1085 - Carnets d'un confiné (21)

Publié le par 1rΩm1

 

 

CARNETS d’un CONFINÉ

 

 

21

 

[Journal pas toujours extime]

 

 

(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)

 

4 avril

 

Matin

 

Comme toutes les nuits précédentes, je dors mal. Un cauchemar me réveille. Je trouve un rat dans la salle d’eau à l’étage, à peine dissimulé sous le meuble à roulettes, qui s’avance avec la nette intention de me sauter au visage.

Je m’éveille avant qu’il n’ait eu le temps de le faire.

 

Je dactylographie ma lettre à J.-M. de juillet 1982, sans avoir le courage de le faire pour le tapuscrit qui l’accompagne. La curiosité m’incite à chercher de quelle lettre elle peut être la “réponse”. Ce n’est pas sans appréhension que je cherche la liasse des courriers qu’a pu m’adresser J.-M. en plus de trente ans. Je retrouve assez facilement cette lettre, ma correspondance étant classée par ordre alphabétique de mes interlocuteurs, de façon à peu près chronologique. Je la retranscris en aveugle, c’est-à-dire en la copiant au fur et à mesure, en toute superstition (en espérant qu’il ne me fera pas mal de reproduire les propos de J.-M., mais sa voix “scripturaire” — le mot, après vérification, peut être synonyme de “scriptural” — est sans commun rapport avec sa voix “oraculaire” — j’ose cette rime, qui serait donc le synonyme du très banal “oral”) sans l’avoir lue préalablement. L’écriture en est à peu près lisible. Je tombe par hasard sur une carte postale de l’affiche de Viridiana, film que j’ai regardé la veille au soir (je l’avais déjà vu, mais ne m’en souvenais qu’assez vaguement : la copie restaurée offre de superbes noir et blanc).

1085 - Carnets d'un confiné (21)

Parmi les cartes postales, j’aperçois un Caravage (l’Amour victorieux de la Gemäldegalerie de Berlin), une ou deux cartes de Birmanie, le Pont des soupirs, deux ou trois garçons déshabillés… sans les retourner pour prendre connaissance du texte, cosigné, voire rédigé par Pascal assez souvent.

Il n’est pas temps encore, me dis-je, de réveiller ce passé…

 

J’appelle M.-C., décidément d’humeur chagrine. Le père d’Elisabeth, déjà très mal en point, est décédé du COVID-19.

 

 

Après-midi

 

Sieste d’une heure et quart.

 

Pour ma promenade, je couvre ma bouche du foulard acheté par A. quand elle était venue durant les vacances de Noël en 2010. Obéissant aux injections du moment, il complète ma panoplie improvisée des lunettes de soleil — il fait beau dehors —, je songe que je dois ressembler à quelque dangereux terroriste et qu’hier il aurait été très mal vu de circuler ainsi dans l’espace public. Les passants sont moins nombreux dans les rues.

Je pousse jusqu’au pavillon 1900 du quai, dont j’avais raté les photos lors d’une précédente promenade.

Les projections d’ombres d’arbre s’accordent assez bien avec les motifs végétaux de l’art nouveau…

 

1085 - Carnets d'un confiné (21)
1085 - Carnets d'un confiné (21)

Je songe à Aymeric, à sa mère en EHPAD. Il faut que je lui écrive.

 

 

Soir

 

Je regarde un film, enregistré de longue date, de Michael Powell — le réalisateur du Voyeur, dont le protagoniste m’a toujours fait penser à Frédérick —, Une question de vie ou de mort, agréable comédie — peut-être trop appuyée dans ses “bons sentiments” ?

 

 

 

 

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