1254 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas une maladie… (14)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si tant est que ce ne soit (toujours) pas

une maladie

Carnets d'un rescapé

(Journal extime)

Work in progress

 

14

 

24 octobre 2020

Selon Claude, avec qui je dois aller au concert, les bars en tant que tels sont fermés. Je me refuse à y croire.

Après notre visite à ma mère, je vérifie le fait sur la place S****. Il faut se restaurer, si l’on veut consommer.

Je croise Paul, en compagnie duquel je prends un premier verre : la serveuse avec qui j’ai déjà maille à partir ne me demande toutefois pas de prendre un en-cas.

 

(Je ferai sur cette question une chronique pour Marthe, puis M.-C. et T., le lendemain :

Chronique des bars et des estaminets

Comme tu le sais déjà, Marthe, par Paul (merci pour le SMS, auquel je n’ai pas eu le temps de répondre dans l’après-midi, l’heure du concert étant avancée à 19 heures…), l’I*** “accepte” de servir des bières à condition que soit délivrée en même temps quelque nourriture terrestre : Pascal avait demandé des macarons. Bref, l’I*** est devenu un salon de thé, ou peu s’en faut, puisque on peut boire eau, café et thé sans supplément de nourriture, mais pas les bières, vins et autres spiritueux :( !

Au retour de notre visite à ma mère, mon père et moi, je suis allé à pied — et constaté que cela semblait également la règle pour les cafés-brasseries de la Place S***. Glaces et pâtisseries semblaient sur toutes les tables, ou peu s’en faut. Et tous ces gens de joyeusement s’empiffrer.

Tout autre est la « règle » au Café L*** :)

A Dimitri, à qui j’ai demandé d’emblée ce qu'il en allait pour cet établissement — Claude avait pris un jus d’abricot, ce qui en soi ne devait pas poser de problème —, celui-ci a répondu que rien n’était changé, que je pourrais boire ce que je voulais sans ordonner quoi que ce soit d’autre ! Comme je m’étonnais de la différence de mœurs entre cafetiers, il m’a répondu — j’ignore si cela relevait d’un humour pince-sans-rire ou de quelque réponse de garçon converti à la philosophie sartrienne de son comptoir ^^ — qu'ainsi avaient décidé la direction de et les actionnaires, jusqu’à nouvel ordre !

Voilà pour ce qui concerne un rapide tour d’horizon des rades et caboulots de ****. De fait, les bars que j’ai vus sont fermés (la Q*** de la rue S*** ou le P*** de la rue S*** [je crois qu’ils appellent ainsi]), et il m’a semblé que le T*** (rue du P***) servait au contraire vins et bières sans que les clients doivent sacrifier à quelque accompagnement.

Bref, si l’on veut « ne pas grignoter entre les repas » — ce gouvernement est décidément criminel pour les délinquants du sucre et du diabète en jouant, précisément, les pousse-au-crime ^^ [pour ne rien dire naturellement des autres crimes et forfaits dont il est responsable…] —, ou si l’on ne veut pas davantage grignoter entre le déjeuner et le dîner mais seulement biberonner, je propose que l’on se retrouve mardi au C*** L*** à partir de 15 h 30, entre 15 h 30 et 15 h 45 pour ce qui concerne le siesteur* que je suis !

A très bientôt :)

Amitiés,

Romain

[*La curiosité m’a poussé à vérifier, le terme est attesté depuis le XIXe siècle au moins : pendant que la jeunesse folâtre au badminton, les parents moins ingambes digèrent un excellent déjeuner. — (La vie parisienne, Au château - Bêtes et gens (planche illustrée), 27/11/1880, page 697) [source : Wiktionnaire].

Heureuse époque, non ?]

 

Et, dans son “blog”, je découvrirai que ce même jour Eric Chevillard a également exercé sa verve coutumière :

Hier, à la Maison de la poésie, Christophe Brault aura sans doute parcouru la treizième étape de son Marathon autofictif. Je n’y étais pas. Actuellement planqué en zone libre, je n’allais pas de mon plein gré rejoindre une capitale soumise aux strictes réglementations et à la cruelle prohibition d’un couvre-feu. J’ai soif, moi. Sur le coup de 21h, il me faut un bar à vin. Deux heures passent et, afin de varier les plaisirs, je gagne en titubant le troquet voisin. Plus tard encore, puisque la pente s’y prête, je roule jusqu’au bistrot le plus proche. Enfin, chacun se débrouille avec sa conscience, mais, pour ma part, je ne suis pas du genre à assister à un spectacle qui se joue sous l’Occupation. )

 

