1156 - LE VOYAGE À CHARLEVILLE, Lettre à J.-M. (1)

Publié le par 1rΩm1

 

[in  memoriam  J.-M.]

 

LE VOYAGE


À CHARLEVILLE

 

(8-9 avril 1987)

 

1

 

Ernest Pignon-Ernest, Rimbaud (1978), Détail d’une affiche photographiée dans une rue de Paris © Internet

Ernest Pignon-Ernest, Rimbaud (1978), Détail d’une affiche photographiée dans une rue de Paris © Internet

 

Mercredi 8 avril 1987, 13 heures

Salut tous les deux,

— Me voici embarqué à Charleville ! —

J’ai dû vous dire que Lindsay y était nommé, depuis un mois environ. Alors l’idée m’a pris d’aller le voir, maintenant que mes mercredis ont des allures de liberté. Seul problème, il semble qu’il n’ait pas reçu la lettre que je lui ai envoyée, et me voici, bohème rimbaldien, attablé dans un café, chez « Nestor »  — ça devient une habitude, quasiment ! —, à méditer un « acting out » par trop improvisé, en attente éternelle de Lindsay, à me demander pourquoi cette Charleville, Charlestown, Charlatroce, a sur moi des influences malsaines, dont je me débarrasserais bien ! — Et dire que, bien entendu, je devrais être enseveli de tout mon être par les révisions pour l’Agrég’, nanti du seul espoir de parvenir à être, sinon un bon enseignant, un agrégé brillant ! Savez-vous que j’en ai assez de ce métier débile et blême — autant des élèves que de tout ce qui peut peser sur la triste institution scolaire ! — ? Hélas…

— Mais pourquoi suis-je venu ici ? —

Enfin, dites-moi, voi[ci] une occasion que j’invente pour vous écrire. Cela ne faisait-il pas longtemps ? — On se sera peu vus cette année, et je n’aurai guère davantage écrit ! J’ai des renoncements à l’égard de ****, fort peu d’attaches avec R***, et ne sais plus très bien d’où je suis ! C’est une impression désagréable, mais qui ne me déprime plus. A quoi sert d’approfondir des secousses relationnelles si un métier imbécile vient tout emporter ? Ailleurs, vous rencontrez des gens, avec lesquels vous pensez faire [au moins] un morceau de route et [pouvoir] vous donner un peu, comme avec Samuel… — Et puis… … pfffuiiiiiit !, un jour, vous n’en avez même plus même le goût. Une Nathalie vous emmènerait en Ecosse, quand bien même elle ne vous connaît pas bien et ne sait pas que vous n’acceptez rien (ou presque rien). Vous cohabitez avec la personne que vous croyez connaître bien — qui vous semble [tout à coup] étrangère. Et Monsieur Lindsay, de tous les espoirs, n’est pas là pour vous recevoir !

[Alors… un jour comme h]ier, n’en pouvant plus de toutes les indisponibilités de la veille et de l’avant-veille, vous faites monter un monsieur en qui vous fondez l’espérance d’une étincelle dans la nuit. Mais, trop bavard, trop empressé, trop peu à votre goût somme toute et finalement, vous le rhabillez plus promptement qu’il ne s’était débraguetté ! Il n’y avait pas d’urgence — ou l’urgence avait débandé !

— Alors l’inévitable question revient : que fais-je ici ?… que fais-je à Charleville ?… — Et ne me demandez pas non plus pourquoi je vous écris !

1156 - LE VOYAGE À CHARLEVILLE, Lettre à J.-M. (1)

(à suivre)

 

 

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