1182 - Journal de l'hôpital (9)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Journal de l’hôpital

(25 mai - 5 juin 2020)

Journal d'un rescapé

Work in progress

9

 

Résumé : Je m’aperçois de « chaînes » mises en place par l’entremise de T. — à qui j’avais cédé contre un demi de bière mon tout premier téléphone mobile, et qui a mis ainsi à profit le carnet d’adresses que, pas plus que moi, il n’avait pris le temps d’effacer…

1182 - Journal de l'hôpital (9)

 

30 mai 2020 [suite]

T. s’était aussi — et surtout — enquis dès le mercredi [?] auprès de collègues par le moyen d’une liste de distribution commune si de mes nouvelles leur étaient parvenues, inquiet de ce que je n’étais pas allé ce jour-là à mon rendez-vous dans les jardins d’A*** :

Désolé d'intervenir sur la liste pour quelque chose qui ne la concerne pas, mais est-ce qu'il y a parmi vous des profs de **** qui auraient des nouvelles récentes (depuis lundi) de [Romain P.] ?

Nous avions rendez-vous avec lui hier après-midi et il n'est pas venu, sans prévenir ce qui n'est pas son genre.

Je crois qu'il avait lundi une réunion en téléconférence pour le lycée : est-ce que quelqu'un sait s'il y a participé ? Ou même est-ce que quelqu'un a des nouvelles plus récentes que cela ?

Ainsi avait fait Marthe le mardi, également, en laissant un message sur mon répondeur ; elle s’était ensuite aussi adressée à F. G., lequel, sans doute par l’intermédiaire de mes parents, l’avait informée de ce que j’avais été hospitalisé.

Et Lionel W. m’avait, dans une courte foulée, envoyé ce message :

Bonjour Romain,

tout va bien ? Un certain [T. K.] s'inquiète de l'absence de nouvelles de ta part et d'un rdv manqué hier AM ...

A+, Lionel

L’ironie, à ce propos, a voulu que, durant mes moments où j’essayais d’arracher à la nuit des bribes sensées de pensée, je m’étais effrayé de ma débilité désormais : qui aurait envie d’échanger avec moi alors que tout le langage m’abandonnait ? — Et je me devais pour l’heure de répondre à tous ses messages !

J’ignore, au vrai, pourquoi pareille pensée avait ainsi vrillé mon cerveau, forant avec insistance ce même trou, lobotomisant toute autre perspective…

Peut-être une telle pensée provenait-elle de réflexions amères de mon père — rien que des saillies, néanmoins, mon père n’entendant pas s’étendre à ce sujet — quant à la raréfaction (la quasi disparition !) de relations autour de ma mère à la suite de sa maladie. Ses amies avaient presque toutes disparu. Mon père était sévère aussi envers ses petites-filles, qui ne rendaient jamais visite à ma mère…

 

Je me mets dans l’idée de composer pour ma sœur (qui a beaucoup réceptionné d’appels téléphoniques et donné au jour le jour de mes nouvelles) un SMS ; le message me coûte un effort infini, d’autant que je souhaite en soigner la rédaction afin de la rassurer, elle et mes parents, sur mon état de santé — tout en faisant part d’autres demandes pour la suite de mon séjour :

Merci pour tout !

Deux paires de lunettes valent mieux qu’unede même que le même numéro de Télérama :)

Les lunettes changent la vie du tout en [sic] tout !

En revanche, ce n’est pas un bon chargeur pour la brosse à dents et j’aurais besoin de 8 euros…

Je pense à vous et vous embrasse tous trois affectueusement

Romain

 

* * *

Je souris à cette idée que, dans ma situation, je suis « lavé, blanchi tous les jours ». — Et je me sens surtout soulagé à l’idée que, dorénavant, je pourrai faire mes ablutions par moi-même, sans l’action ou la présence de tiers…

 

 

 

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