1259 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas une maladie… (17)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si tant est que ce ne soit (toujours) pas

une maladie

Carnets d'un rescapé

(Journal extime)

Work in progress

 

17

Mardi 3 novembre 2020

Je réussis à configurer l’imprimante, sur le téléphone d’abord, sur la tablette ensuite.

Je lis — très peu, précisions lexicales, notes et variantes s’avérant fastidieuses —, en annotant parfois, le Château ; j’écris — ainsi j’ai publié aujourd’hui le n-ième numéro des “carnets d’un confiné” ; je fais du piano — toujours avec des trébuchements dans les doigts ; j’écoute — parfois — de la musique.

Pour ne pas demeurer dans le périmètre du kilomètre alloué au promeneur lors de ses « déplacements dérogatoires », je coche la case « déplacements pour […] achats de première nécessité » en songeant que j’allèguerai la bonne mort de mon imprimante en vue de justifier un trajet au-delà de l’orbe permise. Bon nombre de quidams doivent en user d’une même manière puisque, malgré la rareté des commerces ouverts, tandis que j’arpente les rues, les passants s’avèrent plutôt nombreux.

J’en profite pour déposer un courrier dans une agence immobilière, pour prospecter et voir quels magasins sont ouverts — ainsi le Monoprix ne se contente pas de proposer des denrées alimentaires, le rayon vestimentaire étant ouvert (différence notable avec le précédent confinement).

Au retour, voulant varier mon itinéraire, je me trompe de ruelle. Surpris d’un premier coude, puis d’un second, je ne comprends pas d’emblée mon erreur. La déroute est, au propre comme au figuré, extravagante (là aussi, dans le double sens du terme), et je m’émerveille de l’incident.

Chez l’orthophoniste. Elle me propose dix mots autour desquels bâtir un récit. Je mets moins de cinq minutes à proposer une narration.

 

Je finis de regarder — après l’avoir fractionné — le film d’Otto Preminger, Autopsie d’un meurtre, dont nous avions parlé avec Paul. Je me dis que James Stewart, ce grand corps assez raide (« souple comme un verre de lampe », aurait dit ma grand-mère), acteur plutôt inexpressif, bénéficie tout de même d’une filmographie très cohérente, depuis Mr. Smith au Sénat, jusqu’au père de famille de l’Homme qui en savait trop. Ben Gazzara, jeune et brun, est assez beau.

1259 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas  une maladie… (17)

Le traitement réservé à la femme, aussi ambigu que l’est le personnage féminin, échappe in extremis à une misogynie d’époque.

1259 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas  une maladie… (17)

Et la pirouette de la fin m’a bien amusé.

 

Nuit du 3 au 4 novembre

Entre deux réveils et ruminations insomnieuses, je m’aperçois que, si je remplace l’initiale R par celle du véritable prénom de R., j’obtiens en anglais soit une épithète affectueuse (used affectionately), soit une qualification prise en mauvaise part (reprobate). L’inconscient a dû jouer à ce sujet !

 

Mercredi 4

Matin

Je m’arrête un instant sur une phrase de Kafka [que je n’ai pas retrouvée entre-temps, mais dont on peut saisir l’esprit], qui me paraît très juste : Cependant, on peut être un paon roué qui entend bien ne pas faire la roue !

Adrien a envoyé sur une liste de distribution l’annonce de la parution d’un ouvrage qui doit être le condensé de sa thèse de doctorat.

J’écris à Flore.

 

Après-midi [?]

Je traite la plante de J.-M. pour la seconde fois ; mon père m’aide à la transporter.

Nous rendons visite à ma mère. Je rentre à pied.

J’appelle M., et, en son absence, laisse un message sur son répondeur.

Je téléphone à la coiffeuse à domicile, qui, absente, me rappelle bientôt. Elle viendra vendredi de retour de courses, ce qui lui fournira un alibi !

 

Jeudi 5

Les appels téléphoniques des uns et des autres sont beaucoup plus espacés que lors du premier confinement.

