1172 - Discothèque : éléments datés (4)
work in progress
Pour S. P.
Ces memoranda discographiques — puisque la date d'achat du disque (le 12 septembre 1978) en est inscrite — recouvrent sous leurs cendres de douces anamnèses !
Ils constituent, en outre, de ces « chaînes » que j’affectionne, puisque liées aux gens que j’aime ou ai aimées, certains peut-être enfoncés dans mon oubli.
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J’ai beaucoup aimé, et j’aime assurément encore beaucoup Sylvie, qui m’a fait découvrir — et aimer autant qu’elle — Barbara.
Je me souviens de trajets en voiture en sa compagnie, celle de son compagnon et d’une amie, M***. Elle chantait alors à tue-tête in extenso des textes de Barbara, Bobby Lapointe et Claude Nougaro.
Sylvie chantait bien. Elle paraissait s’excuser en riant de ces séquences de chant qu’elle nous faisait subir — mais nous ne subissions pas (sauf peut-être son compagnon d’alors, qui, tel N., pour avoir d’autres qualités, n’avait rien d’un joyeux drille), et nous nous prêtions volontiers à son jeu. Michel, au volant, — le seul d’entre nous alors qui pouvait conduire — devait se résigner.
A mourir pour mourir, je choisis l’âge tendre… Sur l’autoroute, plus vite — et tout qui va trop vite… Oh mon Dieu, comme elle est difficile cette cantate… Vous auriez préféré, je vous retrouve là, qu’il fût mort en héros, Madame…
Sylvie enchaînait les chansons avec une belle humeur qui réduisait à néant la distance qui nous séparait de V***, où nous nous rendions cent trente kilomètres plus loin, enchantés que nous étions de partir en vacances, et puisant dans son répertoire de chansons d’un commun enthousiasme.
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Elle m’avait offert une photographie en noir et blanc prise par un de ses amis dans une salle de spectacle de ****, contiguë des « Magasins Réunis » de cette ville où s’était donné un concert de Barbara.
Sylvie avait rencontré — racontait-elle parfois — le lendemain d'un autre récital, dans un café où elle avait ses habitudes, l’objet de son admiration. Elle l’avait abordée, avec témérité, humilité : « Que voulez-vous, petit fille ? » avait demandé, en lui caressant le poignet, après l’avoir saluée, Barbara. Sylvie avait répondu qu’elle désirait simplement lui dire qu’elle aimait beaucoup ses chansons. Elle nous rapportait, toujours en riant, son manque d’à-propos. J’aimerais croire que cette parole portée en toute simplicité avait, précisément, touché juste — et atteint la bénéficiaire de ce petit compliment.
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Je me demande souvent ce qu’est devenue Sylvie, depuis ce temps ? — elle dont le souvenir me poigne encore, tout en regrettant que les chaînes entre nous se soient rompues, sans aucune raison que je connaisse — si et trop bêtement…