1252 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas une maladie… (13)
Si tant est que ce ne soit (toujours) pas
une maladie…
Carnets d'un rescapé
(Journal extime)
Work in progress
13
21 octobre 2020
Chez l’orthophoniste. Un exercice consiste à créer et dire des mots-valises : ainsi colimaçon amalgamé à songerie devient « colimasongerie ». Dans l’exercice suivant, je dois étêter les mots de leur phonème initial : astringent → stringent.
On s’en amuse ensuite, Marthe, Paul et moi. Il fait assez chaud encore pour qu’on puisse, malgré le vent, prendre un verre en terrasse.
Je dîne avec Claudie. Elle lance la conversation sur le professeur décapité. Elle retrace une visite du père de collégienne accompagné de son imam. Dans cette affaire, les anomalies s’enchaînent en cascade. Elle convient avec moi que l’école devrait se constituer en sanctuaire — laïque ! — à l’abri de toutes les pressions — parentales, religieuses, familiales ou claniques, idéologiques (je songe aussi à toutes les pédagogies imposées !), pécuniaires… Puisque de là viennent les dysfonctionnements qui filtrent des informations qui nous parviennent. Et le gouvernement a beau jeu d’invoquer — mais trop tard — la République à laquelle il annexe le malheureux professeur assassiné.
Elle parle — bien sûr — de son chat. Je comprends bientôt qu’elle le remplacera un jour prochain par un autre, ce qui ne laisse jamais de m’étonner chez les propriétaires d’animaux — expression idoine au demeurant. En revanche, elle se dit trop perturbée pour accueillir son frère durant les vacances…
Elle a apporté un gris de Toul, qui se lape avec bonheur en même temps que le lapin en gibelotte, qu’elle trouve excellent (je l’avais cuisiné avec quelque remords de n’avoir pas pensé préalablement que, parmi nos amis les bêtes, le chat partage avec le lapin une douce fourrure et, paraît-il, une chair similaire…). Très réticente avec le cheese-cake que j’ai sorti de mon congélateur, elle s’en montre ensuite friande…
Je réjouis de l’avantage que ce soient les vacances : Claudie ne parle guère de son métier. Je m’étonne, en revanche, qu’elle cite à tout propos des noms de marques, qu’elle loue au passage.
Nous passons, quoi qu’il en soit, une agréable soirée.
Neil a répondu (favorablement) à mon invitation de nous voir prochainement.
22 octobre
Matin
Je reçois un appel de l’hôpital : en en ayant reconnu le préfixe téléphonique, j’ai décroché — et ai convenu d’un rendez-vous pour un examen de mon sommeil.
Séance de Feldenkrais. J’en comprends de mieux en mieux les consignes — sauf dans les dix dernières minutes : j’en attribue la raison à la lassitude !
A mon grand désagrément, je manque un coup de téléphone de Khadija.
Après-midi
De nous cinq (M.-C., Marthe, Paul, T. et moi), T. est le plus furieux d’apprendre que nous avons basculé dans le couvre-feu. Il ne trouve pas trouve pas d’invectives assez fortes contre ceux qui nous gouvernent, nous gouvernent si mal.
Neil retient, parmi mes propositions, celle de nous voir à midi plutôt que le soir (ce qui s’avère assez logique étant donné les circonstances) mercredi prochain.
J’envoie un courriel à Khadija.
Soir
Je tombe par hasard sur une adaptation cinématographique (transposée à l’époque contemporaine) des (més)aventures du héros de Franquin, Gaston Lagaffe, retransmise à la télévision, dont certaines séquences m’amusent beaucoup. Y trouverais-je, cependant, autant de sel si je ne connaissais l’univers du dessinateur, dont la planche hebdomadaire publiée en première page de Spirou m’amusait — précisément — beaucoup ? Le comédien, agréable à regarder, incarne corporellement (si j’ose dire !) de façon assez réussie le héros gaffeur, la dégaine improbable et l’indolence du personnage étant plutôt bien rendus.
23 octobre
Soir
Dernier jour avant le couvre-feu. Je vais au cinéma voir Michel-Ange, réalisé par Andreï Kontchalovski. Beaucoup ont eu la même idée que moi. Film âpre, tout à l’opposé des fresques pleines de délicatesse, des corps gracieux et polis, du Palais des Médicis à Florence. Situations et sentiments taillés à serpe, à dessein d’écorner le mythe renaissant de mœurs policées, dans les démêlés violents du peintre avec ses mécènes et les autres artistes.
Affiche du film ; Volterra (Daniele da), Portrait de Michel Ange, Metropolitan Museum of Art, New York
Après être passé dans le café, tout proche, où travaille Dimitri, comme le serveur me dit que l’endroit va fermer, je renonce à prendre un verre ailleurs : trop de bruit et de monde sont massés aux terrasses.
Nuit
Les voisins rentrent peu après minuit. J’entends leur conversation. Pour me prémunir de celle de l’autre voisine, j’ai recours à des bouchons d’oreille
Je dors très mal. L’ironie veut que ce soit le jour où j’entame mon journal du sommeil !…