1219 - Si tant est que ce ne soit pas une maladie… (13)
Si tant est que ce ne soit pas une maladie…
Carnets d'un convalescent
(Journal extime)
Work in progress
13
* * *
Je prends plaisir au cours de gymnastique de Simone, mais je dois bien constater que mon épaule droite me fait mal.
Matin, après-midi, soir
Installation de la climatisation. Les difficultés à se coordonner, F. G. et moi, contribuent à mon agacement.
Après-midi
Ma mère est en crise. Elle veut à toute force quitter l’hôpital. Mon père est à ce point préoccupé par son état qu’il oublie de me demander comment se sont déroulées les visites de la veille auprès des médecins. Je me garde bien de lui faire remarquer.
Soir
Attente vaine — en fait, il aura sonné chez moi, mais le tire-suisse n’aura pas fonctionné, et j’aurai cru à un plaisantin — de l’artisan qui aurait dû finaliser les travaux.
Levé tôt et ayant fait en quelque manière la journée continue, après une quinzaine de minutes devant la télévision, je me couche et m’endors après quelques pages.
2 septembre
J’ai fini la préface de Raymond Jean et entame quelques lignes de la correspondance de Gabrielle Russier.
Je reçois ce courrier de ma mutuelle : « La réforme de l’assurance-maladie, etc., etc. » Décidément, la couverture santé de tout un chacun subit des attaques continuelles, à l’euro près, la mesquinerie et la rapacité n’ayant pas de limites !
La séance chez l’orthophoniste, centrée essentiellement sur la prononciation, s’avère beaucoup plus fructueuse que la précédente. Peut-être est-ce parce qu’elle aura entre-temps compris que… [je le livre tant qu’écrit alors, extrêmement parlant pour ce qui est de mes errements de transcription] :
Je crois qu’elle aura compris que les devinettes ludiques et autres charabes charabes charades ! me paraissent /superflues/ — et /crispantes ? crisptrantes ? [= énervantes]. Je tiens, en effet, que cette j[eune] f[emme] est intelligente. Il faudra q[ue] je pose malgré tout, dans un détai délai ± court, la question de l’écrit, quitte à changer (c’est probable) d’intervenant.
— A moins que l’écrit ne suive les progrès de la prononciation, ou que je me rééduque tout seul.
Je lis des courriels de collègues faisant état de la rentrée. Je ne me sens — et m’en veux un peu — qu’à demi concerné. Je m’accuse d’indifférence — relative, certes —, mais d’indifférence quand même.
Je me dis aussi que j’aurais préféré que ma retraite anticipée fût effective (et je ne songe pas seulement à mon handicap — et c’est la première fois, ce songeant, que le mot « convalescent » effleure ma conscience…).
Après-midi
Sieste. Celle-ci dure presque deux heures ! (Il est vrai que les deux jours précédents je n’ai pas eu le loisir de m’y livrer.)
Terrasse avec T., Paul, Marthe.
Dimitri s’avère plus grand que dans mon souvenir. Mais il avait dix-sept ans, il est vrai, quand je l’ai connu — et il n’a pu que croître depuis ! Il n’est pas certain qu’il prenne grand plaisir à me voir, mais mon imagination peut me jouer des tours à ce propos. Je l’observe à la dérobée, malgré moi aimanté, et il a pu s’en rendre compte et s’en agacer… — (Mais) il est beau.
Soir
Mon père a laissé un message. Je le rappelle. Il m’apprend que ma mère a fait une fugue. Elle a trouvé la seule issue non protégée du bâtiment, pouvant ainsi s'en échapper. On l'a retrouvée errant dans une rue toute proche.
Auparavant, on l’avait vue pousser le fauteuil roulant d’une pensionnaire, avec laquelle selon toute vraisemblance elle a pu communiquer, malgré les troubles phasiques dont elle souffre.
Nous avions croisé cette vieille femme dans son fauteuil, mon père et moi, qui cherchait elle-même à emprunter l’ascenseur en même temps que nous. Elle semblait ne pas disposer du code et ne pouvoir se servir de l’ascenseur, qui s’est avéré le moyen de leur fuite.
Je m’imagine — et m’en amuse, sans m’en ouvrir à mon père — l’échappée de l’une et de l’autre, échafaudant ainsi un court instant le road movie burlesque et pathétique de deux vieilles enragées à fuir, en échafaudant par leur pensée leur évasion avortée hors de l’EPHAD.
Depuis, ma mère a été transférée à un autre étage, afin qu’elle ne puisse pas récidiver.
Au vrai, connaissant les voies parfois inflexibles, au demeurant pénétrables, de sa volonté… je ne suis qu’à demi surpris !
(J’amuserai beaucoup Pascal et F. quand je retracerai au téléphone l’épisode le lendemain [?], surtout Pascal, qui a, à diverses reprises, plus que F., rencontré ma mère.)
3 septembre
Matin
A l’heure cette fois, F. G. a cependant besoin de retourner chez lui pour ajuster je ne sais quoi. Ce n’est presque une heure plus tard qu’il est de retour. Je reste en plan, à l’attendre. Je manque le cours de Simone (je ne m’en afflige qu’à demi : le Feldenkrais pratiqué par moi-même sans le secours de Sacha est un peu trop lent et minutieux, et je n’y entends généralement presque rien ; mais cette attente prolongée contribue à m’agacer…).
J’achève le tour complet du ménage et du rangement accompli ces deux derniers mois (délai que je m’étais promis de tenir).
Après-midi
J’ai un rendez-vous de travail avec B***. Il me faut parler beaucoup, ce qui contribue à me fatiguer, l’élocution en pâtissant à mesure.
La femme de ménage, de retour de son congé estival, arrive entre-temps. Je donne quelques directives. Je suis content à part moi de savoir l’appartement rangé et nettoyé au préalable : elle n’aura plus qu’à entretenir et peaufiner quelques détails. Ainsi je lui demande de s’occuper des luminaires.
Chez l’orthophoniste. La diction est souvent difficile. Pourtant, en répétant après elle les vers de “Le Corbeau et le Renard”, j’articule mieux qu’auparavant.
Soir
Pascal me rappelle après que, la veille, j’ai laissé un message sur son répondeur. Il me persuade gentiment d’aller à Paris malgré les contraintes liées au port du masque. Eux-mêmes en reviennent. Septembre aux terrasses peut être agréable. Nous devisons à plaisir. J’entends parfois en arrière-fond les interventions de F.
Je retiens deux billets aller-retour dans la foulée pour un séjour du 18 au 22, en pesant tous les impondérables : la manifestation du 17, les soirées avec T., les rendez-vous médicaux…