Les messages concernant les précautions sanitaires à prendre, ou la grève en cours, ou le droit de retrait (j’en entends parler à la radio aux informations de mi-journée), en revanche, affluent.

Je téléphone à T., qui propose de nous voir le lendemain. Nous parlons surtout de cela. Son travail l’occupe et a sa raison d’être en présence d’un public plutôt demandeur (ce qui est particulièrement réjouissant) — avant que les établissements scolaires ne ferment peut-être.

M. m’envoie un message : elle n’est pas libre pour le moment, mais propose de faire une promenade au cours de la semaine prochaine.

Je fais ma propre promenade du jour en arguant cette fois d’un « achat de première nécessité ». De fait, j’achète un réveil électrique, rendu désormais nécessaire puisque j’alterne, selon les nuisances sonores de l’une ou l’autre voisine et de leur compagnon, entre deux lits de fortune !

 

6 novembre

Matin

Occupé à des riens. Qui prennent un temps considérable.

M.-C. appelle en fin de matinée. Elle prend la voiture pour se promener en extérieur en forêt, mais ne veut pas encore s’aventurer en ville.

 

Après-midi

La coiffeuse s’avère sympathique, mais bavarde (elle laisse à regretter mon ancien coiffeur, J., victime de la liquidation judiciaire de son employeur, et qui doit avoir atteint l’âge légal — ou peut s’en faut — de la retraite). Elle aurait aimé, confie-t-elle, être professeur de français, mais en aurait été empêchée par une enseignante (de français, précisément !) qui l’aurait ramenée à sa condition de fille d’ouvriers. Elle ne me demande que 16 €, et je lui donne un billet de 20.

 

Promenade avec T. Il fait beau, mais il fait froid. Nous nous mettons d’accord sur les modalités pour nous voir, Marthe, Paul, lui et moi. Le différend de la copropriété avec le syndic de son immeuble — qui dure depuis près de deux années — semble devoir se régler bientôt. Nous arpentons le cours L***, tout en faisant deux haltes sur un banc. Il me raccompagne. Il est tout de même frustrant de ne se voir que quelque quarante minutes. Une prochaine fois, je prendrai deux attestations.

J’ai pensé à la chanson le 6 Novembre, sans l’écouter.

 

7 novembre

Matin

Je suis bien lassé de consigner ces jours malheureux.

T. a envoyé un courriel pour annuler notre rendez-vous.

Je téléphone à mon père pour savoir comment se présente l’agenda des visites à la maison de soins : seules deux rendez-vous lui ont été accordés. Je m’arrange avec ma sœur pour partager l’une et l’autre visite.

Naturellement, Paul, me dit Marthe à qui je téléphone ensuite, escomptait que je les verrais malgré l’absence de T., et je lui fais part de la situation.

 

Après-midi

Pas de sieste possible, la visite à ma mère étant prévue à 14 heures.

Nous trouvons ma mère plutôt détendue, plutôt souriante. Les trente minutes sont chichement comptées, et il n’est plus loisible de la faire marcher dans les couloirs. Mon père réussit à la persuader de ne pas se recoucher et d’aller rejoindre les autres commensaux pour goûter avec eux par la suite.

Je rentre à pied sous un ciel ensoleillé : la journée est douce pour un début novembre.

T. a tenté de me joindre. Je le rappelle. Nous conversons quelque cinq minutes autour de sujets qui nous agitent sur le moment (notre prochain rendez-vous, les visites en EHPAD — lui-même doit aller visiter sa propre mère —, les bouleversements qui risquent de se produire lors des semaines à venir…). Elvire, la veille, qui s’était dite « désobéissante » dans un message adressé aux élus et sympathisants de la liste électorale, m’a beaucoup amusé. Elle ne semble guère apprécier A. M. !

J’écoute la radio. C’est la fin du « suspense ». Joe Biden a été élu. On n’ose imaginer ce que huit années de présidence de Trump auraient fait à la démocratie américaine. Pour le reste…

 

 

 

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