1298 - Si bien que… (5)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si bien que… ?

 

(Journal extime)

Work in progress

 

5

 

27 avril 2021

 

[Ajout du 10 février 2022 : à relire et transcrire ce que j’ai écrit ce jour-là, je ne suis pas d'être toujours en mesure d’en comprendre toute la signification, tant l’écriture en est contournée, déviée, en raison sans doute du désarroi ou de l’impuissance auxquels nous étions voués…]

1298 - Si bien que… (5)

 

Matin

Quand je rentre du cours de Simone, je trouve un message téléphonique de mon père, qui me demande de le rappeler. Il devait voir le médecin à la tête de l’unité de soins ; or, je ne doute pas qu’il s’agisse de cela.

Son téléphone est occupé. Puis mon portable sonne. Mon père m’explique qu’il était en communication avec ma sœur ; il m’expose en quelques mots la conversation qu’il a eue avec le médecin la veille : il voudrait que nous nous réunissions ma sœur, lui et moi. Il passera chez moi vers 11 heures.

 

Depuis quelques temps, ma mère ne s’alimente plus, ne boit que très peu — sauf à lui présenter un gobelet en plastique pourvu d’un dispositif permettant d’aspirer des liquides.

La veille, sollicitée par mon père afin de faire le point sur l’état de santé de ma mère, le médecin lui a rappelé les dispositions prises, alors qu’elle était en pleine capacité de ses moyens, par ma mère elle-même, spécifiant le refus de tout acharnement thérapeutique en fin de vie. Une sonde gastrique — nasale et permanente —, selon le médecin, reviendrait à prolonger artificiellement une vie abouchée à très peu d’activité cérébrale. Cette dernière serait insuffisante pour éprouver, quoi qu’il en soit, les besoins vitaux consistant à boire et se nourrir, précise ma sœur, tandis que nous échangeons au sujet de la façon dont ma mère refuse, véhémentement, toute absorption d’aliment.

 

Le médecin a donc rappelé avec netteté les termes mêmes du protocole passé par ma mère — protocole auquel ont souscrit tout aussi bien mon père et ma sœur, selon des dispositions identiques. Mon père me rappelle — ce que j’avais d’ailleurs complètement oublié — que, en cas d’incapacité de la personne à décider de quoi que soit, je serais le mandataire de toute décision, du fait, explique-t-il, qu’il envisageait alors que je serais suffisamment valide pour être le porte-parole de ma mère, ou le sien…

 

Si je pouvais tout à fait imaginer les circuits de pensée de mon père, je n’étais pas certain de cerner ceux qui seraient ceux de ma sœur. Je m’aperçois assez vite qu’elle a déjà prévenu d’ores et déjà sa propre vision de la situation — laquelle coïncide pour une large part avec la mienne.

Je ne m’étonne pas davantage d’ailleurs d’entendre mon père dire que, en l’occurrence, ne plus nourrir artificiellement ma mère, ce serait la condamner à sa propre mort : j’ai moi-même suivi cette pente de réflexion durant l’intervalle nous séparant de l’appel au téléphone et leur visite, pour finalement repousser pareille proposition. Et je réponds que ce serait, plutôt que la lui donner l’accompagner dans la mort — celle qu’elle auparavant décidée, en toute lucidité.

 

Nous nous accordons, chacun à sa façon, chacun selon ses termes, sur le choix qui doit être le nôtre.

Mon père argue que, sans doute, l’opinion des enfants devrait l’emporter sur celle de l’époux, en raison d’un lien moins circonstanciel — que… le lien du sang ?… — je ne suis pas sûr de suivre jusqu’au bout son raisonnement…

Et c’est à l’unisson que ma sœur et moi protestons, peut-être parce que nous avons entendu à diverses reprises — non pas en présence de notre père, mais face à des tiers —, que l’occasion s’offrirait à notre mère de choisir entre ses enfants et son mari, c’est ce dernier qui aurait sa préférence. En vérité, pareil choix, cornélien, tout théorique, ne se poserait heureusement pas à quiconque, sauf circonstance rarissime, historique ou romanesque.

D’ailleurs, argué-je à mon tour, pourquoi l’amour d’une mère serait-il prépondérant, pourquoi devrait-il l’emporter sur toute autre dilection ?

 

Mais nous savons bien que toutes ces ratiocinations ne servent de rien — ne laissant que nos têtes s’embrumer. L’important demeure, avant tout et en dernier ressort, ce qu’avait pu décider initialement ma mère…

 

Après-midi

Le médecin était dans sa chambre au moment où mon père a rendu visite à ma mère. Contrairement à la veille, celle-ci allait bien : elle se montrait toute souriante envers cette intermédiaire, comme si, face à elle, le médecin était déjà quelque ange psychopompe…

Mon père fait état de notre point de vue, qu’il présente comme unanime, à faire valoir les décisions antérieures prises par ma mère lorsqu’elle est au mieux de ses capacités mentales.

 

[Si ce qui tout ce qui précède peut sembler peut-être obscur, la suite de mes notes est moins claire encore. Je la livre néanmoins dans tout son hermétisme :] Il me parle d’un une [ajouté : en]couragement [également ajouté :][,] commun lui aussi[,] que nous allons devoir moi nous [ ] [une amorce de mot illisible et biffé] c’est moi qui établis le lien [—] [une autre amorce de mot illisible et biffé] donner [sans doute : mutuellement]. J’espère de tout moi me montrer à la hauteur.]

* * *

Soir

J’adresse un bref message à Duncan pour son anniversaire.

Je lui parle de ses trente ans, évoquant les dix années que nous nous connaissons, les presque vingt ans que j’ai cueillis près de lui, furtivement, fugitivement — encore procéde-je par allusion. Je n’ose d'ailleurs ajouter que ces trois dernières années, nous nous sommes bien peu vus, afin de ne pas faire sonner comme un reproche pareille considération (j’en écarte donc la pensée : des disproportions, à l’évidence, existent entre lui et moi, impossibles à évaluer cependant… comment les peser sans ajouter du poids, inutile, lors de cette pesée ?).

 

Mercredi 12 mai

Anniversaire de N***, cette fois (Duncan n’a pas répondu). [Ajout du 12 février 2022 : En fait, je ne me rendrai compte qu’ensuite que j’ai recouru à une ancienne adresse — et que mon message n’a pas dû lui parvenir.]

J’écris un courriel, bref. Les phrases sont “à l’os”. Je songe que je devrais procéder plus souvent ainsi…

 

 

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