1078 - Carnets d'un confiné (15)
CARNETS d’un CONFINÉ
15
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
29 mars
Matin
J’entends à la radio le pénaliste Raphaël Kempf, dont je lirai bientôt une tribune parue dans le Monde.
Raphaël Kempf : « Il faut dénoncer l’état d’urgence sanitaire pour ce qu’il est, une loi scélérate »
Tribune (le Monde)
Les mesures extraordinaires décidées par le gouvernement pour faire face à l’épidémie risquent de s’inscrire dans le droit commun, analyse l’avocat pénaliste Raphaël Kempf.
Publié le 24 mars 2020 à 18h17 - Mis à jour le 24 mars 2020 à 20h42
Tribune. L’idée de République évoque les libertés, la démocratie et l’Etat de droit. Mais elle a aussi une face plus sombre : celle d’une République aux abois qui fait passer des mesures d’exception liberticides, motivées par l’urgence d’une situation extraordinaire. Dénonçant, en 1898, les lois scélérates visant les anarchistes, Léon Blum craignait qu’elles ne violent les libertés élémentaires de tous. L’histoire lui a donné raison : elles ont été normalisées et ont concerné bien d’autres personnes que les seuls anarchistes, qui devaient initialement en faire les frais.
La loi sur l’état d’urgence sanitaire, adoptée à marche forcée par une majorité aux ordres, nourrit les mêmes inquiétudes : présentée comme étant d’exception, elle a vocation à être durable. Faite uniquement contre la crise sanitaire, elle pourrait se normaliser. En donnant des pouvoirs démesurés à la police et à l’administration, en institutionnalisant une justice secrète et écrite, elle signe l’abandon de l’Etat de droit.
Par un trait d’humour involontaire, Edouard Philippe a présenté le nouvel état d’urgence sanitaire comme étant structuré sur le modèle de « l’état d’urgence de droit commun ». Il faisait ainsi référence à la loi du 3 avril 1955, adoptée dans le contexte de la guerre d’Algérie, et qui donnait à l’autorité civile des pouvoirs disproportionnés de contrôle des individus jugés dangereux et des opposants politiques. Utilisé contre les indépendantistes algériens, l’état d’urgence a vu son application se diversifier après les attentats de 2015, visant rapidement militants écologistes, musulmans et manifestants. En 2017, l’état d’urgence a été pour l’essentiel intégré au droit commun, pour une durée qui devait être de deux années, mais dont nous avons appris peu avant le confinement qu’elle pourrait être prolongée.
A travers cet oxymore de l’état d’exception « de droit commun », le premier ministre fait donc l’aveu que ces mesures ont vocation à se normaliser et que les discours d’apaisement sur le caractère temporaire et exceptionnel de ces mesures ne sont qu’une rhétorique rapidement remise en cause par les faits.
Interprétation créative des policiers
Première série de mesures prévues par l’état d’urgence sanitaire : celles qui permettent d’organiser le contrôle de la population et de ses déplacements, et qui sont limitées à la durée de l’état d’urgence (deux mois, en l’occurrence, sauf prorogation législative). Si la loi donne une base légale au confinement et à un éventuel couvre-feu, elle permet aussi des mesures individuelles – passées inaperçues – de mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être malades et d’isolement des malades confirmés. Ces dernières mesures trouvent un écho lointain dans les règlements adoptés par les villes au XVIIe siècle pour conjurer les épidémies de peste, et dont Michel Foucault a donné des extraits dans Surveiller et punir.
On voit mal, en 2020, pourquoi il faudrait que l’administration puisse forcer un malade à rester chez lui, alors que l’avis du corps médical et le bon sens seraient largement suffisants. L’adoption sans aucun débat de ces mesures de contrainte individuelles – au-delà de la question de leur inutilité – révèle surtout la vision de ce gouvernement, qui ne pense pouvoir gérer la population que par la contrainte et la discipline – au besoin pénalement sanctionnée.
En effet, la violation réitérée – pour la quatrième fois en moins de trente jours – des obligations de confinement, de quarantaine ou d’isolement expose le délinquant présumé à une peine de six mois d’emprisonnement. Envoyer en prison des contrevenants aurait l’effet inverse des objectifs recherchés par le gouvernement : cela expose le condamné à une contamination en détention et risque aussi de propager le virus dans ces espaces clos.
