1080 - Carnets d'un confiné (17)
CARNETS d’un CONFINÉ
17
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
31 mars
Matin
J’ai assez déclaré ne pas aimer la barbe ni les barbus de ce temps et des autres pour changer d’avis aujourd’hui — et, finalement, me raser. Cela prend du temps d’éliminer tout le poil d’une semaine…
J’appelle T., un peu inquiet d’être sans nouvelles. Nous conversons une bonne vingtaine de minutes, à peine interrompus par sa toux, devenue plus rare. Les cafés et les restaurants, bien entendu, nous manquent, nos dîners en tête-à-tête et nos après-midi à quatre, avec Paul et Marthe, instituées les uns le vendredi, les autres chaque mercredi…
Après-midi
Sieste (cela devient une habitude !).
Promenade.
Je croise la personne que je nomme mentalement la vieille dame à la Rover : elle en possédait une, impeccablement entretenue, avant qu’elle renonce définitivement à la conduite, ce dont elle s’était ouverte lors d’un de nos échanges, rompant ainsi la banalité ordinaire de nos propos.
Elle paraît découragée. Elle semble aussi ne pas se tenir aussi droite et est moins enjouée que d’habitude. Comme je lui dis que la situation actuelle peut durer plus longtemps que deux semaines, elle s’exclame spontanément : « Ah ! je serai morte avant ! », laissant poindre un accent de franc désespoir qui désarçonne un instant.
Je varie un peu le parcours et ascensionne une rue dont la pente me paraît moins rude que d’ordinaire — ce pour quoi je l’évitais autant que possible ; alors que, à mon sens, je dois manquer d’exercice, le dénivelé m’en paraît plus aisé : je n’en trouve pas l’explication (à moins que l’air, moins pollué, aide à mieux reprendre son souffle ?).
Je prends un détour ensuite qui me ramène à des temps immémoriaux — et ce, proprement puisque je n’en ai aucune mémoire. Je suis allé dans cette école à partir de deux ans et demie.
Ma mère, qui n’a pas le baccalauréat, avait été recrutée dans une école privée toute proche comme institutrice.
Je passe tout près ensuite de chez Claudie.
J'achève mon excursus dans le jardin, joliment fleuri par les soins de Valérie et de Denis. Je constate que le buis, que j'avais traité contre la pyrale, a reverdi.
Mon père m’appelle. Il ouvre une longue conversation téléphonique après que je lui ai transmis des documents remplis pour que les heures non travaillées par la femme de ménage soient prises à hauteur de 80% par l’Etat — ce qui ne semble pas si évident, malgré la communication gouvernementale telle que les médias l’ont répercutée, étant donné les termes, quelque peu sibyllins, dans lesquels le document aborde la question… Je comprends la méfiance de mon père à ce sujet. Je verrai bien comment l’Urssaf fait suite à ma demande…
C’est ensuite un échange de courriels avec des collègues après communication gouvernementale sur diverses « continuités » (mot qui fait florès !) qui m’occupe près d’une heure. Au lieu d’écrire « rebat les oreilles », j’écris « rabat ». J’en ai le rouge au front ensuite — et publie un rectificatif.
Tout ceci occupe passablement. Il est bientôt l’heure de songer à dîner, et je n’ai rien fait. Il faudra demain que je rattrape le temps gâché par ces herméneutiques imbéciles !
Soir
Arizona Junior des frères Cohen, que je n’avais jamais vu. Certaines scènes font preuve d’un vrai sens du loufoque et me font vraiment rire.
(Les journées impriment décidément un rythme semblable : en regardant ainsi un film enregistré sur le disque dur de mon graveur par soir, je rattrape ainsi un certain retard dans ce que j’ai pu auparavant programmer…)