1157 - Carnets d'un confiné (63)
CARNETS d’un CONFINÉ
63
[Journal pas toujours extime]
(14 mars, […] 1er MAI 2020 … …)
15 mai
Après-midi
Nous avons une assez longue conversation avec M.-C. sur le déconfinement, le fait de nous revoir, avec ou sans masque…
Son médecin a tenté de la rassurer. Mais, selon elle, les tests ne sont pas tous fiables…
L'envie me traverse, durant ma promenade, de remettre des pas dans mes pas. Puisque nous ne sommes dorénavant plus limités au périmètre d’un kilomètre, je vais jusqu’à l’aquarium, devant lequel nous étions passés, T. et moi, lorsque, le 15 mars, il était allé à voter — ce que je m’étais refusé à faire. Il m’avait alors montré ce mammifère marin parachuté sur la façade.
Il me faut traverser la Place S**** : force m’est de constater que les gens assis sur les bancs n’observent aucunement la « distanciation sociale », ce qui inclinerait à donner raison à M.-C. quant à l’imprudence générale lors de ce « déconfinement ».
16 mai
Matin
M.-C. a lancé une invitation en direction de Paul, Marthe et T.
T., à qui j'ai parlé des préventions de M.-C., répond qu’il mettra un masque…
Soir
Les « nouvelles » qui nous viennent ont de quoi écœurer. Le capitalisme dans ses manifestations les plus échevelées reconquiert le droit de cité qu'il n'est près de lâcher. Et toute cette propagande adressée au consommateur déconfiné soulève (donc) le cœur… Et le panurgisme — il suffit, comme Descartes, de se mettre à son balcon — lui emboîte le pas.
Je n’ai pas voulu faire de promenade durant l’après-midi : je sais à peu près pourquoi.
Soir [suite]
Sauf surdité de ma part, on n’applaudit plus aux balcons, désormais.
J’entame une promenade vespérale à 20 h 01. Je suis d’humeur poétique, d’autant mieux que le passant est (j’ai choisi mon heure) rare — et que j’écoute l’œuvre pour piano seul de Ravel sous les doigts de Samson François.
Le soleil dore les façades.
Je ne sais pourquoi, sauf proximité géographique de nos domiciles il y a presque quarante ans, je pense à Pascal — et lui enverrai ce message (ainsi qu’à F.) :
Bonsoir F. et Pascal,
Promenade du soir (de ce soir) dans les rues de ****. C’est un peu triste tout de même…
Je pense à vous et vous écris plus longuement dès bientôt…
… et vous embrasse,
Romain
M.-C. et T. ferraillent à coups de messages sur la question du « souverainisme » (ou plutôt : qui l’incarne).
Je n’ai garde d’intervenir — me sentant las de toute querelle politique tous ces temps derniers ; mais, en vérité, je me sens proche de la position de T.