Archive GA LXXX - April in Paris (5)
April in Paris
(nouveau journal extime)
5
griffonnages
Mardi 20 avril
[matin]
Occupé toute la matinée à faire des achats en vue de mon séjour — plus spécifiquement en vue d’habiter l’appartement de Judith. Ai notamment acheté ce bloc-notes sur lequel je m’adonne à de premiers jets à vif. L’intitulé de ce bloc : « griffonnage » — terme qui lui convient proprement !
J’avais emporté mon ordinateur, mais n’ai pas réussi à le connecter à Internet. Comme la fois précédente, j’ai donc dû recourir à l’ordinateur de Judith, pour consulter ma messagerie personnelle, ainsi que celle du site — et ai eu l’impression, en ouvrant l’ordinateur, de violer un espace personnel, taboué. Je me suis d’ailleurs vaguement senti comme l’enfant se livrant à un jeu interdit. Ai pourtant recouru à la stricte rubrique « invité » de la page d’accueil de l’ordinateur — ce que je n’avais su faire, n’ayant pas alors mes mots de passe de messagerie et recourant à l’espace réservé à Judith — afin d’envoyer un mail à JM. Et, ce faisant, n’ai donc commis aucune indiscrétion— ce que je n’avais d’ailleurs pas voulu la fois dernière, mais, passant par la messagerie de Judith, j’avais vu s’afficher tous les messages non lus qu’elle avait reçus du fait de mon incursion.
Ai aussi écrit à B***, toujours bloqué dans sa ville aéroportuaire.
Lundi 19 avril
[soir]
B. me téléphone, très angoissée. Annule notre rendez-vous. Puis, comme prise de remords, rappelle le lendemain, pour proposer de se voir, non mercredi soir, mais durant la matinée, dans le nouvel appartement où elle n’a toujours pas emménagé, faute d’avoir terminé ses cartons !
Impression — fugace, mais difficile et sans doute un peu stupide — de contraindre tout le monde par ma venue et mes demandes de rendez-vous plus ou moins pressants.
Je passe de bons moments en compagnie d’Aymeric. Il m’attendait sur son lieu de travail, qu’il avait envie, je crois, de me montrer. Il m’a dit aussi s’être plu chez moi, où il est venu durant le week-end pascal. Comme la politesse ne l’y obligeait pas, je crois qu’il était sincère, et j’ai été content de cela.
Nous nous rendons à pied au restaurant, mais, auparavant, Aymeric me fait visiter le quartier. Il me montre la façade d’un bel immeuble 1900, que je photographie plusieurs fois dans le soleil déclinant (je doute, de ce fait, que les photos soient très réussies).
Le dîner est très bon. Et, comble de surprise, nous nous faisons offrir le repas par le restaurateur ! (Aymeric lui a déjà rendu quelques services, et notre hôte, qu’Aymeric m’avait dépeint comme spécialement bourru, nous a d’abord offert l’apéritif, puis s’est enquis, assez abruptement, il est vrai, de nos commandes ensuite, de nos impressions, de nos désirs. Quand je reviens des toilettes, avant de quitter le lieu, les pourparlers ont eu lieu déjà, et Aymeric m’engage à partir. Je crois d’abord à un surcroît de délicatesse de sa part et proteste. Ce n’est que dans la rue que P*** m’explique cette invitation inattendue…)
La conversation a été bon train. J’ai été très impressionné par la rigueur d'Aymeric quand nous avons abordé — je ne sais comment c’est venu — le terrain politique. Les noms des acteurs, les concepts, le contexte, toute une nomenclature précise lui viennent très naturellement, et je me sens pataud dans mes analyses, généralement « sauvages », instinctives, des mêmes données… « C’est ma formation de juriste », m’explique-t-il.
J’aimerais me souvenir, à ce propos, de la formule, tout assassine, qu’il a eue à propos de la période que nous vivons depuis trois ans… Elle m’a paru politiquement, sociologiquement appropriée !
Nous avons programmé un déjeuner ensemble jeudi.
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C*** a répondu à mon message, mais sans encore me fixer de rendez-vous précis.