1084 - Carnets d'un confiné (20)
CARNETS d’un CONFINÉ
20
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
3 avril
Matin
Je subis (j’obéis à ?) de mêmes cadences de travail que la veille. Travailler en aveugle apparaît assez ingrat. Cela occupe, cependant.
Je fais des courses sommaires dans la supérette à proximité, installée désormais dans les locaux d’une ancienne station service.
Le caissier va et vient sans masque. Je ne peux retenir une remarque — je ne suis pas sûr que les jeunes gens mesurent la légèreté avec laquelle ils s’exposent et exposent les autres à une possible contamination. J’achète du gel hydro-alcoolique à trois euros le flacon de 75 ml ! (selon le mode d’emploi, une “noisette” du produit = 6 ml : je me livre à un rapide calcul mental, évaluant le prix du litre et celui d’une rasade de produit).
Je reçois un message de Sylvie, qui me fait plaisir. J’y réponds presque aussitôt :
Bonjour Sylvie, bonjour Jacques,
Merci beaucoup de ces nouvelles !
Je vais bien, moi aussi. Je télétravaillotte autant que mon inspiration me le commande, tout passant chez moi par le filtre de l’écrit (ce qui prend un temps fou à formaliser). En tout cas, j’essaie de ne pas creuser les inégalités entre les élèves en ne multipliant pas les apprentissages, et je tâche de proportionner mes envois à des cadences raisonnables. Aux élèves de 1re, je propose pour moitié des révisions (même si bien sûr on ne sait pas à quelle sauce — sans doute indigeste — le bac sera cette année accommodé). J’espère que Jean-Mi ne va pas tout mettre à bas dans ses interventions. Quant à la correction de copies virtuelles, je m’y refuse pour le moment (j’achève assez péniblement les deux paquets de dissert de prépa : le cœur n’y est vraiment pas, d’autant qu’elles sont plutôt mauvaises…). Je mettrai peut-être cela en place pour après les vacances (oui, oui, elles arrivent bientôt, même si je n’irai pas à Madrid, ainsi que je l’avais prévu :( )— si jamais du moins on retourne dans nos établissements pour que j’en prenne alors livraison ! — , et ce, pour que les élèves ne s’ennuient pas durant ces congés forcés ! Sinon, cette « continuité pédagogique » amuse et désespère — ne serait-ce que le mot…
Dans tous les cas, je suis beaucoup au clavier, mais je lis aussi — et regarde des films entassés dans le disque dur de mon graveur de salon.
Je vous embrasse à mon tour, en espérant un (mais pas trop) prompt “déconfinement”.
Romain
Après-midi
Sieste de près de deux heures. Promenade. Plus de monde, me semble-t-il, que précédemment arpente les rues.
Marthe envoie un SMS pour que je l’appelle à partir de mon téléphone fixe — ou plutôt : se propose de m’appeler. Je la rappelle.
Nous rions assez bêtement parce que, suite aux propos scandaleux du préfet Lallement, je dis que le Président des Philippines devrait l’embaucher comme chef de sa police. Je l’ai constaté : nous avons le rire facile en ces temps.
Paul, que me passe Marthe ensuite, se plaint de la longueur du confinement.
J’appelle mon père, plus prolixe qu’il ne l’était naguère.
Et Claudie m’appelle, qui commente l’actualité la plus fraîche comme suite aux déclarations de Jean-Michel Blanquer le matin.