1131 - Où rien pourtant n'est Venise (Lettre à J.-M.) (2)

Publié le par 1rΩm1

 

[in  memoriam  J.-M.]

 

1131 - Où rien pourtant n'est Venise (Lettre à J.-M.) (2)


[12 juillet 1982] 19 heures, 19 heures 15, 30, 35, etc.

    Attente, attente. Rien à faire qu’à attendre, j’ai rendez-vous chez un O.R.L., la lecture de Jours de France a fini par m’irriter, le temps passe, trois ou quatre personnes doivent encore passer avant moi, rien de pire que cette attente-là, impossibilité de fumer, sueur, conversations chuchotées, bruit des plages glacées de Jours de France, gens qui regardent leurs pieds, ennui terrible, vous écrire ressemble à une évasion, parfaite. Evidemment, je suis tenaillé par la faim, plus encore par la soif — et tout cela m’a mis au supplice.
    Il faut vous dire que je vis en sourdine, depuis quelques temps ; j’ose penser qu’il ne s’agit que d’un accident (des bouchons de cérumen, sans doute et non pas d’un symptôme quelconque d’hystérie ou autre !?) (Ce peut avoir à voir, certes, comme le veut un méchant dicton, avec la masturbation — mais je crains qu’il n’existe pas d’ironie si forte qu’il faille prendre certains théorèmes au pied de la lettre ?!…)
    Voilà, j’attends une délivrance qui ne vient pas ; car cela ressemble à une mutation, profonde, symbolique, de n’entendre qu’à demi les bruits du monde, les conversations (dont je suis plus particulièrement lésé lorsque je suis aux terrasses des cafés), et, par-dessus tout, le piano — que, pour cette raison, j’ai longtemps boudé ces temps derniers. D’ailleurs, non content d’avoir les oreilles bouchées, le nez a suivi, ainsi que la gorge — que j’ai très irritée : respiration difficile, toux inextinguible, me voilà bien accablé, entamé déjà bien assez par la moiteur de ces journées difficiles.


    [13 juillet 1982] Dans la nuit : Il est deux heures du matin, mais il fait encore chaud. Je rentre à l’instant, me suis déshabillé en un tour de main, mais la maison est pleine d’une chaleur épaisse et je crains que, comme la nuit d’hier, le sommeil soit long à venir. Il faudra que demain pourtant  je me lève tôt, pressé par des contingences matérielles à régler d’urgence : envoyer mon dossier pour bénéficier d’un sursis supplémentaire pour l’armée (ce qui ne devrait pas poser de problème, en principe), envoyer un autre dossier au rectorat pour une poste de maître auxiliaire (l’avis du directeur d’U.E.R., et non pas celui du proviseur de l’établissement scolaire fréquenté en terminale, est requis ; le revenu des parents n’a aucune incidence, ni de poids dans l’affaire ; il est possible que, de ce côté, j’ai un poste l’an prochain, puisque, après résultats définitifs, j’ai ma licence, avec mention honorifique et tout le tintouin ; mais oui, mention très bien, épargnez ma modestie, je n’en dirai pas davantage), retirer de l’argent, faire des courses  en prévision [du fait] que le 14 les magasins sont fermés, et deux ou trois petites choses encore…
    Je suis encore sourd. Il apparaît que ce ne sont pas de bouchons de cérumen qui sont à l’origine de mon état, mais une rhino-laryngite (ou pharyngite ?) saisonnière, occasionnée par les écarts violents de température que nous avons vécus ces dernières semaines. Ce devrait se soigner assez facilement , se guérir au bout d’une semaine, sans quoi je serais obligé de subir une injection de cortisone — ce qui a la réputation d’avoir des effets multiples et dangereux — en guise de lavement, pour déboucher les trombes [rayé] trompes d’eustache… Bref, en attendant, il va falloir se faire des lavements de la fosse nasale (ce qui, paraît-il, n’est pas spécialement agréable) et avaler grand renfort de gélules. Mais, malgré les désagréments, me voici soulagé : ni la masturbation ni les maladies vénériennes n’ont à y voir, à ce qu’il semble… La cigarette, par contre, serait elle aussi à l’origine de cette obstruction des fosses, trompes et autres machins, et l’on m’a vivement conseillé de moins fumer. Me voilà, bref, contraint à un traitement plutôt pénible, dans l’ensemble.
    — Et toujours plus ou moins sourd.

 

 

 

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