1352 - Si bien que… ? (19)
Si bien que… ?
(Journal extime)
Work in progress
19
17 juillet 2021
Matin
Ma sœur m’appelle pour me dire qu’elle m’a trouvé un rendez-vous pour une vaccination durant le week-end… Puisque, si je veux voir ma mère dans l’unité de soins où elle se trouve, je devrai être “vacciné”, j’avais entrepris déjà la même démarche. Cependant, cette intrusion dans mes affaires — et même si elle peut être considérée comme faisant de plein droit partie des affaires familiales, en l’occurrence — m’agace prodigieusement…
Après-midi
Conversation sans grand intérêt que Paul mène sur des sujets rebattus, la relançant par des questions mainte fois posées à ses interlocuteurs. Et de se lancer aussi dans des histoires « drôles » — dont n’est pas toujours évidente la drôlerie ! Marthe, elle, paraît déprimée. Je ne peux m’empêcher de penser qu’elle l’est depuis quelque temps… Elle ne prend pas toujours intérêt à ce qui se dit… Et Dimitri joue les indifférents… Il ne me salue que parce qu’il a été réduit à cette extrémité, et c’est presque d’une impolitesse patente…
Nous rentrons ensemble, T. et moi, et nous convenons d’aller au restaurant dans le cours de la semaine suivante.
Je me prends à songer que nous ne nous disons des choses substantielles que quand nous sommes tous les deux — et que Marthe et Paul, en l’occurrence, s’avèrent — comme on dit — en dehors du coup…
18 juillet
Matin, Centre de vaccination
En attendant leur tour, les gens s’épanchent. Tous ont le sentiment d’avoir été pris au piège. Tous hésitent entre fatalisme et indignation, partageant une sorte de solidarité dans la file en colimaçon dans laquelle ils attendent leur tour… Tous, pour une raison quelconque, qu’ils énoncent souvent, sont en situation de rattrapage et font l’aveu de n’avoir pas eu le choix… Aussi se font-ils et se trouvent-ils une raison à leur présence, mais l’on sent bien que ce n’est pas de gaîté de cœur…
Une vidéo en boucle donne des instructions. Naturellement, le document que j’avais imprimé et consciencieusement complété en vue du rendez-vous n’est pas accepté par mon interlocutrice : il me faut en remplir un autre…
Je sens à peine la piqûre. Il faut encore patienter quinze minutes et faire à nouveau la queue pour se voir délivrer le sésame… pour la suite des opérations — et ce, sans possibilité de prendre rendez-vous pour celle-ci…
Après-midi
J’ai invité mon père à déjeuner. Nous devisons à propos de la situation sanitaire. Nul triomphalisme de sa part. Il se montre d’ailleurs très critique quant à sa gestion de la part du gouvernement. Sans doute évite-t-il — cependant — les sujets qui fâchent…
Il me dit que ma mère était au plus mal la veille. Il a pris rendez-vous pour une opération du dos fin septembre. Dans l’intervalle, ajoute-t-il, ma mère aura disparu, sous-entendant que, dorénavant, sa mort serait imminente…
La voisine en partance l’inquiète.
Précisément, le compagnon de ma propre locataire m’appelle. Je me serais trompé d’heure de rendez-vous. Il chauffe déjà devant l’immeuble. Quand je tends les deux cents euros en dédommagement de la gêne occasionnée par l’effondrement partiel du parquet d’une des trois pièces à la locataire, on sent la rapacité du monsieur, à peine poli. Elle, se montre beaucoup plus agréable et me remercie.
Je prends une bière seul à la terrasse du C*****, isolé qui plus est par la musique du casque. Il fait beau, pas encore trop chaud. Je m’abandonne donc volontiers dans les bras de pareille parenthèse.
En revanche, l’envie prend de me saouler après ma défaite du matin. — C’est le moins que je pourrais afin de battre pavillon défait ¡
Comment faire — me demandé-je in petto — pour être heureux comme un petit enfant candide (celui que je n’ai jamais été !) ?
* * *
Je fais de nouveaux clichés de la statuette brisée trois jours auparavant. — Dors, Bouddha, dors ! Dors ton sommeil cassé, dors de ton cou coupé, dors, et que ton sommeil te préserve toutes les avanies de ton cou secoué !