1038 - En Italie (1)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si au moins…

 

ça pouvait ressembler…

                             

                                        à l’Italie !

 

 

[journal extime]

 

 

(19 octobre – 2 novembre 2019)

 

 

 

1

 

 

 

(première photographie prise à Milan, 23 octobre)

(première photographie prise à Milan, 23 octobre)

 

 

****, 18 octobre

 

La veille de partir à Paris, je dîne avec T.

(C’est, après un moment d’agacement de sa part, après ce que j’ai appelé dans un courriel que je lui avais adressé « quelque faux jour », l’occasion d’une conciliation. Les semaines qui viennent de passer ont été rudes et ont passablement entamé nos nerfs.  Aussi sommes-nous contents de ce dîner qui a failli ne pas se produire, alors que nous ne vous verrons pas pendant deux semaines. La conversation roule, plus fluide qu’elle ne l’était les jours précédents…)

Cependant, comme je veux lui montrer un message de Judith qu’elle m’a envoyé le matin même, je m’aperçois que je n’ai plus mon téléphone. J’ai pu le laisser au café où nous avons pris une bière précédemment. Nous écourtons un peu, de ce fait, le restaurant. J’ai l’idée, alors que nous montons dans ma voiture, de faire appeler par T. mon numéro. Le vibreur de l’engin se fait entendre sur le siège arrière. Il a glissé de la gibecière durant le trajet aller. Je propose de prendre un verre dans le quartier où habite T., mais ne trouve pas d’endroit où stationner. Je dois me résigner à rentrer et laisser T.

 

A 22 heures 30, autre désagrément, je reçois un message comme quoi mon train ne circulera pas le lendemain. Je cherche aussitôt une solution de remplacement — et la découvre sous les espèces d’un trajet de cinq  heures et demie en bus et d’une arrivée que je devine peu commode à la gare routière de Bercy. La seule consolation que je trouve sur le moment à la situation tient à l’accord que je donne au mouvement de grève à l’origine de l’annulation de mon train…

 

 

Samedi 19 octobre

 

Nuit agitée et courte.

L’heure du bus étant de presque trois heures plus tôt que le train que j’avais réservé à l’origine, je passe ma matinée, depuis les sept heures où je finis par me lever, en toutes sortes de préparatifs avant mon voyage. Je tâche aussi d’expédier au mieux les affaires courantes. Je cours après la factrice qui a sonné chez moi alors que je suis sous la douche afin de récupérer le recommandé qu’elle n’a pu me délivrer, puisque je la vois au moment où je sors ma poubelle.

Alors que mes bagages sont enfin prêts, je laisserai le « bagel » acheté — faute de mieux — pour mon repas du soir dans un commerce de proximité au réfrigérateur.

 

 

Midi

 

Je suis invité par mon père pour les soixante ans de leur mariage, ma mère et lui. Ma sœur n’a pu venir, ayant, elle, été invitée par l’une de ses filles pour l’anniversaire de son ex-mari, ce qui a l’air de heurter un peu mon père quand il m’en parle, et je lui donne raison.

(J’avais plaisanté au moment de l’invitation, mon père croyant que je serais déjà parti, en rétorquant que je serais là, que je me mettrais en tiers, en faisant un parallèle avec la situation qui a mené à leur mariage en octobre 1959 — que je serais donc là, aujourd’hui comme hier, cet hier où n’existait alors pas encore la pilule du lendemain…)

 

Nous nous rendons dans un restaurant indien aux abords de l’agglomération. Mon père s’est résolu à s’appareiller. Il parle si bas que je l’entends à peine. Je suis cependant content qu’il n’ait pas mis dans un tiroir les prothèses auditives qui, m’explique-t-il, amplifient tous les bruits parasites. Nous avons longuement discuté de cela — et d’autres choses — avec Pascal quelques jours auparavant, qui avait confirmé les dires mêmes de mon père.

Je demande : quel temps faisait-il le 19 octobre il y a soixante ans ?

Mon père répond que la météorologie était tout aussi peu avenante, froide et pluvieuse, en pire peut-être. Il raconte avoir pris un verre de rhum dans un bistrot du coin (de la paroisse, en l’occurrence) avant le mariage religieux (car à l’époque, auprès des familles, un mariage simplement civil n'était pas envisageable…). Je m’amuse de ce geste qui rappelle l’offrande qu’on fait au condamné à mort, mais c'est d'une condamnation à vie qu'il s'agit — celle d'avoir femme et enfants.

Je suis déjà là (donc) — je naîtrai un peu plus de trois mois après. Et mon père n’aura pas encore vingt ans. (Il était le premier, on s’en doute, de toute une bande de copains à se marier ; il sera le premier de tous à être père.)

 

Ils m’emmènent ensuite en voiture sur les hauteurs d’une ville proche où se trouve l’arrêt du bus.

 

Soir

 

Les cinq heures et demie auront été bien rudes au regard de l’heure et demie de TGV dont j’ai désormais l’habitude (depuis octobre 2009 me rappelé-je in petto). Nous étions trois à lire parmi la bonne quarantaine de passagers : l’une des passagères, le Point et Paris-Match (m’a-t-il semblé), une jeune fille, un livre, et moi — absorbé d’abord dans Pays perdu de Pierre Jourde, puis le Voyage d’Italie de Dominique Fernandez repris à la page 466 et complété par quelques incursions ici ou là à partir de l’index des lieux.

Débarqué à Bercy, je m’irrite de ne trouver aucun fléchage pour le métro — et recours alors au GPS de mon téléphone. Après être passé par une sorte de terrain vague peu carrossable pour la valise à roulettes que je traîne, je dois le constater : mes tickets de métro, comme de juste, sont démagnétisés, et je reflue vers un guichet de vente où l’on s’emploie à leur redonner une seconde vie magnétique. Mais la hâte d’en avoir fini avec cette demi-journée passée à se faire véhiculer n’en est que plus grande.

 

Installé rue P***, j’envoie un message à Pascal, je réponds au courriel d’Aymeric, et trouve tout de même le courage de ressortir et d’acheter du pain pour le lendemain.

 

— Et je me livre à ces lignes — avec un plaisir qui pacifie toutes les tensions accumulées au cours des semaines qui ont précédé.

 

 

 

 

 

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