Mais ce texte permet aussi le placement en garde à vue : et c’est là qu’il donne un pouvoir arbitraire et disproportionné aux forces de l’ordre. Le contrôle des attestations de circulation – en raison du flou du décret sur le confinement et de ses dérogations – permet d’ores et déjà aux policiers, sur le terrain, d’en faire une interprétation créative.
L’arme supplémentaire de la garde à vue – c’est-à-dire de la privation de liberté décidée par un officier de police judiciaire sous le contrôle d’un magistrat du parquet qui n’est pas indépendant – autorise ainsi tous les abus, sur le terrain, dans les quartiers, à l’endroit de contrevenants qui auraient été repérés par des policiers. Et ce, sans même que les trois précédentes infractions au confinement ne soient devenues définitives, c’est-à-dire incontestables après l’épuisement du délai de recours de quarante-cinq jours. Et il y a fort à penser que l’immense majorité de ces privations de liberté pour violation réitérée du confinement ne fassent l’objet d’aucun contrôle judiciaire mais soient exclusivement utilisées par la police comme un outil de gestion et de discipline des populations.
Allongement des délais de la détention provisoire
Deuxième série de mesures prévues par l’état d’urgence sanitaire : l’autorisation donnée au gouvernement de légiférer par ordonnances – c’est-à-dire dans la plus grande opacité, sans débat parlementaire public – dans des domaines d’importance comme le droit du travail, mais aussi le droit pénal et la procédure pénale. Il est capital de souligner que la loi ne prévoit pas la limitation dans le temps de ces mesures. C’est-à-dire que le gouvernement s’autorise – à la faveur de cette situation extraordinaire – à tester des mécanismes profondément dérogatoires au droit commun et attentatoires aux principes fondamentaux de notre Etat de droit.
Sur la question carcérale, un consensus émerge autour de l’idée qu’il faut désengorger les prisons, qui sont des lieux de propagation du virus. Pourtant, tout l’esprit de la loi nouvelle est au contraire de donner les moyens juridiques pour que les prisonniers restent enfermés. Il faut bien reconnaître que la loi prévoit d’« assouplir (…) les modalités d’exécution des fins de peine », mais sans donner aucune précision concrète. Elle prévoit surtout l’allongement des délais de la détention provisoire, qui concerne des prévenus ou des mis en examen présumés innocents, et la possibilité de renouveler celle-ci « au vu des seules réquisitions écrites du parquet et des observations écrites de la personne et de son avocat ».
« Rien ne garantit que, dans une vision purement gestionnaire de la justice, le gouvernement ne souhaite conserver après la crise ces audiences écrites et à huis clos bien pratiques »
D’un trait de plume, et sans aucun débat, le gouvernement revient ainsi sur une tradition républicaine : l’audience publique, orale et contradictoire ! Ainsi, dans le secret de leur cabinet, les juges des libertés et de la détention pourront, à la seule vue des pièces du dossier, décider de garder en prison les mis en examen. Toute la philosophie de ce texte est donc de faciliter l’enfermement de personnes dont la loi dit pourtant qu’elles devraient par principe être en liberté. Le gouvernement fait ainsi le choix sanitaire et politique d’organiser la propagation du virus dans des prisons déjà surpeuplées.
Des pouvoirs démesurés accordés au premier ministre et à la police, une remise en cause de la philosophie pénale héritée de la Révolution française : de tels bouleversements appelaient plus qu’un débat de quelques jours entre de rares députés convoqués par le gouvernement. L’inquiétude est grande : que ces textes se pérennisent.
En effet, rien ne garantit que, dans une vision purement gestionnaire de la justice, le gouvernement ne souhaite conserver après la crise ces audiences écrites et à huis clos bien pratiques. Qui ne nous dit que ces innovations liées à la crise ne deviennent permanentes ? Et, au-delà de l’inscription probable de ces textes dans le droit commun, il y a plus grave encore : l’idée que le gouvernement et sa police puissent contrôler en permanence les comportements des citoyens. Si nous restons attachés à l’idée de l’Etat de droit, il faut pouvoir conjurer ces risques en dénonçant l’état d’urgence sanitaire pour ce qu’il est : une loi scélérate.
