1246 - Quand vacillent les lucioles… (12)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Quand vacillent les lucioles…

 

Juin à Paris

(Journal extime, 22-28 juin 2021)

12

 

28 juin

Matin

Je ne réussirai pas (naturellement) à serrer l’écrou du WC. Je déniche un récipient qui peut provisoirement recueillir l’eau de la fuite et s’adapte assez bien à la cavité existant entre le tuyau d’évacuation, la plinthe et le sol. J’achèterai boulevard Voltaire dans une boutique qui tient lieu de bazar des boîtes hermétiques de même dimension, plus rigides et larges, qui feront mieux l’affaire.

Entre-temps, j’échange divers SMS avec Pascal afin de le tenir informé des opérations.

*  *  *

Les billets de métro mauves – des années soixante-dix ou quatre-vingt ? — donnés par mon père ont conservé toute leur validité. C’est avec l’un d’eux que je vais à l’exposition Magritte/ Renoir du Musée de l’Orangerie. J’apprends divers détails concernant la relation entre Magritte et le surréalisme, plutôt orageuse, tout en m’étonnant des pochades de potache pour le moins (à mi-chemin entre facétie débridée et mauvais goût) dont le peintre belge a tenté de circonvenir les adeptes du mouvement.

René Magritte, la Magie noire, 1943, Huile sur toile, Collection particulière

René Magritte, la Magie noire, 1943, Huile sur toile, Collection particulière

René Magritte, le Principe d'incertitude, 1944, Huile sur toile, Collection particulière

René Magritte, le Principe d'incertitude, 1944, Huile sur toile, Collection particulière

J’apprends, également, qu’il a illustré Madame Edwarda de Georges Bataille.

1246 - Quand vacillent les lucioles… (12)

Je crois me souvenir sur le moment que Michel Leiris tenait en médiocre estime l’extraordinaire suscité par les associations d’images de ses peintures :

Du merveilleux que la vie offre avec une avarice si écœurante, sans doute en va-t-il pour moi comme de celui que l’art propose en images : gratuit, détaché, privé de référence ou de répondant, le merveilleux me laisse indifférent et, à mon sens, ne mérite même pas le nom de « merveilleux ». Alors que je suis happé comme par un grand mystère sur le point d’être dévoilé quand je regarde une œuvre telle que la Minotauromachie de Picasso, dont l’onirisme paraît refléter de durs conflits vécus intérieurement par l’artiste, alors que j’ai toujours été sensible aux drôles de faits divers racontés par Max Ernst dans ses collages où des éléments iconographiques vieillots, rappels de l’époque de troubles et de ravissements où nos père et mère occupaient le devant du plateau, se conjuguent de manière inusitée, un tableau comme le fameux tableau surréaliste belge dont l’unique singularité est qu’on y voit un cheval galoper sur une tomate ne me suggère rien qui excède le dérèglement des proportions relatives d’un quadrupède et d’un légume, ce qui ne me fait ni chaud ni froid. (Frêle bruit, pp. 360-361)

Je goûte toutefois assez le sens de l’insolite et du décalage dû à la titrologie de l’ensemble de l’œuvre — et qui produit parfois de vrais appels à l’imaginaire, ce dont je m’étais déjà amusé quand j’avais visité à Bruxelles le musée consacré au peintre. Je me souviens mêmement avoir lu avec intérêt un ouvrage de Robbe-Grillet consacré à certains tableaux de Magritte [?] — ouvrage dont je ne suis pas certain, de ce fait, qu’il existe, même si je crois me rappeler que l’illustration de couverture provenait de le Domaine d'Arnheim, dont j’apprends par ricochet qu’il s’agit là du titre d’un récit de Edgar Allan Poe.

[Finalement, tout principe d’incertitude aboli, l’ouvrage existe bel et bien. Je fais aujourd’hui jouer une anamnèse, puisque en appert dans ma mémoire l’incipit « Ça commence par… », ouvre-boîte de tous les récits du monde, même si ce “Il était une fois…” se veut plus complexe en tant que Miroir qui revient enserrant d’autres images dans leur prison mémorielle, puisque le récit de l’auteur de l’Année dernière à Marienbad a pour titre, dans quelque emboîtement vertigineux, la Belle Captive :]


Ça commence par une pierre qui tombe dans le silence, verticalement, immobile. Elle tombe de très haut, aérolithe, bloc rocheux aux formes massives, compact, oblong, comme une sorte d'œuf géant à la surface cabossée.

[En revanche, le tableau auquel je songeais n'est pas le Domaine d'Arnheim, même s'il en a, je crois, la palette. — J'en retrouve [ajout du 13 octobre] tout à coup le titre : le Château des Pyrénées.]

1246 - Quand vacillent les lucioles… (12)

*  *  *

La majeure collection Walter-Guillaume a migré d’une salle à l’autre, d’une cloison à une autre parfois, et les Soutine, certains du moins, voyagent ailleurs — le Petit Pâtissier se trouvant non loin néanmoins.

Chaïm Soutine, Paysage avec personnage, Vers 1918-1919, Huile sur toile
Chaïm Soutine, Paysage avec personnage, Vers 1918-1919, Huile sur toile

Chaïm Soutine, Paysage avec personnage, Vers 1918-1919, Huile sur toile

J’ai reçu un message d’Aymeric, remerciant pour la soirée de la veille.

 

Après-midi

Je téléphone à T., que je sens tendu ; mais, à la vérité, je le suis tout autant. Quoi qu’il en soit, nous nous verrons pas ce soir, lui, débordé (dit-il) par les copies, moi, saturé des restaurations des jours passés.

La voisine du dessus frappe tandis que je me livre au ménage. Je lui donne les coordonnées de Pascal et F., afin de pouvoir faire jouer son assurance et la leur.

 

Fin d’après-midi

Je voyage en TGV avec un voisin indifférent, à peine poli. Il est, en outre, gros et laid. — Ainsi en va-t-il de ces voyages aussi indifférents autant, me dis-je, que le sont nos voisins de fortune…

Je consulte les clichés que j’ai pris, les recadre, en supprime certaines scories.

 

Je songe avoir bien peu lu pendant ce séjour.

 

Je songe encore que je ne serai pas mécontent de retrouver le piano…

 

 

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