1203 - Carnets d'Indonésie, lettre à J.-M. (2)

Publié le par 1rΩm1

 

[in  memoriam  J.-M.]

 

17/7/87

Well. Où en étais-je ? — Nulle part sans doute, dans ce ciel immense. Et cette fois aussi, difficile de se situer.

1203 - Carnets d'Indonésie, lettre à J.-M. (2)


— Dans un train, quelque part, entre Jakarta et Yogyarkarta.

J’ai fort peu dormi dans l’avion — une heure ou deux, tout au plus — et suis arrivé sur les rotules. Nullité des événements d’un voyage aérien. On nous a servi cinq fois à manger (bouffe dégueulasse), sans doute pour faire passer le temps… Pas de western [food] [?], la compagnie n’était pas assez riche pour cela — ni nous d’ailleurs. Aussi est-il devenu vite exaspérant de voir tous ces gens somnoler autour de soi.

Escales à Bombay, puis Hanoï. Choc en sortant de l’avion lors de l’escale dans la capitale du Vietnam : une boursouflure de chaleur, une sensation jamais éprouvée, une immense conque torride, humide, dans laquelle vous vous retrouviez anéantis et transportés — ou plutôt : comme enfermés. Bien pire, je crois, qu’à Jakarta…

Jacques et Myriam m’attendaient à l’aéroport.

J’ai dîné — c’était mon sixième repas en vingt-quatre heures — chez Gilles et Patricia, mes hôtes jakartanais de la Jalan Malabar.

En dépit de la fatigue, nous avons discuté une heure encore après le départ de Jacques et Myriam.

Ce sont, pour le moment, les personnes les plus sympathiques, les plus spontanées que j’aie pu rencontrer parmi les V.S.N. Jacques et Myriam ont, semble-t-il, bien des problèmes d’humeur avec leurs colocataires. Il est vrai, n’est-ce pas ?, que rien n’est plus difficile que la cohabitation, a fortiori avec des gens qui ne nous sont pas sympathiques…

Autre problème : Myriam passe ici pour une Indonésienne et se fait constamment insulter, si ce n’est agresser, lorsqu’elle est en compagnie de Jacques. Cette haine des couples mixtes doit être très difficile à vivre pour elle ; elle s’est un peu étendue là-dessus, mais avec une habituelle pudeur, sans insister ; quant à Jacques, il est moins communicatif encore.

 

Jakarta est une ville impressionnante. Il n’est guère que certains monuments ou certains buildings pour se repérer. Les points d’ancrage, hors cela, manquent tout à fait. A la banque, faisant changer 400 dollars, je me suis retrouvé avec un matelas impressionnant de billets de la monnaie locale. La circulation automobile y est infernale, et ce trop, finalement, fait que l’on est presque immédiatement vacciné ! Au bout de la troisième frayeur en taxi, on finit par par regarder avec indifférence les uns et les autres déboîter et se faufiler.

En fait, j’aurais peut-être déjà des pages et des pages à noircir de choses et d’autres., de sujets de réflexion divers… Je ne sais trop. Difficile d’avoir déjà tout décanté. Et, s’il n’était cette plage immense — dix heures, en principe, de train —, j’aurais renoncé à faire ces quelques lignes.

 

Myriam et Jacques sont en manque, semble-t-il, de mode de vie occidental. Vous ne [soupçonneriez] pas, j’imagine, qu’à midi j’ai mangé une cassolette d’escargots ! Hier soir, nous avons dîné dans un bar où jouait un orchestre, dont il semblait impossible de décoller. J’avais un fameux mal de tête et désespérais d’avoir fait tant de kilomètres pour entendre Satisfaction, Strangers in the Night, New York New York ou Cabaret ! Après une tentative pour rentrer, je me suis aperçu que le copain de Jacques et Myriam [qui s’était proposé de me raccompagner] ignorait où habitaient Gilles et Patricia ; et, étant moi-même incapable de reconnaître leur maison parmi tant d’autres dans la Jalan Malabar, je suis [donc] descendu du taxi — [et ai dû] patienter jusque une heure et demie [pour] pouvoir rentrer. La migraine m’a partiellement empêché de dormir, et je me suis promis d’être plus téméraire à la prochaine occasion et de rentrer par mes propres moyens ! Résultat : nous nous sommes levés tard, nous n’avons rien fait de la matinée, et nous sommes retrouvés à deux heures dans le restaurant d’un grand hôtel à déjeuner, avant que de prendre ce train, qui cahote infernalement sur ces rails — si bien que c’est une véritable épreuve de force que de vous écrire…

(à suivre)

 

 

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