1366 - [Sans titre encore]
16 juillet 2022
Pour “Christine” (qui saura[it] pourquoi)
La couverture d’un hebdomadaire commémore les quarante années de la disparition de Patrick Dewaere.
Et c’est d’autant, ou peu s’en faut, que ma mémoire recule.
Jeune licencié, j’effectuais alors mon premier remplacement dans un collège non loin de M*** en tant que professeur auxiliaire — première expérience déterminante en ce qu’elle comportait d’extrêmes qui ont fait mon instruction.
En effet, entre autres niveaux (que je ne me rappelle pas tous), j’avais en charge des élèves de sixième proprement invivables, mais aussi des élèves de troisième que j’arrivais à tenir, voire intéresser, sans avoir jamais reçu — il en allait ainsi de ces « maîtres auxiliaires », comme il en va actuellement des contractuels de l’Education Nationale — la moindre formation pourtant.
Parmi ces élèves, l’un avait particulièrement brillé en me rendant un « devoir fait à la maison » ayant trait à la mort du comédien, qui s’était suicidé quelques mois auparavant.
Cette « rédaction » en forme d’hommage nécrologique était d’autant plus réussi qu’il n’était pas vrai que le devoir fût de la main de l’élève en question… Je m’en aperçus un peu (guère !) plus tard en parcourant l’article d’une revue de cinéma, dont il était démarqué. (Lu à travers ce prisme, l’article du journaliste, à immédiate relecture, était médiocre, plein d'effets faciles ; venu d’un adolescent de quatorze ou quinze ans, il aurait vraiment été d’une plume prometteuse — et c’était là la naïveté dont, sur le moment, j’avais été la victime plutôt cruche. Reste que le choix du comédien ne relevait pas d’un manque de discernement de la part de cet adolescent, dont je me rappelle les interventions en cours pertinentes, tandis que j’ai tout lieu de croire qu’il avait été sincèrement touché de la disparition de l’acteur…)
* * *
J’ai donc fait rapidement mes classes. Et en peu de temps beaucoup appris. Que des enfants de onze-douze ans sont capables de se comporter tels des félins jouant avec leur proie dans l’arène de leur cruauté. Et même que des adolescents intéressants, peuvent, hélas, se montrer sujets à toutes sortes d’aussi « innocentes » tricheries ¡
Bref, je n’étais pas au bout de mes peines, illusions, désillusions, remises en question… et même — faut-il ajouter ? — rares joies d’enseigner !
François Leccia et Patrick Dewaere lors des répétitions de la pièce L'Embroc au théâtre des Mathurins le 23 septembre 1963