1106 - Carnets d'un confiné (33)
CARNETS d’un CONFINÉ
33
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
15 avril
Matin
Le texte d’Elvire a été publié sans que les fautes en aient été corrigées. Je m’en irrite. Pourquoi y avoir passé tant de temps, en effet ?
Journal superposé
[20 avril 2010]
J'avais partiellement “censuré” la soirée avec N*** lors de la première parution de ce billet en en taisant certains aspects rugueux. Aurais-je imaginé pareil décalage dix années plus tard à la fois de ma perception de N*** et dans l’existence de celui-ci ? La nostalgie d’un passé qui a sombré, si j’avais cette pente, pourrait s’en trouver justifiée !
Je m’étonne aussi de ces notations bien lapidaires sur l’exposition Munch.
J’avais pourtant été saisi presque de vertige au vu de ces variations colorées, répétées comme autant de motifs déclinés pour une impossible saisie d’une obsession tout intérieure — ou une invitation pour le spectateur à partager cette quête furieuse d’images cadencées reprises ad libitum ou infinitum.
(Mais, étant donné les difficultés mêmes à tenter, qui plus est par le souvenir, de ressaisir la fascination que j’avais eue sur le moment, j'entrevois les raisons de mon silence. D’ailleurs, j’avais jadis pris le parti de ne rien exposer de mes impressions dans les musées, me sachant inepte en la matière… Peut-être aurais-je dû continuer sur la même voie. Car je crois foncièrement hétérogènes, sinon antipathiques les uns à l’autre, les mots à la peinture.)
Question que je me pose aujourd’hui : savais-je alors en rencontrant T* pour la première fois qu’il avait été l’amant de JM ? il me semble que non. (J'avoue avoir toujours été un peu envieux que N*** ait pu rencontrer JM !)
Correspondance avec B***
MOI - 23 janvier [2010], 22:09
Benoît,
Bonsoir. J’ai passablement été débordé depuis mardi – et n’ai fait, sur mes maigres loisirs, que répondre aux messages en attente. J’ai suivi, autant que possible, tes “posts”, auxquels j’ai apposé un seul commentaire — qui, je crois, vaut pour tous les autres (peut-être y compris même ceux à venir !)…
Merci pour toutes les précisions concernant l’insertion d’un lien. Je garde cela préci/sé/euse-ment en réserve pour m’en servir… plus tard ! T’ai-je dit déjà que j’ai l’esprit de l’escalier ? Si non, il faut bien que je t’en avertisse dès maintenant…
Tu n’es pas un bien gros fumeur. Je te battais à plates coutures — si je puis dire, car ce n’est vraiment pas de la vantardise… — naguère (sept ans et demie que j’ai cessé de fumer — j’espère ne pas l’avoir dit déjà). Je t’aurais envié alors cette possibilité de te restreindre sans que cela te coûte, car, pour ma part, j’aurais été incapable de cela (y allant du triple en moyenne au quotidien !). Quoi qu’il en soit, il me tarde de découvrir tes (vrais) (autres) « côtés malotrus »…
Ton entrée d’aujourd’hui sur le tutoiement et son alternance avec le « vous » de la majesté que l’on confère en amont ou en aval à celui dont on a fait son interlocuteur rejoint des réflexions ou des moments qu’il m’est arrivé d’avoir. Avec certains de mes interlocuteurs sur le site, je mêle parfois l’un et l’autre — et m’en rends compte à relecture. Avec [Aymeric], nous nous voussoyés pendant trois mois et durant presque toute la journée passée ensemble à Paris. J’avais dit auparavant trouver au « vous » une vraie dignité, que j’entends parfois dans la “musica” durasienne. Le mélange des deux personnes m’évoque aussi “L’Amour fou” de Léo Ferré, qui les distribue assez heureusement entre violence et douceur. Toujours est-il que, lors de son premier mail après que je suis rentré de Paris, Aymeric est revenu spontanément au « vous », ce dont je l’avais gentiment moqué. Avec un autre interlocuteur, en revanche, j’ai mêlé presque d’emblée le « te/ vous/ vous/ te »… Et, comme toi, à ceux qui me tutoient d’emblée, je réponds sur le même mode (mais cela paraît de toute façon légitime).
