1128 - À la napolitaine (12)
À LA NAPOLITAINE
RÉCIVIDE
ET (NOUVELLE) TRANCHE (DE VIE)
(Journal extime)
PARIS - NAPLES - PARIS - ****
(16 février - 1er mars 2020)
12
23 février
Matin
Je me rends au musée archéologique à nouveau. Certaines œuvres (que j’aurais eu plaisir à revoir) sont en voyage.
Ailleurs, certaines sculptures (sauf distraction de ma part) ne sont pas renseignées
— peut-être parce que bien connues, comme l’Hercule Farnèse, ou tout simplement identifiables…
Je m’étourdis de nudités, de splendeurs, de grandeur, de beauté,
Apollo seduto con la lira, Porfido, II sec. d.C.
Gruppo con il supplizio di Dirce (“Toro Farnese”), Inizio III sec. d.C., Da originale di età hellenistica
— pas seulement parce que Antinoüs est travesti en Bacchus…
Antinoo - Bacco, Creazione romana, II d.C.
(D’ailleurs, je croise aussi Agrippine, qui me rappelle certains souvenirs scolaires — ainsi que Marc-Aurèle ou Alexandre, ou certaines mosaïques — ou bien Auguste, qui m’évoque une exposition parcourue en compagnie d’Aymeric…)
Battaglia tra Alessandro e Dario, Pompei, Casa del Fauno (VI 12, 2) esedra
Teseo in lotta con il Minotauro, Chieti
Statua colossale di Augusto in trono cono corona di quercia sul capo, da Ercolano, Augusteum marmo, metà del I secolo d.C.
Je m’amuse aussi des salles consacrées à des œuvres érotiques, reléguées en bout d’aile et étiquetées comme interdites aux mineurs
Tripode con braciere decorato con satiri itafallici, Pompei, Casa di Giulia Felice ; Pan con la capra, Pompei, Villa Papiriu ; Satiro e Ninfa, Pompei, Casa del Fauno, cubicolo
— non sans songer que les mœurs bachiques, si l’on peut en goûter l’érotisme débridé, réfèrent tant et plus à des rapts et à des amours forcées, l’animalisation, sinon la bestialité, de certaines représentations empêchant tout à fait de se prendre pour un chèvre-pied
Ganimede con aquila, Copia di seconda meta II sec. d.C., da un modello tardo-ellenistico derivante dal repertorio figurativo greco di IV a.C.
Statuetta indiana della Lakshmi, Casa della Statuetta indiana, Pompei, Ivorio, I sec. a.C.-I sec. d.C.
— et ce, quand bien même, à l’instar de Nietzsche, l’on ne voudrait croire qu'à un dieu, Eros, Pan ou Dionysos, qui danse, bien plus volontiers qu’à quelque autre divinité ou faune de ce Panthéon…
— pour ne rien dire en vérité de cet Hercule, contraint de jouer les cousettes (et l’inversion des rôles) aux pieds de la chère Omphale,
ou de l’hermaphrodisme de cette figure, dont le drapé épouse les attributs virils…
Bacchus-Hermaphrodite, copie d'un original grec du IVe siècle avant J.-C., attribué à Praxitèle, (IIe siècle AD)
puisque rien, décidément, n’a pu échapper aux Anciens des créatures intersexes, ou plus largement hybridées, résultats ou non de subterfuges métamorphiques…
L'Ekklesiasterion, Zoccola con icneumone e cobra
Dioniso, Variante del tipo staturia di Apollo Liceo, Rielaborazionedi seconda metà II sec. d.C., da una originale di IV sec. a.C.
Testa maschile detta 'del Filosofo', Reliutto di Porticello, Villa San Giovanni (Reggio Calabra), Bronzo, seconda metà del V sec a.C.
Atlas Farnese, copie romaine du IIe siècle d'une statue hellénistique, hauteur : 2,1 m
J’achève ma visite par une reconstitution assez spectaculaire des grottes de Lascaux à l’occasion d’une exposition itinérante (Lascaux 3.0, Il futuro delle Preistoria), qui a lieu du 31 janvier au 31 mai [et qui a vraisemblablement été prolongée depuis !].
La frise des cerfs
Après-midi
Après avoir déjeuné, j’entends profiter encore de mon billet valable toute la journée et retourne au musée ; mais le département égyptien dans l’intervalle a fermé ses portes pour quelque obscure raison. Je fais de nouveaux clichés, mais ne s’attarde pas, en me disant que je suis condamné à revenir plus tard…
Je cède donc à une promenade dominicale sur le front de mer, où les familles arborent des fillettes vêtues comme des princesses — paillettes, tulle, semis d'or et d'argent, pacotille aux couleurs de dragées ou de sucre d'orge — tandis que les petits garçons sont travestis en justicier, militaire ou super-héros, spectacle qui m’amuse autant qu’il m’afflige sans que j’ose prendre des photographies, répugnant toujours à voler des images à des passants qui n’ont rien demandé. Des amoureux empruntent des voitures à pédale et poussent leur engin avec un sérieux tel qu’ils paraissent engager un même avenir de princesses et de héros pour leurs enfants. Les trottoirs sont partout jonchés de confettis.
Je poursuis en direction de quelques bâtiments repérés au préalable dans le guide, depuis ce kiosque art nouveau
jusqu’à cette villa qui abrite un musée pour l’heure fermé lui aussi,
ou d’autres villas — pas toujours très belles, parce que prétentieuses ou cossues — ou immeubles 1900 qui bordent la Via dei Mille.
Palazzo Mannajuolo
Boutique Lotto Zero, Giulio Ulisse Arata et Giacchino Luigi Mellucci, 1910-1912, via Filangieri
Palazzo Cellamare, sec. XVI
De crochet en crochet, je me retrouve Piazza del Plebiscito, noire de monde, au milieu de petites familles ou de jeunes gens désœuvrés.
Je vais ensuite jusqu’au Castel dell’Ovo,
tandis que, toute proche, la Fontaine du Géant s’irise, au crépuscule, de teintes roses et bleues, aidées en cela de projections électriques.
Fontana del Gigante, Pietro Bernini et Michelangelo Naccherino
Je pousse jusqu’à la station Toledo
sans trouver d’endroit plaisant où me poser : Naples est une ville dont les habitants ont l’habitude de vivre dehors (mais il commence un peu frais en ce février) — et qui, enfermés dans les cafés, mènent grand tapage, surtout en famille ou groupes ou grappes.
Je décide alors de boire un verre de pecorino dans la librairie-café où j’étais allé le soir de mon arrivée ; mais le vin me ravit moins que celui que j’avais bu quand je l'avais goûté pour la première fois à Padoue, et je juge définitivement le lieu un peu snob, assez en tout cas pour n’y pas retourner ensuite.
Soir
J'ai beaucoup marché durant la journée et je décide de demeurer dans l'appartement à rectifier en surface — de fait, très superficiellement ! — mes divers journaux récents.
Je me dis que cela fait deux fois à Naples où je me cherche ou me fuis, je ne sais plus très bien — impression dont, quoi qu'il qu'en soit, je m'emplis avant d'aller me coucher…