* * *

Le concert ne me plaît pas. Je le dis tout brutalement à Claude, qui m’a posé la question. Je mets en cause le jeu du pianiste, qui exhibe par trop sa virtuosité, au point d’en dessaisir l’âme de la musique : un jeu sec et pétaradant, pour lequel le programme, certes, a été choisi. Claude me l’avait précisé à voix basse entre deux morceaux, n’annonçant telle suite française de Bach, tel ou tel morceau. Si même il est vrai que Bach est le plus « moderne » des compositeurs « classiques », ce jeu qui vise à désosser l’instrument jusqu’à imposer la présence des petits marteaux, altère, jusqu’à l’anachronisme le plus complet, dans un exhibitionnisme d’un romantisme échevelé, la composition même, autrement subtile dans ses variations infinies et progression mathématique, de l’auteur des Variations Goldberg Bref, à mesure que le concert progresse, je suis de plus en plus irrité — et soulagé pour mes oreilles que la performance s’achève. — Cela dit, c’est un cuistre qui parle, et je le dis à Claude : je n’ai aucun avis autorisé à émettre. Car je me borne, à mon piano, à zinzinner les notes, quand elles ne s’emmêlent pas, de Il n’y a pas d’amour heureux de Brassens, une partition des plus simples et qui ne ferait valoir — si tant est que j’aie jamais envie de le faire entendre — le jeu pianistique auquel je m’essaie, sans doute très maladroitement, à prêter quelque nuance…

 

25 octobre

Je m’étais dit que je n’accepterais plus de verres que m’offrirait mon père, et voici que j’embarque tout un service, qui me plaît vraiment ! Je me demande bien combien de dizaines de verres que je possède ! (Et, si je m’irrite de tant de possessions matérielles, je dois reconnaître avoir un faible pour les verres en particulier…)

 

Soir

Comme le téléviseur (ou l’enregistreur) joue les capricieux — les images se brouillent sans que j’en comprenne la raison —, je renonce à regarder The Queen de Stephen Frears, qu’au vrai j’ai déjà vu une première fois et dont je dois avoir une copie.

 

26 octobre

J’ai mal dormi — à nouveau. Est-ce l’arrêt de la fluoxétine ?

J’ai reçu un courrier comme quoi mon dossier médical devrait passer en commission le 5 novembre : je m’inquiète un peu de l’issue de pareil examen…

La journée se passe sans que je sorte — hormis quelques bouteilles vides à charger dans la voiture.

Je fais du rangement et du repassage pendant qu’officie la femme de ménage.

Fatigué le soir, je regarde la moitié de l’Homme qui aimait les femmes, un film de Truffaut que je n’avais guère apprécié quand je l’avais vu il y a bien longtemps — et dont je goûte beaucoup plus le sel, d’autant que le discours en peut paraître décalé en ces temps de discours convenus.

1254 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas  une maladie… (14)

 

27 octobre

Matin

Après quelques courses destinées à quelques provisions — des rumeurs persistent à propos d’un nouveau confinement —, je téléphone à mon père. J’accepte quelques petits verres à liqueur en Baccarat (j’ai d’abord écrit « en Baccalauréat » !) ancien finement ocellés et ciselés.

Je lave lesdits verres et parviens à faire de la place dans le buffet. Le nombre de verres que je possède dépasse décidément mon imagination !

J’adresse à Neil un message, dans lequel il accuse réception de l’humour auquel je me suis essayé. Je ne le connais pas bien. Et sa réponse me laisse un instant songeur. Que me veut-il ? Ou plutôt : qu’attend-il de moi ?

 

Après-midi

Après une sieste qui m’a cloué une bonne heure – je me trompe encore en lisant le réveil, demeuré à l’heure d’été —, après avoir envoyé un message à Christine, je rejoins T., Marthe et Paul.

M.-C. prévient qu’elle ne viendra pas. Marthe se vexe de son message — plutôt indument, en fait — et répond : « Les vieux bougent encore ! ». Elle nous rappelle combien il a été dur pour elle d’accuser soixante-onze ans.

Dimitri travaille à une table. Il viendra nous saluer quelques temps après.

Combien de temps pourrons-nous vaquer ainsi ?

Christine m’a appelé, sans que j’entende le portable sonner.

Je lui réponds une fois chez moi. Je l’invite à déjeuner le mercredi de la semaine suivant — si tant est que ce sera possible. J’ajoute comme objet : cet espoir — dont on peut avoir la nostalgie, qui pastiche en toute conscience un propos d’Eric Chevillard.

 

Soir

Je regarde la suite du film de François Truffaut.

Puis un épisode de la série Capitaine Marleau, qui me détend (je ne cherche même pas à suivre les tenants et aboutissants de l’intrigue policière) et parvient à m’amuser, certaines allusions faisant mouche, échappant certainement à la plupart des téléspectateurs — le personnage de fine mouche (d’ailleurs) sous ses apparences des plus grossières incarné par Corinne Masiero étant sans doute le plus intéressant de la série.

Bref, je me distrais de manière bienvenue, en ce temps de tensions (pour le moins) malvenues.

 

 

 

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