1093 - Carnets d'un confiné (27)
CARNETS d’un CONFINÉ
27
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
10 avril
Matin
Je passe quelques heures à peaufiner mon onzième billet breton — à l’intention de Aymeric essentiellement.
Je déchire un drap usé en six pour confectionner des masques artisanaux et sans couture (sans vraie conviction) : je les enferme dans des sacs pour congélation en attendant de me lancer dans l’opération d’assemblage proprement dite, remettant à plus tard les instructions du tutoriel pêché sur Internet.
J’appelle mon père, qui, lui, en a commandé par trois fois ; alors que le site lui disait ne pas être en mesure d’honorer sa commande, il a reçu finalement trois messages d’acceptation.
Il lui reste aussi des masques chirurgicaux que lui avait donnés M.-T. au moment où elle avait pris sa retraite, qu’il m’a cédés. Tout cela fait des masques en excédent tout à coup ! Je lui dis que je lui en achèterai un lot de dix.
Ma nièce a accouché hier (je m’étonne que ma sœur ne m’en ait rien dit).
J’ai la confirmation que mon prêt bancaire est entièrement remboursé. J’aime autant cela.
Après-midi
Courte sieste (je m’assoupis une demi-heure).
Puis j’entame une promenade à une heure durant laquelle je me dis que je croiserai peut-être moins de monde, et certainement pas des joggers (il est à peine plus de quatorze heures).
Il fait chaud.
Je varie quelque peu mon itinéraire, passe devant l’immeuble où mes parents ont vécu jeunes mariés — et nous, enfants en bas âge
L’épicerie proche de chez Claudie est ouverte ; j’y entre avec l’idée d’acheter des tomates pelées. Je vais, puisque j’en suis tout près, que la rue monte et que cela me fera un peu d’exercice, devant l’endroit où habitaient les parents de François, puis passe par celle où habitait M.-C., avant de revenir sur mes pas — et rentrer. De crochet en détour, je suis sorti presque une heure.
Comme c’était elle qui avait appelé au moins trois fois les fois précédentes, j’appelle Claudie, toujours prolixe.
Nous nous amusons de ce qu’elle compte, tout comme moi, se faire un chili con carne. Cela fait des années, pour ma part, que je n’en ai pas préparé ; j’écoute donc vaguement sa recette, et, une fois la communication terminée, me penche sur un livre de cuisine, interprétant à ma façon les ingrédients de l’une et de l’autre. Sans doute mon propre plat offrira-t-il des saveurs plus indiennes que sud-américaines, mais c’est bien à mon goût que je l’accommode de toute façon.
Je téléphone une première fois à T., absent, qui doit être en train de faire des courses — ce qu’il confirmera au moment où je l’aurai au fil. Nous devisons autant que l’un et l’autre, parlons un peu films et livres, et nous donnons des nouvelles des uns et des autres.
Ma sœur appelle et s’excuse de n’avoir pas pensé à me prévenir de la naissance d’Albin, le nouveau-né de ma nièce.
Je l’entends mal : ce doit être dû à son téléphone, puisque ce n’est pas la première fois que je constate ce hachis verbal — ma sœur est autrement bavarde que moi… —, mais n’ai pas de mal pour autant à reconstituer ce qu’elle me dit. Nous concluons sur les perturbations, les distorsions que le confinement fait subir à notre communication sociale, et je lui répète que je ne me suis offusqué de rien (même si, de vrai, je m’étais étonné qu’elle ne m’ait pas claironné la nouvelle…).
Soir
J’achève de regarder la Princesse de Montpensier. Je me montre sensible au jeu de Grégoire Leprince-Ringuet1 (les autres comédiens sont davantage, me semble-t-il, sur pilotage automatique.)
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1Il est amusant que, cherchant sur la toile un cliché de l’acteur dans le film, je tombe sur une critique hagiographique touchant précisément au jeu du comédien [note du 28 septembre 2020].