Je lis ceci aussi :
En l’absence de vaccin et de médicament confirmé, les pays qui ont réussi à stopper ou à ralentir de façon substantielle la maladie (Chine, Corée et dans une certaine mesure l’Allemagne…) sont ceux qui ont associé de larges dépistages et l’isolement des positifs, avec distanciation sociale et bien sûr des masques.
Ceux qui ne l’on [sic] pas fait sont obligés d’essayer de limiter l’incidence de l’épidémie par un confinement plus ou moins total, dont le but de ralentir la diffusion du virus, et donc « d’écraser » la courbe ce qui permet de répartir le nombre de malades dans le temps de façon à tenter d’empêcher la saturation des systèmes de santé. Une telle gestion archaïque comme pour les grandes épidémies de peste ou de choléra, détonne dans une époque où les connaissances et les énormes possibilités d’infrastructures, d’équipements et de communication pourraient protéger les populations contre un virus de ce niveau moyen de dangerosité. Elle est rendue nécessaire par la dramatique incapacité d’une bonne partie des décideurs politiques à prévenir et à gérer une telle crise, que ce soit par incompétence ou plus souvent, par choix politique.
Le capitalisme mondialisé premier responsable [extraits]
Le monde capitaliste bardé d’une Organisation Mondiale de la Santé, sur les recommandations de laquelle ils s’assoient, d’accords commerciaux, de G7 ou G8, s’est montré incapable d’avoir une stratégie globale cohérente de lutte contre la pandémie.
Au niveau Européen la cohérence des réponses et la solidarité entre Etats sont en dessous de tout : c’est la Chine qui a répondu aux appels à l’aide de l’Italie ; la Tchéquie a intercepté un envoi de respirateurs pour l’Espagne et l’aide frontalière à la saturation des hôpitaux de la région Grand Est de l’Allemagne (4 fois plus de lits de réanimation qu’en France, pour une morbidité 5 fois moindre), le Luxembourg et la Suisse est vraiment symbolique.
Il n’a appris du passé que ce qui est rentable à courte vue. Il en va ainsi de la recherche, comme de la prévention. Une fois passées les graves inquiétudes de 2002-2003 sur le SRAS, les recherches sur les vaccins contre cette maladie à coronavirus ont été stoppées, alors qu’elles auraient permis de gagner des mois précieux pour la lutte contre le SARS-CoV-2 actuel.
Le 14 mars sur FR 3 Marseille deux directeurs de recherche dénonçaient l’impossibilité de poursuivre leurs travaux sur les coronavirus, vu que l’Etat ne les finance qu’un mois sur 12. De même après l’épidémie du virus Chikungunya qui a, en 2006, infecté le tiers de la population de l’île de la réunion et causé la mort de 258 personnes, les recherches sur ce virus ont été mises en sommeil.
Voilà qui légitime les exigences des chercheurs-ses en lutte contre la restriction du financement de la recherche prévue par la loi de programmation pluriannuelle pour le recherche (LPPR)
L’insuffisance, dans de nombreux pays (dont ceux où flambe le covid-19) de tests de dépistage, de masques et équipements pour personnels de santé, de gels désinfectants… sont à mettre sur le compte de l’impréparation des gouvernements, mais surtout de la soumission des gouvernement [sic] à de puissantes multinationales de la santé et des médicaments, qui privilégient les productions rentables et ont progressivement délocalisé une bonne partie de leur fabrication (souvent en Chine) se privant de sites de production adaptables aux besoins locaux.
L’auteur de l’article de lundi matin va plus loin, il laisse entendre que la décision politique d’arrêter la stratégie dépistage/isolement, ne serait pas qu’une adaptation à la disponibilité très insuffisante des tests, mais aurait obéi à des choix économiques n’ayant rien à voir avec la protection de la santé publique. D’après lui le pouvoir aurait fait ses calculs : la généralisation pour 67 millions de personnes de ce test qui coûte une centaine d’euros et a le gros inconvénient d’être remboursé par la sécu (qui a tout de même été créée pour encaisser y compris ces situations très difficiles), reviendrait au moins à 6,7 milliards, « pognon de dingue ».
