercy, il a fallu presque une heure pour monter sur le périphérique, pare-choc contre pare-choc.

J’ai eu du mal à trouver à Chartres l’appartement du logeur. Le GPS du téléphone a pris le relais du GPS routier que j’avais emporté avec moi, sans  que l’un ou l’autre me convainque tout à fait de leur efficacité. (Je me suis rappelé que c’était pour partir seul la première fois, après m’être séparé de R., en Allemagne que j’avais acheté ce GPS, dont je n’ai jamais renouvelé le programme depuis).

Je suis enfin à bon port. Un enfant turbulent, hurleur, m’accueille derrière une porte vitrée, une boule d’énergie bien portante, à l’instar de sa mère presque obèse, qui ne sait comment contenir sa progéniture.

La chambre est en contrebas, en rez-de-jardin. Une araignée presque aussi grosse que mon poing s’échappe de la literie alors que je défais mes bagages. Je ne voudrais pas qu’elle me pique dans mon sommeil.

Je me fais indiquer un supermarché pour le petit déjeuner du lendemain et effectue quelques courses.

Soir

Je vais à pied jusqu’au centre-ville dans un lacis de petites rues que je ne suis pas certain de reconnaître au retour.

Je vois de jolies maisons à colombage, dont cette tourelle d’escalier.

L’escalier de la Reine Berthe, tourelle d’escalier à colombages sculptés (début du XVIe siècle)

Le vent souffle sur la place de la cathédrale, et j’ai le regret de n’avoir pas pris de coupe-vent.

Les restaurants alentour et leurs touristes aux terrasses ne m’inspirent guère. J’y trouve surtout des crêperies (déjà !) en nombre…

J’ai très faim, et l’humeur, exécrable, suit ma crampe à l’estomac.

Je finis, en m’éloignant, par trouver enfin un restaurant tunisien où l’on me sert un tajine au poulet et aux citrons confits, qui, si les olives sont dénoyautées et le poulet, élevé en batterie, a quelques saveurs à la hauteur de mes attentes.

Le garçon, à ma demande, me fournit gentiment un plan. Des animations nocturnes sont signalées à divers endroits.

J’assiste donc au son et lumière de la cathédrale. (La chronologie historique suit l'avancée de la nuit, tant et si bien que l'on songe irrésistiblement aux variations de Monet peignant la cathédrale de Rouen...)

Je me rappelle Julien, le soir où il était enfin venu chez moi, après un siège de dix mois : je me rappelle qu’entre deux accouplements intenses, après avoir dîné, je lui avais proposé d’assister au son et lumière de la Place S***, histoire de reposer un moment nos corps.

C’était — à un jour près — il y a sept ans, et je remets à plus tard encore la relation par bribes et fusées (je sais déjà comment je procèderai) de ces heures passées ensemble du 10 au 11 août de 2012 (deux mille douze, devrais-je écrire). (Je songe aussi au gentil enthousiasme de J.-M., à sa participation, douce et déterminée, à l'aventure telle que je la lui narrais alors même que, si plein d'une détermination tout inhabituelle, j'entendais pousser mon pion — et qu'il balayait pour moi tous les obstacles...)

Je retrouve assez aisément mon chemin pour rentrer ; assez aisément je marche sur mes brisées. Je reconnais, illuminée, l’église Saint-Pierre devant laquelle je suis passé à l’aller.