Archive GA LXXXVIII - April in Paris (12)

Publié le par 1rΩm1

 

 

April in Paris

 

(nouveau journal extime)

 

 

12

 

fusées

 

 

Samedi 24 avril

 

[début d’après-midi]

 

Je remonte (une dernière fois ?) le cours du temps — et le cours de ces pages —, pour donner plus de sens et de sel aux moments que j’ai déjà retracés — dans cette sorte de journal à l’envers.

 

Cherchant à contacter N*** pour la balade prévue mercredi au jardin du Luxembourg, je me vois opposer ses deux répondeurs.

Je vais à Marmottan voir l’exposition sur les femmes peintres et les salons au temps de Proust, mais cela me gâche la visite — et même les plus beaux Monet exposés au sous-sol. Me souviens aussi que j’étais déjà venu quatre ans plus tôt pour voir avec R. une expo consacrée à Camille Claudel.

Je remâche l’impression de disgrâce. N*** a, certes, pu oublier notre rendez-vous, mais deux répondeurs en même temps me semblent exprimer une obstruction volontaire à mes appels... Je vais vivre, je le sens, le reste de l’après-midi à attendre soit qu’il me rappelle, soit que B***, qui devrait être arrivé à Paris, me contacte ainsi qu’il l’a promis. Autant dire que c’est seul que je risque de déambuler, par 24° ironiques d’un temps splendide, dans les rues de Paris

Je remâche. Je trouve cela d’autant plus frustrant que la photographie prise la semaine dernière par N*** au jardin du Luxembourg m’avait paru une invite sympathique à une prochaine rencontre avec lui…

 

Au Luxembourg, où je me rends malgré tout, où je n’ai pas envie de m’attarder, trouvant la multitude insupportable à ma solitude, je prends quelques photos vengeresses, comme autant de contrepoints (beaucoup moins réussis, m’apercevrai-je ensuite !) ou variations consolateurs auxquels se joindra un volatile complaisant…

Un type torse nu a des poignées d’amour qui plairaient à N***…

 

Et puis… alors que je m’apprête tout bonnement à décamper de l’endroit, le téléphone sonne. Je crois à un appel de B***, mais c’est le nom de N*** qui s’affiche sur l’écran. Comme je suis en train de pénétrer dans le métro, je n’entends d’audible que le fait que N*** a finalement raccroché. Il faudra deux appels successifs, l’un en pleine rue, l’autre dans un endroit plus retiré à l’écart des voitures, pour se fixer un rendez-vous, à l’endroit que j’ai photographié vingt minutes plus tôt.

Je me sens idiot, injuste d’avoir douté de N***. Et, si j’avais été intelligent, confiant, j’aurais bien mieux goûté les Morisot à Marmottan ! (J’en reviens donc à des prémices : pourquoi n’être pas plus quiet ?)

 

La noce croisée quelques temps auparavant au Luxembourg (mariés prenant la pose devant le bassin) remonte la rue Soufflot et passe devant moi, « crispé comme l’extravagant » à la terrasse du café où je suis attablé. Le Panthéon s’en amuse — très certainement… Après Baudelaire, je repense à ces pages de l’Assommoir où l’on visite le Louvre…

 

(J’ai aussi pensé à N*** et à son Romain — le mien, avec ses nom et prénom, s’affiche ironiquement dans un encart jaune quand je tape les lettres magiques, que reconnaît automatiquement Word, dans un raccourci systématique — quand C*** m’a parlé de son efféminement. J’aurai au moins cela à raconter à N***… quand il sera là !)

 

*

*  *

 

Soirée mieux que plaisante, qui a compensé les déceptions remâchées. J’en note seulement les linéaments les plus à vif, quitte à les compléter plus tard (mais j’aime assez ces notations comme des fusées — et, de fait, elles ont leurs fulgurances, leur force à vif) :

 

Alors que N*** se baisse, je vois, dans un entrebâillement (entre sweat et jean), le duvet qui court sur son échine au bas du dos…

Il se tient les épaules légèrement voûtées

il faut dire qu’il a

le cou très long

une tonsure à venir se devine déjà dans ses cheveux fins, clairsemés aussi sur le devant

les jambes longues, presque maigres — même si je refuse le qualificatif

les jambes

filiformes

tout en jambes (donc)

 

son œil cligne au soleil

il me montre une face borgne

quand son œil cligne au soleil

(alors que nous sommes au Luxembourg)

 

— le clin d’œil de C*** quand il me quitte —

 

Archive GA LXXXVIII - April in Paris (12)
Archive GA LXXXVIII - April in Paris (12)

Archive GA LXXXVIII - April in Paris (12)

 

la photo que j’ai prise — toutes les photos de la Contrescarpe, en fait — seront ratées…
Tout se superpose...

— ne jamais dérober aux gens une part de leur vie, j’ai contrevenu à ce qui est pour moi un principe — et dois m’en amender…

 

*

*    *

 

Ce dialogue, qui m’amuse intérieurement d’un double sens qui paraît échapper à N*** — mais qui laisse G*** un instant interloqué (je devrai relever et dissiper l’équivoque ensuite) :

 

G*** (s’adressant à moi) — Et tu dors où ?…

N*** (qui vient de s’acheter un lit, et qui croit que la question lui est adressée) — Mais, là, dans mon lit !

 

 

[ajout du 29 mai]

 

Plus tard, N*** me dira avoir ensuite eu avec G*** une longue discussion tournant autour de l’attirance pour les garçons. Si j’ai été à l’origine de confidences entre eux, cela me console absolument de l’idée — qui a pu me traverser l’esprit — d’avoir été peut-être en tiers dans leur conversation…

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article