1021 - En Bretagne (2)

Publié le par 1rΩm1

 

 

 

EN BRETAGNE

 

(journal extime)

 

(9 août - 21 août 2019)

 

2

 

 

Chartres, samedi 10 août

 

Matin

 

La lumière me réveille. J’évalue que, le crépuscule étant plus tardif ici, il doit être plus de six heures. De fait, il est six heures et demie.

L’araignée ne m’a finalement pas mordu.

Personne ne bouge avant longtemps, le chat excepté (qui, après s’être rué sur ses croquettes au cas où j’en serais amateur, réclame pour se faire caresser).

Je tâche de faire autant de bruit qu’une ombre dans la cuisine en me préparant un petit déjeuner, ne désirant pas réveiller la maisonnée, d’autant moins d’ailleurs que le gamin — Diego — braillant à qui mieux mieux la veille peu avant minuit, m’avait obligé à recourir à des bouchons d’oreille, et que je n’ai aucune envie de le voir surgir et se mettre en tiers entre le chat et moi.

A contempler la poubelle qui déborde d’emballages divers — essentiellement des plats préparés qui lui ont été livrés —, je comprends tout à coup pourquoi C**** est un peu plus qu’« enrobée ».

 

Il est neuf heures quand je passe aux abords de Saint-Pierre, allant confortablement à nouveau sur mes brisées.

 

Je commence mon abord de la cathédrale à la lumière du jour par le portail sud.

 

1021 - En Bretagne (2)
1021 - En Bretagne (2)

Ce que je photographie en contrebas du chevet

 

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est-il le labyrinthe que m’évoquait M., qui a piètre allure avec sa pelouse rare et ses quatre coins arbustifs1 ?

 

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Consciencieusement, avec la circonspection, la lenteur et le recul voulus, je fais le tour de l’édifice religieux

 

1021 - En Bretagne (2)
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Portail nord
Portail nord

Portail nord

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Portail royal
Portail royal

Portail royal

pour pénétrer, comme la veille au soir, à l’intérieur.

 

Grille et éléments sculptés du jubé du XVIIIe siècle (cliché du 09/08/2019)

Grille et éléments sculptés du jubé du XVIIIe siècle (cliché du 09/08/2019)

Je photographie doublement en aveugle les vitraux : sans être certain du rendu, ni si ma sélection recouvre les plus belles pièces, les plus anciennes en général.

 

1021 - En Bretagne (2)
1021 - En Bretagne (2)
1021 - En Bretagne (2)

Puis j’entreprends le tour du chœur.

 

Pierre Ier Legros, la Guérison de l’aveugle, 1681-1683

Pierre Ier Legros, la Guérison de l’aveugle, 1681-1683

L’aveugle semble fondre sous la caresse de la main du Christ.

 

Notre-Dame du Pilier, statue polychrome, XVIe siècle, Bois de poirier
Notre-Dame du Pilier, statue polychrome, XVIe siècle, Bois de poirier

Notre-Dame du Pilier, statue polychrome, XVIe siècle, Bois de poirier

 

Je visite ensuite le musée des Beaux-Arts, établi dans l'ancien palais épiscopal, au chevet du monument.

Une grosse machine vient d’être rénovée

 

Léon Cogniet (1794-1880), Métabus, roi des Volsques, Huile sur toile, 1821

Léon Cogniet (1794-1880), Métabus, roi des Volsques, Huile sur toile, 1821

à laquelle s’oppose un tableautin autrement amusant

 

Téniers David, dit le Jeune (1610-1690), Tabagie de singes, Huile sur cuivre parqueté

Téniers David, dit le Jeune (1610-1690), Tabagie de singes, Huile sur cuivre parqueté

au sujet duquel des précisions intéressantes sont apportées.

 

1021 - En Bretagne (2)

Une exposition est consacrée aux talents de dessinateur de Jean Moulin. Celui-ci, sous le pseudonyme de Romanin, était un bon caricaturiste. Les œuvres, sous vitrines, dissuadent de les photographier.

Je voyage en pensée vers des destinations récentes, puisque, parmi les tableaux, l’un semble tout exprès fait pour me rappeler Ferrare et ma découverte du Garofalo

 

Benvenuto Tisi dit Il Garofalo (1481-1559), la Vierge et l’Enfant, Huile sur bois [provient des collections du cabinet du roi Louis XIV (petite galerie, Versailles) — est-il précisé]

Benvenuto Tisi dit Il Garofalo (1481-1559), la Vierge et l’Enfant, Huile sur bois [provient des collections du cabinet du roi Louis XIV (petite galerie, Versailles) — est-il précisé]

l'autre, Séville.

 

Francesco Zurbaran (1598-1662), Sainte Lucie, vers 1635-1640

Francesco Zurbaran (1598-1662), Sainte Lucie, vers 1635-1640

Toute une pièce est consacrée à Maurice Vlaminck.

Les toiles sont, pour la plupart, des dépôts du Louvre ou de Beaubourg — et l'on se demande pourquoi l’on n’a pas le droit de les photographier.

 

Maurice de Vlaminck, Saint-Maurice-les-Charencey, 1920, Huile sur toile

Maurice de Vlaminck, Saint-Maurice-les-Charencey, 1920, Huile sur toile

(Je rêve un instant sur le « nom de pays » que mentionne le cartel, sans pour autant que se déploie toute une anamnèse, n’ayant sans doute pas l’imagination nécessaire ni suffisante pour ce faire. Mais au moins suis-je sensible à la beauté singulière de la toile.)