D’ailleurs, l’annonce de report à la fin du confinement d’une multiplication des tests… quand on en aura, n’est pas seulement d’un cynisme abject : Véran et Salomon ont précisé que la majorité de ces tests seraient sérologiques, permettant de mesurer l’immunité acquise d’un individu ou d’une population, mais pas de protéger les individus, ni la population contre la maladie… et donc a priori pas remboursés par la sécu et en tout cas bien moins chers que les tests de charge virale.
Des initiatives de soutien de grande ampleur sont possibles, comme par exemple l’appel #faisgrèvepourmoi #moijepeuxpaslafaire de 400 travailleuses-rs italien·nes de la santé à participer à la grève générale nationale du 25 mars décidée par l’Union syndicale de base « Nous avons été livré·es à nous même en première ligne pour combattre le danger sanitaire. En l’absence de tout dispositif de sécurité adéquat et ne pouvant passer des tests sans présenter de symptômes, nous sommes malades par milliers, et en train de devenir paradoxalement un risque de contagion. Nous sommes les victimes des politiques qui depuis des années ont fait passer le profit de quelques uns avant la santé de tous et qui continuent même dans le danger actuel, pour alléger les services épuisants dus à la carence de personnels, à faire appel à des précaires et des retraité·es plutôt que d’embaucher des personnes admises aux examens déjà passés. Nous demandons que soient arrêtées toutes les activités productives non essentielles afin que des millions de travailleurs –ses ne soient plus contraint·es de s’agglutiner dans les transports sans que soient respectées les plus élémentaires règles de sécurité, et en favorisant ainsi la diffusion de l’épidémie. Tous les droits ont été suspendus : jours de repos, fériés, vacances, grève. Nous sommes des héros ou des anges tant que nous subissons en silence, mais menacé·es de mesures de rétorsion et de licenciement si nous essayons de relever la tête ou de quitter la ligne de feu. Nous ne pouvons faire grève le 25 mars, autrement que symbolique, une minute en rotation entre 13 h 30 et 14 h 30. Nous vous demandons de la faire très nombreux-ses et de la faire aussi pour nous. Nous ne voulons être ni des anges ni des héros, nous sommes des travailleurs de la santé. »
Il faut donc immédiatement stopper les privatisations en cours comme ADP et nationaliser (sans indemnité ni rachats, vu que les actionnaires et patrons se sont suffisamment enrichis ces dernières années) et relocaliser toutes les activités d’intérêt commun, en commençant par celles qui auraient été plus utiles dans le service public : -les cliniques privées, - les EHPAD privés en veillant à améliorer l’ensemble du parc et à donner à l’ensemble des personnes âgées, un accès réel facile et gratuit aux mêmes soins de qualité que les plus jeunes… - les labos pharmaceutiques et les entreprises qui produisent le matériel médical, notamment les protections, pour accélérer sans délais les productions de masques, lunettes médicales, respirateurs, jusqu’à suffisance pour mettre la population à l’abri de l’épidémie en cours comme de toutes les catastrophes qui vont se multiplier si le capitalisme continue impunément à prioriser ses profits par rapport à la survie des travailleur·es et à la planète. Il faut contraindre les entreprises orientées vers les productions nuisibles, (poisons phytosanitaires, armement des campagnes néocoloniales, des despotes, de la police, et des chasseurs qui ont constaté grâce au confinement qu’ils pouvaient se passer de massacrer en masse des palombes) de s’orienter vers des productions utiles, des outillages autres que de robots pour baisser le temps de travail, l’amélioration de la santé et de l’alimentation. Si des financements s’imposent, sans même aborder la question d’une réforme de l’impôt plus favorable aux producteurs qui s’impose, ils sont à rechercher au niveau de l’armée qui a prouvé sous les feux des caméras qu’elle n’est pas plus opérationnelle et donc utile que la protection civile et l’activité des citoyens. (la santé à l’armée ne représentant que 0, 7 % du budget des armées, elle n’a pu prendre en charge qu’une cinquantaine de malades sur les 700 hospitalisé·es dans le grand-est et fournir un seul hôpital de campagne au niveau national. Rien de nouveau dans le fait que les hôpitaux militaires prennent en charge les civils. Quant à l’opération « « résilience » » (l’armée qui aide à se reconstruire…une grande première !) elle se résume actuellement à trois porte-hélicoptères, dont un opérationnel fin mai, pendant que le Charles de Gaulle et ses accompagnants paradent en Méditerranée, à observer le désastre Syrien et les marchandages sur le dos des exilées [sic].
