1069 - Carnet d'un confiné (9)
CARNETS d’un CONFINÉ
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[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
23 mars
Journée pleine d’appels téléphoniques, certains très longs.
J’essaie de joindre M., dont c’est l’anniversaire.
Alors que je m’apprête à déjeuner, Claudie me téléphone d’abord. Elle est véhémente sur toutes sortes de sujets, qui tiennent soit à la situation, soit aux injonctions de sa direction. Elle dit qu’on lui demande de tenir le rôle de secrétaire départemental dans son syndicat (si j’ai bien compris). J’écoute et ne dis pas grand-chose. J’écourte d’ailleurs la conversation alors qu’il sera bientôt treize heures.
Judith, à qui je demande de rappeler.
C’est mon père, ensuite, qui m’appelle. Ma mère est rentrée, au prétexte d’un bon bilan hématologique. Les investigations ont été courtes. Il entend les poursuivre. Je le sens partagé entre soulagement d’avoir les rênes en main et inquiétude de l’avenir.
J’expédie mon déjeuner et joins la femme de ménage pour lui dire de rester chez elle. Elle n’avait pas l’intention de venir, mais, précisément, je n’en étais pas certain.
Je rappelle Judith, dont le téléphone sonne occupé, puis Claudie.
Je joins enfin M. Elle n’est pas sortie de chez elle — la grille de la maison est fermée à clé, précise-t-elle — depuis mardi dernier. Elle avait stocké toutes sortes de provisions auparavant.
Puis Judith.
Laure supporte mal le confinement, Lucien s’enfonce dans la dépression. Ses amis proches sont dans le sud de la France. Il devait partir avec eux, mais il a raté cinq partiels sur six, tant et si bien qu'il se trouve assigné à des révisions et rattrapages.
N. a l’air, lui, dépassé par les événements. Tout cela est brossé à grands traits d’humour, mais la voix atteste une inquiétude inhabituelle.
A. — et j’en suis surpris — se met de la partie. L’appel dure une heure et quart. Elle vit assez bien le moment présent, et, dans le flot de paroles, ne me donne que peu de nouvelles.
Des messages s’intercalent. De Patrice. De T., qui va mieux, mais qui, à force de tousser, a, dit-il, une côte fêlée.
Cette surchauffe téléphonique m’a à la fois fait plaisir et empêché de creuser tout à fait la vacance de la journée.
Je l’écris ce soir à T., embêté cependant de n’avoir pas de vrai mot pour l’inconfort de sa situation.
Et, quoiqu’il ne soit guère que 21 heures 30, je n’ai que la hâte de me coucher.