Une autre pièce est dévolue à Chaïm Soutine, un peu dépouillée de son contenu : je goûte fort l’ironie du carte qu’on m’oppose [— en attendant l’exposition qui lui sera consacrée à l’Orangerie !]

 

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Et de me consoler (maigrement) avec la canne et son pinceau mises sous vitrine.

 

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Et, pour la couleur locale, je me contente assez malgré tout de ces escaliers…

 

Chaïm Soutine (1893-1943), les Escaliers de Chartres, 1933, Huile sur toile

Chaïm Soutine (1893-1943), les Escaliers de Chartres, 1933, Huile sur toile

Je découvre ensuite l’église Saint-Aignan,

 

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1021 - En Bretagne (2)

qui réserve à l’intérieur aussi de belles surprises.

 

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1021 - En Bretagne (2)
1021 - En Bretagne (2)

Je m’amuse du message apposé à l’entrée de l’église, conforme, d’une certaine façon, à un théologie bien comprise (même si bien sûr je n’y adhère que par raccroc !).

 

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Après-midi

 

Je convoie Mahmadiou et ses deux enfants jusque Nantes.

C’est le GPS de son téléphone qui nous guide, après que le mien nous a fait tourner en rond sans qu’on comprenne rien à ses injonctions contradictoires et que mon passager m’a mis aux prises avec une application dont je ne connaissais pas l’existence, plus précise et mieux renseignée que Google Maps, téléchargée dans son téléphone. Celui-ci m’indique la voie à suivre.

 

Bientôt tout le monde dort.

Je conduis sans discontinuer et mets cinq heures pour parcourir 300 kilomètres — tout en m’effarant du nombre de ronds-points.

 

Lorsque, non loin de Nantes enfin, mon passager se réveille, il me demande s’il peut recharger la batterie de son téléphone, presque à plat. Je ne peux malheureusement rien pour lui, n’ayant pas sur ma voiture déjà vieille de prise USB, non plus que je n’en ai à brancher sur l’allume-cigare.

Mahmadiou et ses enfants doivent poursuivre leur périple jusque Saint-Nazaire, et je les emmène donc jusque l’accès sud de la gare de Nantes, où, comme le prochain train est dans la dizaine de minutes qui suit, ils déchargent précipitamment leurs bagages afin de pouvoir l’attraper, les enfants s’envolant comme des moineaux.

 

Revenu aux mœurs du GPS de mon téléphone, je me laisse conduire non sans difficultés, du fait notamment de travaux tels que les municipalités en entreprennent si souvent en été, jusque Saint-Herblain, où j’ai réservé un studio. Après quelques circonvolutions, j’arrive malgré tout à l’heure que j’ai fixée.

La logeuse, une cinquantenaire aux traits avenants, est sympathique. L’appartement est agréable, habité de son ancienne présence, puisqu’elle m’explique loger désormais chez son actuel compagnon. Cela change quelque peu des meublés de fortune que l’on peut louer par l’intermédiaire du site auquel je recours habituellement pour mes voyages. Je peux même écouter ses CD, me dit-elle.

Il n’y a cependant pas de Wi-Fi, et je me connecte sur mon téléphone mobile pour envoyer un courriel à T., dont c’est l’anniversaire,

 

Salut T.,

 

Arrivé à Nantes ce soir, après une nouvelle demi-journée à voyager ! Ce sont des six heures au volant, dont je n’ai pas l’habitude : hier, le pire a été Porte de Bercy pour prendre le périphérique vers Chartes : cinquante minutes pour faire cent mètres !

 

En photos jointes : quelques images (choisies un peu au hasard) du très beau son et lumières de la cathédrale de Chartres. Il faut dire que, bonne fille, celle-ci s’y prête complaisamment ^^ et que toute toilette lui va bien, même le style grisaille !

 

Amitiés,

 

Romain

 

— tout en agrémentant cette conversation à distance d’une bière bretonne rousse qu’on m’a convié à boire.

 

Je fais des courses dans un hypermarché tout proche.

 

Il est 22 h 20 alors que j’écris ces lignes. C’est peu dire qu’après avoir joué si lassement l’après-midi les conducteurs infatigables, je me sens éreinté.

 

-=-=-=-=-=-=-

1 [Ajout du 12 avril 2020 :] Evidemment non. J’ai honte rétrospectivement de l’avoir cru — mais m’en amuse et réjouis, ayant toujours le soupçon d’une cuistrerie de ma part s’il est question d’art religieux ou de théologie. (M., à ma décharge, avait été évasive, comme si elle-même ne savait plus trop de quoi il s’agissait.)

Quoi qu’il en soit, regardant ce jour pour la seconde fois un documentaire sur les Monuments sacrés, j’apprends (réapprends) que ledit labyrinthe — en fait, un dallage en colimaçon de douze mètres de diamètre dans la nef qui, tel un intestin déplié, acquiert une longueur impressionnante (puisque le plus grand labyrinthe médiéval, soit « 261,55 m de chemin tortueux ») — figure quelque chemin symbolique auquel les uns et les autres comprennent … ce qu’ils veulent (« ouvrage impressionnant et mystérieux, sa signification première s'est perdue au cours des siècles », me “précise”-t-on ici ou ).

— Certes, le Christ peut se mêler de combattre le Diable, mais aura-t-il jamais l’efficacité d’un archange mieux aguerri contre le Démon ?

 

 

 

 

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