1362 - Dieppe, Dieppe, Dieppe… hourrah ! (4)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Dieppe,  Dieppe,  Dieppe…

hourrah !

Journal extime

(2 – 8 août 2021)

work in progress

4

 

4 août 2021

Soirée

[cf. carnet]

[A partir de ce point, mes notes s’avèrent extrêmement lapidaires. Je n’ai pas retrouvé le carnet dont il est question, ce que je ne m’explique pas. S’il a jamais existé, qu’est-il devenu ?

Je pallierai son absence par des souvenirs vraisemblables. La formulation est évidemment ironique et paradoxale : si je n’ai jamais menti, triché ou composé avec la “réalité” de ce journal extime — si ce n’est avec la matière littéraire, avec la “littéralisation” —, si je me suis contenté de ce que je me rappelais avec une exactitude sourcilleuse, m’abstenant de toute considération pour le moins hasardeuse, ou, sinon, signalant au lecteur de possibles approximations ou erreurs, je n’ai pour solution désormais, en relatant les jours qui ont couru jusqu’au 8 août, que de broder, c’est-à-dire m’autoriser à fictionaliser — dirait-on aujourd’hui —, de débrider un peu le propos, pour dire, par d’autres biais, et me lancer dans quelques excursions de mon imagination…

J’indiquerai — ou signalerai — toutefois préalablement (en bistre) les éléments sommaires d’où je suis parti.]

*  *  *

Avec M.-C.

Il était singulier d’attendre M.-C. dans son propre appartement. C’était un peu comme si, ce faisant, je volais son rôle à la propriétaire des lieux, plus encore à (aurait-on dit autrefois) la maîtresse de maison en préparant à dîner ce soir-là. (Pareille formulation correspond si peu à M.-C. — non qu’elle ne sache cuisiner ni recevoir, loin s’en faut… — que je ne peux m’empêcher d’en sourire et sais que si, par-delà mon épaule, elle surprenait mon propos, elle s’étonnerait et en sourirait tout autant…)

Peut-être ai-je fait une salade composée ; sans doute, un plat préparé (mettant en échec, ce soir-là du moins, toute prétention à cuisiner) à confier au dernier moment au four à micro-ondes ; peut-être ai-je prévu des fruits…

La cuisine est toute petite. Elle nécessite de dresser le couvert sur la table ronde [?] de la salle à manger. Je cherche assiettes et verres en ouvrant les vantaux du buffet — rustique mais assez élégant — dressé contre le mur du fond, puise dans un des deux [?] tiroirs fourchettes, couteaux, cuillers, que je dispose autour des assiettes, attentif à leur symétrie (les fleurs — si toutefois le décor des assiettes était floral — en en-haut et les tiges en en-bas, aurait recommandé en pareille occasion ma mère — elle, en parfaite maîtresse de maison et en véritable cordon bleu qu’elle était, avant que la maladie emporte avec elle ses recettes de cuisinière hors pair). Comme je dois aller et venir, j’occuperai une chaise qui tourne le dos à la fenêtre (me privant d’une belle échappée sur les jardins et les villas voisins). M.-C., les jours suivants, me ravira l’endroit, reprenant proprement et figurément ses droits et position.

Puisque entamée, je ne résiste pas à l’idée de dessiner plus précisément la cartographie des lieux :

De part et d’autre de la fenêtre, une desserte et, sur un mur en biais, une cheminée. Sur la desserte, un lecteur de CD-radio, dont je rechercherai les différentes stations de radio afin d’écouter France Culture (comme je fais à Paris chez F. et Pascal). Sur le marbre de la cheminée, un tableautin du format d’une carte postale, qui me paraît immédiatement familier — sans que ma mémoire, en bonne garce volage, trouve (hors la scène mythologique bachique) ce qu’il m’évoque précisément…

1362 - Dieppe,  Dieppe,  Dieppe…  hourrah ! (4)

J’ai déjà investi la pièce attenante, le salon, dans lequel j’ai déplié, non sans mal, le matelas du canapé-lit, m’en suis rendu le propriétaire-occupant temporaire, ce qui, au vrai, était entendu avec M.-C. C’est dans ce salon que M.-C. s’isolera assez souvent par la suite pour regarder les chaînes d’information continue, dont elle se montrera invariablement friande — et que je n’aurai aucune envie de regarder pour ma part, ces boucles d’images et de discours me décourageant d’y comprendre rien. (Si j’avais un carnet où je prenais des notes à propos des jours qui vinrent ensuite, il est probable que j’y recourusse (¡) alors, jetant quelques linéaments sur le papier, afin d’ourler mieux quelque notation du moment, fourmi que je suis toujours en pareille circonstance, attaché à rassembler des brindilles en vue d’un improbable édifice…)

Le soir, après avoir dîné et devisé sur je ne sais plus quels sujets, toujours est-il que je me couchais avant M.-C. Peut-être lisais-je quelques pages d’un livre emporté avec moi (j’en avais disposé deux ou trois, dont un ou deux guides régionaux, sur le manteau de l’autre cheminée, celle du salon) ; peut-être poursuivais-je le volume d’Hervé Guibert entamé quelques temps auparavant. M.-C., elle, se repliait dans sa chambre — la plus petite des trois pièces, à droite du U couché que dessine nettement encore dans mon esprit l’appartement — pour consulter sur son ordinateur portable des sites “alternatifs” qui lui fournissaient des informations sur la progression et la gestion, ici et ailleurs, de l’épidémie. Je m’endormais bien avant qu’elle ait éteint la lumière.

Le lendemain, je me levais donc avant elle. Je déjeunais et prenais une douche, attentif désormais à ne pas glisser dans la baignoire bleu de France [?] — nuance de couleur, en vogue quelque quarante ou cinquante ans auparavant, que M.-C. n’aime guère —, à ne pas me recevoir mal, puisque, le lendemain de mon arrivée, en chutant de ma demi-hauteur, je m’étais (vraisemblablement) fêlé une côte.

Autre incident domestique de mon séjour : le rideau suspendu à un filin d’acier que M.-C. avait fait installer par des ouvriers afin de pouvoir dissimuler des rayonnages, quand je l’ai fait jouer pour dissimuler ma valise ouverte [?] et le linge sale dans un sac poubelle qui le recueillait, un des deux pitons soutenant le rideau s’est détaché du mur, à mon grand dam évidemment, laissant à terre un assez gros morceau du plâtre…

* * *

Ce soir-là, M.-C. étant arrivée vers 20 heures, nous dînons agréablement, tout en commentant les lieux que j’ai visités — choisis parce qu’elle-même les connaissait déjà, à l’exception du musée Jacques-Emile Blanche —, et prévoyons ceux dans lesquels nous comptons nous rendre le lendemain.

 

 

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