CCVI - Je suis hanté : l’Asie, l’Asie, l’Asie, l’Asie  !… (1) [archive GA]

Publié le par 1rΩm1

 

Je suis hanté : l’Asie, l’Asie, l’Asie, l’Asie  !… (1)

 

Que reste-t-il de nos voyages ?

Des clichés photographiques, souvent. Classés dans des albums. Que nous n’ouvrons plus ensuite que très rarement (après avoir parfois pourtant cassé les pieds de nos amis en exhibant les photos prises durant nos vacances, le plus rasoir étant de loin, jadis, la séance-diapositives, ou, dorénavant, le diaporama sur l’ordinateur !).

En ce temps-là, je n’avais pas d’appareil.

C’est Jacques qui prenait des photographies — avec du matériel professionnel, me semble-t-il.

Il reste aussi quelques cartes postales qui n’ont finalement pas été envoyées.

CCVI - Je suis hanté : l’Asie, l’Asie, l’Asie, l’Asie  !… (1) [archive GA]

 

Que reste-t-il de nos amitiés ?

Que reste-t-il, en particulier, de ces amitiés parfois passionnées, telle celle que j’avais avec Lindsay ?

Des lettres, parfois. En fait : des réponses à nos lettres.

Or, j’effectuai (le passé simple, que je déteste d’ordinaire, est ici de rigueur !) en 1987 mon premier grand voyage — si jamais pareille expression a un sens ! — et en consignai la relation (pas tout à fait encore un journal extime, mais presque) à mon ami Lindsay, disparu dans la vaste et trop vaste nature depuis, laissant après lui, après sa disparition, toute la nostalgie de tous les soirs qui sont tombés au monde…

Pourquoi ces amis qui nous quittent un jour pour ne plus revenir avant longtemps ? (pour ne plus revenir ?)

Que reste-t-il de… et de… ?

Il reste en tout cas cette lettre — dont je me souviens qu’elle était écrite sur du papier pelure mauve qu’on utilisait alors pour les doubles carbonés des feuilles qu’imprimaient d’antiques machines à écrire et que, non par vanité d’auteur mais parce que je ne voulais pas que le souvenir s’en efface et parce j’aime à garder les traces de ma correspondance, y compris de ce que j’ai pu écrire, pour m’en souvenir et ne pas me redire auprès de ceux à qui j’ai adressé des lettres, j’ai donc conservée.

Pour le reste… : est-ce ma faute si l’autan et les bourrasques d’un printemps ne m’en ont laissé… que l’andante… ?

*  *  *

Dans le grand carton où j’ai plongé mes mains il y a peu, je l’ai cependant retrouvée, cette lettre : je cherchais tout autre chose naturellement, mais, tombant sur cela, j’ai songé à L*** rentrant d’Asie — et la cicatrice que celle-ci nous laisse, quoi qu’on en ait… Et… je ne crois pas au hasard — ou, du moins, qu’il faille se laisser faire par le hasard !

Je reproduis mon texte en ne l’amendant que très peu : je n’y ai pas changé les passés simples dont, depuis, j’ai l’exaspération ; j’ai modifié quelques mots ici ou là, rectifié quelques tournures — et corrigé quelques fautes d’orthographe qui m’ont un peu surpris (et accablé !) ; mais, pour l’essentiel, j’ai conservé le texte d’origine, sans altérer en rien, dans tous les cas, son contenu et tâchant au moins d’en respecter l’esprit (même si, à relecture, il me déplaisait parfois).

*  *  *

 

[Lettre à Lindsay, ***, juillet-août 1987]

Caro,

Début d’une lettre comme de la soie. On se fait mince au fil de l’été. Les mains moites s’attachent le papier. Vous pardonnerez d’avance, ami, la maigreur des bavardages !

A dire vrai, je suis dans l’impatience de mon départ — et tout s’impatiente autour. Car j’ai ma part de ***, généreuse dans les tout premiers temps, puis vilainement ingrate à mesure que le juillet s’avançait.

 

La rue de *** se disperse.

Simone s’est teinte en blonde. Et tout l’édifice a chancelé.

L’artifice a pleinement réussi : J. est revenu, toujours immature, toujours indéterminé, et je ne comprends pas vraiment que Simone ait tout mis en œuvre pour que ce (re)tour réussisse.

Bref, à plus ou moins brève échéance, Simone et J. comptent reprendre leur vie commune ; et, si cela m’arrange puisque je cherchais un prétexte poli pour bientôt m’en aller, je vois que la fuite s’emballe : d’ici à ce que je retrouve mes meubles sur le palier, il n’y a pas loin... A peine d’ailleurs si je ne devais pas déménager ce week-end, si cela pouvait arranger Simone ! Elle a déjà planifié la suite de toutes sortes d’événements, notamment pour B., actuellement à Montpellier, en lui donnant pour colocataire sa sœur, sans que B. en sache rien encore !

 

Je pars à Bruxelles demain avec J-M. Il a rencontré à Barcelone un Hollandais, a eu pour lui un coup de foudre et compte bien le retrouver très miraculeusement au coin d’une rue d’Amsterdam. Il s’est servi de moi comme prétexte auprès de Pascal — qui travaille tout ce long week-end — et me conduit “officiellement” donc à l’aéroport. En fait, les jours passant, il n’était plus sûr de son fait et ne savait s’il séjournerait à Bruxelles ou irait véritablement en Hollande. Quant à moi, je passerai trente-six heures dans la capitale belge, en prélude à Jakarta. (Je me souviendrai de l’an dernier, de notre périple, je me souviendrai de vous.)

Les bagages ne sont pas faits. Il reste sans doute maint et maint détail auquel je n’ai pas songé.

Mais j’entends bien me laisser surprendre et ne veux plus rien “organiser”. L’essentiel de mes préparatifs, en fait, aura consisté en des courses pour Jacques et Myriam. Comme ce voyage est pour moi une grande première, je veux me laisser porter, je n’en attends rien, j’en attends tout — et ne sais pas encore le mode d’emploi que j’aurai à lui appliquer. L’on apprendra et l’on prendra chemin faisant !

— Qu’en penses-tu, dis ?

[publié sur GayAttitude le 6 septembre 2011]

 

 

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