= l’abandon définitif de la loi retraite et du projet de loi organique sur les retraites au Parlement (d’autant que son rapporteur Olivier Véran est censé avoir d’autres préoccupations)
= la mise hors-jeu immédiate de Blanquer, dernier informé par Macron puis Philippe, premier oppresseur dans l’Education, responsable de la contamination de personnels et de parents (Haut Rhin, Loiret…) par son exigence criminelle, contraires au règles fixées par le gouvernement, d’échanger des supports papiers (pour ne pas équiper d’ordinateurs les rares familles qui n’en ont pas) ; la reconnaissance du droit de retrait pour l’ensemble des personnels de l’Education nationale (Enseignant·es, AED, TOS…) ; le retrait de ses réformes et de la LPPR ; le refus et la dénonciation de ses coup de frimes sur la continuité pédagogique ; l’organisation d’examens terminaux nationaux bac 2020 et du brevet allégés ; l’annulation des nombreuses suppressions de postes et de classes annoncées à tous niveaux : après une année très incomplète pour les élèves, il serait inconcevable de les entasser ; la démission de Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, qui a affirmé qu’actuellement les enseignant·es ne travaillent pas…
- Commencer à instruire le procès collectif de Macron, des membres de son équipe et de l’establishment médical compromis dans les décisions qui ont mis la vie de nombreux citoyens en danger et qui marquent l’impéritie, l’amateurisme et le détournement de la crise sanitaire au profit de sa politique de casse et de division. D’ores et déjà sont engagées des procédures pénales auprès de la Cour de justice de la république et du Conseil d’état ainsi que des propositions de commissions d’enquêtes parlementaires (voir l’article du Monde du 25 mars « Coronavirus : le sommet de l’Etat redoute de devoir « rendre des comptes »).
Je reçois un appel de mon père : la mère de la locataire entend louer jusqu’à la fin du cycle d’études de sa fille et du bail ! Je m’amuse des contradictions dans le discours — puisque j’avais censément traumatisé (dixit la mère) la voisine de mes remarques acerbes, la voisine ayant désormais « la boule au ventre » du fait de notre cohabitation. Elle a l’air néanmoins bien plus décontracté lorsque nous nous croisons dans l’escalier et que nous nous saluons, quoique froids, circonspects et polis, au passage de l’autre.
Je téléphone ensuite à Christine en m’efforçant de dédramatiser sa situation : les modalités de recrutement liées à son concours pourraient tout à fait jouer en sa faveur. J’entends bien ses arguments : si le concours devait se réduire à une seule épreuve, qui plus est orale, l’arbitraire s’en trouverait d’autant plus accru. Nous concluons sur l’intérêt de prendre du plaisir à lire (elle lit Baudelaire et Rimbaud !).
J’entends qu’on m’appelle durant cette conversation. François. Inattendu. Je rappelle. Cela me fait plaisir de bavarder un peu avec lui, qui vit assez bien le confinement en ce sens qu’il en profite pour lire (lui aussi). De mon côté, j’aimerais, finalement, pouvoir le faire davantage… Je me reproche, en raccrochant, d’avoir beaucoup parlé durant cette petite dizaine de minutes, mais, si je n’ai pas le tempérament bavard d’ordinaire, François est bien moins prolixe que moi de son côté.
Après-midi
Sieste. De plus de deux heures — m’a-t-il semblé.
Cette fois — il fait froid —, je reste confiné.
Soir
Appel vers 22 heures (décidément !) de Judith, qui semble avoir un peu de vague à l’âme.
Hier, Laure et Lucien ont composé à la maison des devoirs en temps limité. Laure se plaint des cours en ligne, qu’elle ne regarde pas vraiment, se livrant à des échanges avec des amis sur les réseaux sociaux, pendant qu’elle laisse défiler les images sur écran. Impossible de se concentrer, selon elle, et aucun rapport avec des cours réels. Les tables et les chaises, les cahiers et la prise de notes, le silence et l’attention requis en situation de classe, tout cela a sa raison d’être, et, sans ces cadres, tout ce cadre se volatilise.
Je réponds à un courriel reçu de Christine.