1373 - Lettre à J.-M., septembre-octobre 1989 (2)
in memoriam J.-M.
Mardi 26 septembre 1989
Rien ne va plus…
S’est entêté — peut-être ? — et l’a eu, en amateur de bizarre, son appartement, 30 rue de la P*****.
Dès le premier jour, dès le premier coup de balai, a bien dû s’apercevoir de la saleté immonde du lieu : il y avait bien eu cinq ans qu’on n’avait pas donné un coup de balai !… Nettoyer (grossièrement) et débarrasser (hâtivement) un placard de ses saloperies a bien dû prendre prendre une heure…
A découvert d’autres réalités : plancher vermoulu, plâtre qui s’effondre… C’était l’heure du premier découragement. Profond. Et réaliste. Mais, comme on dit, tout était consommé.
* * *
J.-P. était dans l’avion qui a explosé et s’est écrasé dans un désert africain… Je n’en aurais peut-être rien su que beaucoup plus tard si ma sœur et ma mère ne s’intéressaient à ce genre de catastrophe.
J’ai d’abord refusé de le croire. Toujours ce refus de la mort des autres. Il a fallu à se rendre à l’évidence : L’Est Républicain affichait, grand format, la photo d’un K. qui n’était pas un homonyme. Ma mère a dit: « Comme il a l’air vivant. On dirait qu’il va se mettre à se parler… » Je l’aurais giflée.
Non, il ne va se mettre à parler. Ça y est, encore une histoire muette, et muette, mon, notre adolescence, avec le regret que, depuis qu’il était à Paris, nous ne nous voyions qu’épisodiquement…
— Que dire de la vanité de pareil regret !