1145 - Carnets d'un confiné (54)

Publié le par 1rΩm1

 

 

 

CARNETS d’un CONFINÉ

 

54

 

[Journal pas toujours extime]

 

(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)

 

 

Pour D. P.

 

[Février 2021

Je n’avais aucun souvenir de l’événement survenu ce jour-là — et suis resté stupéfait de relire, au moment de les retranscrire, ces lignes. Y aurais-je été plus attentif, moins oublieux, peut-être — peut-être… — aurais-je évité l’accident cérébral qui s’est produit moins de vingt jours après… Peut-être, également, — sans doute… — aurais-je dû en aviser sur le moment mon médecin… Toujours est-il que la mémoire de l’incident s’est bel et bien perdue entre-temps…]

 

6 mai 2020

Matin
Quand je regarde l’heure, je dois constater que, comme on dit, la tête me tourne. Non seulement les chiffres rouges du réveil sont flous, mais une image en balaie une autre de droite à gauche en un incessant tournis que je ne parviens pas à stabiliser. Je pense à un AVC. Aucun autre symptôme n’accompagne cependant cette vue qui chavire. Ni la bouche tordue, ni je ne sais quel trouble neurologique. J’allume la lumière et en portant mes yeux sur le réveil cela va mieux, ce balai d’images s’atténue pour se fixer sur une image nette et à peu près stable. Il est six heures. Je tâche de lire un peu, mais la ligne sur laquelle mes yeux se portent se décale de la même façon, quoique moins spectaculaire. J’abandonne l’opération au bout d’une page et demie. Je veux me rendormir et, de fait, somnole un peu, jusqu’au moment, parfaitement réglé, où il est presque sept heures, horaire qui marque le lever.
Je dois le constater : le tournis a repris. Il faut quelques minutes et un point fixe dans la cuisine pour qu’il cesse.
Cela s’accompagne d’un léger mal de tête, qui, lui, persistera (à dire vrai, cette sorte de céphalée m’est souvent arrivée tous ces temps derniers).

Je règle le nouveau téléphone acheté la veille — l’autre marquant décidément des signes de faiblesse — dont la batterie s’est chargée durant l’après-midi et la nuit. J’entre le numéro de proches dans le répertoire en choisissant diverses sonneries — il y en a dix — qui ne sont pas celle d’un appel standard (ce qui peut être utile et permettrait de ne pas se précipiter s’il s’agit d’un importun…). Je veux appeler sur le combiné qui est à l’étage et dois me rendre à l’évidence : la même opération est à recommencer pour le second combiné. Le numéro pour appeler le répondeur est bien le même, celui lié, en fait, à l’opérateur — mais non pas au téléphone lui-même. Je sais à peu près tout des opérations qui importent. Je verrai plus tard comment régler le son, puisque, d’après le manuel, cela doit se faire lors d’une conversation téléphonique.
Tout cela a pris presque une heure.

J’appelle mon père et vérifie que le téléphone sonne bien dans les deux sens.
Puis Marthe, qui s’est fait dépanner par Apple, sa messagerie étant restée inaccessible pendant presque une semaine. Elle se dit enchantée de l’intervention par écrans partagés de la femme qui est intervenue  pour rétablir les connexions correctes. Paul, après celle de Lubitsch, s’attelle dorénavant à la filmographie complète de Hitchcock. Je lui dis que je lui ai acheté des brosses à dents pour sa brosse électrique. Il ne rêve que de “déconfinement”. T., que j’appelle ensuite, se demande comment se procurer des masques.
Le fil de toutes choses est parasité par ce COVID-19 aux appellations changeantes, mais qui impose sa réalité, unique, à nos existences.

 

Après-midi

La séance de simulations d’oraux avec les élèves me laisse laminé.
J’ai entendu deux mauvaises études, en outre.

J'entreprends une promenade, qui ressemble à la toute première que j’ai faite, avec quelques variations dans le parcours. Je prends une photo du squat de l’avenue proche en pensant à J*** — qui m’avait parlé de cette grosse maison laissée à l’abandon — puisque j’ai obtenu son numéro de téléphone ce matin.

1145 - Carnets d'un confiné (54)
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Précisément, il m’appelle alors que j’ai quitté le bureau un instant pour l’étage supérieur et je n’entends pas le téléphone sonner.
Il est sans emploi, son patron s’étant déclaré en faillite judiciaire. Il accepte de venir chez moi, à la suite d’un rendez-vous pris chez une cliente qui habite une rue adjacente.


Soir
Je regarde le premier épisode de le Temps des ouvriers, dense, précis et illustré par des animations astucieuses dans leur propos.

La voisine semble seule dans son appartement — mais bavarde inlassablement au téléphone. Je songe à la chanson de Brel, la Parlotte, remise en mémoire en raison du courrier d’avril 1982 que j’ai retranscrit pour le 5 mai. Je devrais lui diffuser tous les soirs où je l’entends à partir de 22 heures, afin qu’elle comprenne qu’elle pourrait parler moins fort ou ailleurs que sous ma tête de lit. Je me contente de bouchons d’oreille.

 

 

 

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