1052 - En Italie (8)

Si au moins…

ça pouvait ressembler…

                                        à l’Italie !

[journal extime]

(19 octobre – 2 novembre 2019)

8

26 octobre

Matin, Parme

Comme convenu avec le logeur, j’achève ma remise en ordre de l’appartement à dix heures. J’ai quatre heures devant moi avant de reprendre mes bagages. J’ai préparé deux sandwichs avec ce qui me restait de jambon pour déjeuner, ce que je ferai dans le jardin ducal.

En attendant l’ouverture de la Pinacothèque Stuard, je profite d’une cathédrale qui me paraît mieux éclairée par le soleil que la veille.

(J’entame alors, sans le savoir encore, un parcours semé de trompe-l’œil…)

Puis je visite la Pinacothèque. J’y suis l’unique visiteur, escorté de salle en salle par une femme, qui, après m’avoir aimablement fourni un document plastifié en anglais sur l’histoire de cette partie de palais — qui jouxte la chambre de saint Paul — bâtie sur des fondations romaines, me suit ou me précède. Déjà la veille, en arpentant la Galerie Nationale, dans certaines salles, j’étais seul — ce dont on pourrait rêver pour les grandes expositions en France, et qui ne m’est guère arrivé que lorsque Judith, N. et moi avions bénéficié des services de W., à Pompidou-Metz, nous faisant entrer un quart d’heure avant l’ouverture. Encore avions-nous été vite talonnés par les visiteurs, aux coups d’œil bien plus rapides que les nôtres !

La collection de tableaux est inégale, mais n’est pas toujours dépourvue d’intérêt.

Carracci (Annibale) (Bologna 1560 - Roma 1609), Cristo e la Cananea, 1594-1595, Olio su tela

Bottega di Antonio Moro (Antoon Mor), Margherita d’Austria Duchessa di Parma e Piacenza, seconda metà XVI sec., Olio su tela

Mattia Preti (Taverna 1613 - La Valletta, 1699), Apelle dipinge il ritratto di Camapaspe, amante di Alessandro il Grande, seconda metà XVII sec., Olio su tela

Bocchi (Amadeo) (Parma 1883 - Roma 1976), Fior di Loto, 1905, Olio su tela

Comme il est également attenant au même palais, je me rends  ensuite au Musée Giordano Ferrari, qui accueille une exposition de marionnettes.

Je photographie, dans une vitrine, des marionnettes indonésiennes, qui me font songer à la fois à J.-M. et à Java, souvenirs, il est vrai, liés.

L’une d’elles ressemble à celle que j’avais acheté Jalan Surabaya, la rue des « antiquaires », à Jakarta… Je m’amuse d’apprendre qu’elle correspondrait à un « démone » — tandis que Jacques affirmait qu’il s’agissait d’un serviteur, d’un représentant d'une caste inférieure.

Empruntant le Pont Giuseppe Verdi, je visite ensuite la maison natale de Toscanini, aménagée en musée. C’est une petite maison, avenante, entre deux maisons ripolinées par le soleil.

C’est à Judith que je pense alors que je photographie le piano quart de queue exposé dans l’une des pièces.

Je me rends ensuite dans les jardins du Palais ducal tout proches, où je mange mon sandwich assis sur un banc.

Le soleil cuit les créatures qu'il illumine, dans un ciel sans nuage. La veste en cuir dont je suis bardé est comme un caparaçon d’insecte que j’abandonne avec soulagement.

Après-midi, Modène

Je traverse le centre d’une ville bourgeoise et coquette, sans afféterie — à réflexion : plus élégante que coquette, aux dimension et foule bien proportionnées en ce samedi encore chaud. Modène a son identité propre, et elle ne me paraît ressembler à aucune des villes d’Italie du nord que j’aie pu visiter — ce qui, de vrai, pourrait s’appliquer tout aussi bien aux autres, mais c’est en tout cas une assez jolie ville [je ne le dirais pas de Ravenne, où j’ai séjourné ensuite]…

Mes pas me mènent préférentiellement à la Galleria Estense.

Dio Aion/ Phanes entro Zodiaco, Manifattura romana, bottega urbana, Secondo quarto del II secolo d.C., Marmo bianco venato a grana fine

Je reste en arrêt devant ce tableau du Guerchin, récemment restauré mais dont les parties manquantes sollicitent l’imagination et soulignent comme a contrario la beauté fascinatoire.

Barbieri (Giovanni Francesco, detto “il Guercino”), Madonna in trono con San Giovanni evangelista e San Gregorio taumaturgo, 1630

Et cette tête de vieillard pourrait illustrer à merveille l’un de mes articles « De l’âge »…

Mazzoni (Guido, detto Paganino o Modanino) (Modena, 1450 ca.-1518), Testa di vecchio, 1480-1485 ca.

