1425 - Si bien que… ? (37)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si bien que… ?

(Journal extime)

Work in progress

 

37

 

23 mars 2022

C’est la deuxième fois que nous nous aventurons dans l’appartement de Paul et Marthe, pour tâcher d'en évacuer un tant soit peu les affaires dans la perspective d'un futur déménagement. Cette fois, M.-C. — et c’est heureux — nous incite (Paul est sa cible plus particulière !) à l’efficacité. Thierry, le frère de Paul, T., qui a déjeuné avec Paul (me dira-t-il plus tard), la sœur de Paul, Reine, sont sur place. Le matin, un vendeur est passé dans l’appartement, qui, après avoir emporté un certain nombre de DVD, a laissé un chèque de 1100 euros. De fait, le bureau s’est quelque peu vidé. Ses allures de champ de bataille ravagé s’en trouvent accentuées.

 Je constitue une première caisse d’ouvrages de philosophie à destination d’étudiants, puis une deuxième de livres de littérature, enfin, une troisième de romans policiers. La crasse accumulée depuis des lustres (cinq ou six ?) nous colle aux doigts. Nous nous croisons régulièrement les uns et les autres dans les toilettes afin de nous laver les mains. Je réclame un chiffon.

T. m’incite à prendre des DVD. Je me suis interdit de prendre des livres, afin de ne pas étendre ma bibliothèque, suffisamment longue de tous les volumes accumulés au fil des années, malgré mes propositions de Paul. Je m’aventure dans les centaines de titres. Ma stupeur est grande de m’apercevoir qu’un certain nombre d’eux n’ont pas été déballés. Certains sont en double. Ainsi — ce qui ôte un scrupule — je prélève Tom à la ferme. Il y a aussi en quantité des DVD d’opéras, eux aussi intacts dans leur emballage. Comme Paul est amateur, contrairement à moi, je les regroupe avant que d’autres acheteurs prévus dans les prochains jours ne s’en emparent. Je m’accapare toutefois Billy Budd, sous la baguette de Ivor Bolton (un inconnu pour moi), opéra dont je ne connais — et apprécie — que les « interludes marins ».

1425 - Si bien que… ? (37)

Je prélève un coffret d’enregistrements de films de Jacques Rivette (les dernières réalisations), un autre de spectacles de Pierre Desproges. J'emporte quelques films que je n’aie pu voir depuis longtemps — la Vie passionnée de Van Gogh, Accident, l’Ami américain —, quelques autres encore, mais je tâche de n'en prélever que très peu, malgré mon envie d’en distraire bien davantage. Paul me donne — que je n’ose refuser — trois CD de de Shostakovich (des chansons et des musiques de film, qui m’intéressent moins a priori que la musique de chambre du compositeur, spécialement les quatuors à cordes, que je viens toutefois de le procurer à Paris). 

Au fil des rayonnages de pièces que je parcours (le bureau, une autre pièce, un couloir assez long), force est de conclure à des achats compulsifs : se trouvent là des dizaines de milliers de CD, de DVD — les derniers achetés, jamais regardés — et de livres, dont les plus récents, entassés au-dessus de la bibliothèque et en piles sur le bureau large comme une table de tapissier, la plupart sous cellophane,n’ont pas de toute évidence été lus.

 Paul prétend que, ces dernières années, Marthe, accaparée tous les soirs par de longs téléphonages avec sa sœur dépressive, n’avait plus le temps de regarder des films, ni de lire ; mais pourquoi alors continuer à acheter encore et encore ? 

Paul me dira que tel est aussi le cas de chaussures, de jeans et de vêtements divers commandés par Internet, que Marthe n’avait jamais portés — elle à qui, de fait, nous voyons au quotidien le même corsage imprimé dont j'ai déjà parlé…

*  *  *

 Nous prenons un verre ensuite, T. et moi. Il me jette comme en passant que sa mère est morte, sans autre précision, sinon que le message que j’avais reçu jeudi concernant le vin qui conviendrait avec une raclette, auquel j’avais répondu très laconiquement, concernait le repas familial qui a suivi l’enterrement. Comme je vois qu’il est bouleversé, je ne demande pas davantage de détails .

*  *  *

Rentré chez moi, j’envoie un message à M., dont c’est l’anniversaire.

Je regarde le début de l’opéra de Britten. Ce détail : Billy Budd est affligé d’un bégaiement.

 

La journée m’a laminé, et je me couche sans lire.

 

 

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