Tu auras compris sans peine que j’ai désormais achevé mon « journal… parisien »… Pour ne pas être en totale « désécriture » désormais, je réécris une version courte de ce journal – version courte que je compte mettre en remplacement des fragments publiés, afin que quelque “Gaïen” découvrant cela après coup et un peu curieux de me lire ne soit pas écrasé par trop de longueur… Et j’aurai ainsi des « emplacements disponibles » pour des “posts” en souterrain que je ne veux pas forcément mettre sur le « journal des inscrits ». (Je te livre ainsi mes secrets de cuisine sur la façon dont, en dépit du caractère « extime » de mon “blog”, je cherche à ménager de possibles engrènements intimes avec des interlocuteurs plus sagaces ou plus endurants ! – puisque je sais qu’il y en a eu.) Quoi qu’il en soit, je me sens curieusement dépossédé de cette histoire qui, tout ancienne qu’elle soit déjà, produit encore d’étranges résonances… Et je me demande – à part moi – comment – et si je saurai — « rebondir ».
Je m’interroge bien sûr comment il se fait que tu aies tant de culture littéraire. Mais je ne veux pas tout de suite te faire passer aux aveux ! Je préfère une autre question : puisque tu ne le précises pas – et même si ça n’a qu’une importance relative – di(te)s-moi n’en quel pays est Benoît aujourd’hui…
A bientôt* de te lire, j’espère. Bien à toi,
Romain
PS - * Ce fut plus tôt encore !
“Encore” d'ailleurs un (de mes) message(s) qui s'est croisé avec un des tiens. Je vais voir ta réponse à mon commentaire... "Nous ne faisons que nous entregloser"....
LUI - 23 janvier, 22:27
Cher Romain,
Je copie-colle ton message, afin d’y répondre à tête reposée, un peu plus tard. (Sommeil qui gagne, idées qui se brouillent… je vais bientôt aller me coucher.)
Simplement, quelques réponses à tes questions finales – les plus faciles.
« comment il se fait que tu aies tant de culture littéraire » : lourde hérédité (mère agrégée de Lettres classiques, père agrégé d’anglais et traducteur), enfance passée à lire des livres « pas de mon âge » (Dostoïevski en 4e, Duras en 3e…) et hypokhâgne-khâgne à ****** pour couronner le tout.
« di(te)s-moi n’en quel pays est Benoît aujourd’hui » : en ce moment, et au moins jusqu’à l’automne prochain, au Liban (même si je vais passer une petite semaine en Syrie tous les mois).
Voilà.
A très bientôt avec une réponse plus circonstanciée à ton message si dense.
Amicalement,
B.
15 avril [2020]
Matin [suite]
Je rate le masque fait maison selon le « tutoriel » que m’a envoyé M.-C. En désespoir de mieux faire, je me couvre le visage d’un torchon de vaisselle plié en quatre et noué dans le cou qui couvre assez bien nez, bouche, menton. Je me sens tout de même un peu idiot en faisant mes courses ainsi accoutré — d’autant que je croise une ancienne collègue à la retraite, mais peut-être ne m’a-t-elle pas reconnu ! Plus de gel hydro-alcoolique.
M.-C. téléphone alors que je me brosse les dents. Je la rappelle ensuite. Le Professeur Raoult me paraît tout de même fanfaronner un peu. Elle le défend de bon gré plutôt mal gré (me semble-t-il).
Elle est sortie pour la première fois faire des courses hier.
Des gens se font tester devant chez elle ou presque par les personnels du laboratoire tout proche.
Nous cherchons l’un et l’autre le terme idoine : écouvillon ?
Des mots ont ainsi surgi dans notre quotidien — déconfinement, asymptomatique, certains franchement orwelliens — ; continuité pédagogique tient quant à lui de l’oxymore.
Il me semble que le mot « bise » n’était guère que peu employé auparavant, qui paraît traduire une frustration ; mais il est vrai que la séquence météorologique sur France Culture — désormais relayée par France Inter — était d’habitude des plus sommaires.
Après-midi
Sieste d’une vingtaine de minutes.
Au réveil, je trouve un message de Marthe : Paul voudrait me parler.
Je tâche de le rassurer, mais sans trop y parvenir. Il cherche à me faire dire ce qu’il pense, comme très souvent et en toute conscience de sa part, et je m’efforce de tempérer un peu ses avis, mais surtout de le faire rire, son sens du comique tempérant son esprit chagrin. J’y parviens un peu, puis converse un peu avec Marthe.
Soir
Soixante-dix ans, avait dit M.-C. Soixante-cinq, avance-t-on ce soir à la radio. Ne seraient pas “déconfinés” ni elle, ni Marthe, ni Paul, ce qui voudrait dire — si s’y tiennent les membres de ce “gouvermenent” — que ni T. ni moi ne les reverrions avant longtemps.