Mais je ne sais bientôt plus où donner de la mienne, ni du regard, tandis que s'étalent des correspondances…

Botticini (Francesco) (Firenze, 1446-498), Adorazione del Bambino, 1470-1480 ca., Olio su tavola

Dossi (Dosso, Giovanni di Niccolò Luteri) e Dossi (Battista) Adorazione del Bambino, 1533-1536

Cima (Giovanni Battista), Cima da Conegliano (Conegliano 1459 ca.-1517 ca.), Compianto sul Cristo morto con i santi Francesco e Bernardino, 1502-1505 ca., Olio su tavola

Begarelli (Antonio) (Modena 1499-1565), Compianto sul Cristo morto, post 1534, Terracotta

Je reconnais évidemment au premier coup d’œil le bel Antinoüs — mais ne reste pas insensible au charme de son voisin Virgile.

Scultore romano del sec. XVIII, Busto ritratto di Antinoo, Bronzo dorato (testa) e alabastro d’onice (busto)

Scultore romano del sec. XVIII, Busto ritratto di Virgilio, Bronzo dorato (testa) e alabastro d’onice (busto)

Garofalo (Benvenuto Tisi) (Ferrara, 1481 [?]-1559), Madonna in trono col Bambino, angeli musicanti e i santi San Giovanni Battista, Contardo d’Este e Lucia, 1533, Olio su tela

Diego Rodriguez de Silva y Velazquez (Séville, 1599-Madrid, 1660), Ritratto del duca Francesco I d’Este, 1638, Olio su tela

Giarola (Antonio), Rittrato di giovane, Olio su tela

Tintoretto (Jacopo Robusti), Madonna col Bambino e i santi Caterina d’Alessandria, Scolastica, Pietro, Agostino, Giovanni Battista e Paolo, 1547-1549 ca., Olio su tela

Tintoretto (Jacopo Robusti), Ciclo di quattordici dipinti da un soffitto, 1541-1542, Olio su tavola

Tintoretto (Jacopo Robusti), la corsa d'Ippomene, la dea Latona trasforma, Appolo e Dafne, Il giudizio di Mida, Piramo e Tisbe

Reni (Guido), San Rocco in carcere, 1617-1618, Olio su tela

Turchi (Alessandro, detto l’Orbetto), San Pietro liberato dall’angelo, 1630 ca.

Veronese (Paolo Caliari), Due santi vescovi [Germiniano e Severo ?], 1558-1561, Olio su tela

Veronese (Paolo Caliari), San Menna, 1558-1561, Olio su tela

[Pittore della prima metà del sec. XVII], San Francesco in estasi, 1620-1630 ca.

Même les toilettes appellent le geste photographique (mais c’est aussi un clin d’œil adressé à Paul, en l’occurrence).

J’achève ma visite avec un dernier trompe-l’œil — avec Le Guerchin, par lequel la splendeur picturale avait commencé.

Barbieri (Giovanni Francesco, detto “il Guercino”), Venere, Marte e Amore, 1633, Olio su tela

Après avoir (donc) parcouru la Galleria Estense en divers sens afin de revoir et photographier certaines œuvres qui m’ont le plus plu (ou dont la vue m’a tout bonnement saisi, telle cette flèche qu’Eros semblait vouloir planter en mon œil), après avoir aussi attendu la fin de l’office pour visiter l’intérieur de la cathédrale,

après avoir tout de même beaucoup marché durant la journée, je n’ai que faiblement envie de me faire à manger. Les deux supermarchés que je visite sur mon chemin ne m’inspirent guère…

Laura, ma logeuse, m’a parlé d’un restaurant proche, mais qui s’avère complet. Je me rabats sur un restaurant chinois devant lequel je suis passé.

T. m’a envoyé un message. X est à présent accusé de viol sur mineures et son nom figure désormais dans les journaux. Etrangement, je n’arrive pas imaginer X en violeur — même si je ne peux fonder sur rien pareille impression, et que, très certainement, aucune certitude sur aucun être ne vaut jamais…

(Je tourne la dernière page de ce carnet acheté à Grenade, celle de gauche du moins puisque la page de droite est en principe destinée à des ajouts, auxquels je ne me livre guère, me contentant généralement de renvois, ce qui, dans le passage de notes manuscrites à leur ressaisie sur l’ordinateur, occasionne des amplifications parfois considérables.)

On m’apporte un plat par erreur, que je prends d’abord pour un accompagnement du plat principal. Je ne m’en rends pas tout de suite compte, mais, lorsque je réclame les gambas au curry que j’ai commandées, l’incompréhension qu’on me manifeste d’abord me renseigne sur le malentendu. Et, si les raviolis à la vapeur servis en entrée étaient corrects, les gambas s’avèrent quelconques… Et, naturellement, on me fait payer le plat arrivé en fraude sur ma table. Je manifeste de la mauvaise humeur à ce sujet, tout en regrettant dans l'après-coup de ne m’être pas fait moi-même à dîner…