1438 - Si bien que… ? (40)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si bien que… ?

(Journal extime)

Work in progress

 

40

 

25 mai 2022

J’en suis surpris — heureusement surpris, dirais-je —, mais je suis content retrouver Paul sur son habituelle terrasse. Quand j’arrive, il est déjà installé.

Auparavant, j’étais allé dans un magasin d’optique pour choisir et commander de nouvelles lunettes. Le logiciel qui gère les commandes et la facturation étaient en panne.

Je demande toutefois à précommander en quelque sorte. Je désigne la paire que j’ai préalablement (et essayée) le jour où j’avais fait réparer mes lunettes solaires juste avant de partir à Paris et en Espagne. Mon interlocuteur me dit que les verres, trop petits pour la surface qu’ils occupent, ne seront pas adaptés pour des verres progressifs.

J’opte donc pour une autre monture. Il me dit, cette fois, que le modèle que j’ai choisi est un « modèle pour femmes ». Je montre un instant de surprise — et lui demande ensuite s’il trouve cela « féminin » sur moi. Il convient que non. D’ailleurs qu’est-ce cela peut bien vouloir dire ?

Pour la paire de lunettes solaires “offertes” en supplément, après que mes mains se sont portées sur une paire qui ressemble à celle que je possède déjà, il me propose une monture plus ronde, que je trouve à la fois plus légère et plus seyante. J’approuve donc.

Reste qu’est impossible toute commande. Mon interlocuteur, en outre, ne peut me donner une idée de prix. Aussi me demande-t-il mon numéro de portable afin de me prévenir de la fin de la panne informatique. Il me semble alors qu’il appuie légèrement — avec un arrêt dans sa phrase : « Pourriez-vous me donner/ [un temps] votre numéro de téléphone // [pause une plus longue] pour que je puisse, etc. » Comme je lui demande s’il lui est possible plutôt d’envoyer un SMS — je ne décroche, en effet, pas quand appellent des numéros non répertoriés —, à moins que ce ne soit plus contraignant pour lui, il me répond que serait plus facile d’envoyer un courriel, qu’il grouperait avec d’autres adresses. Et c’est à nouveau de façon appuyée qu’au moment de prendre congé il me remercie de ma gentillesse. (Je le regarde à la dérobée. Il doit avoir une trentaine d’années. Il ne me plaît pas vraiment. Sans être disgracieux, il porte des lunettes et est un peu gras. Sans doute tout cela n’est-il que l’effet de mon imagination. Sans doute aussi cette amabilité n’est-elle due qu’aux ressorts d’une transaction commerciale…)

Je retrouve donc Paul. Il se plaint beaucoup dans un premier temps : le notaire a prétendu qu’il devait s’acquitter des frais d’obsèques pour l'enterrement de Marthe ; Alice, sa sœur, contactée par la propre sœur de Paul, a refusé de téléphoner à son père et de jouer les intermédiaires… Il a retrouvé la clé du coffre-fort loué par Marthe, qui lui avait donc bien été confiée — étrange idée de la part de Marthe, à moins qu’elle ne se fît pas confiance pour la retrouver de son côté, car quel usage aurait-il pu en avoir ?… Les chattes, qu’il a réussi à placer, prétend-il, lui manquent… Le chien serait dans un état bizarre depuis qu’elles sont parties. Etc., etc. (Encore répète-t-il quelquefois de mêmes choses…)

Etrangement, la conversation prend un autre tour par la suite. Il m’interroge sur mon séjour en Espagne et à Paris. Et — peut-être cela le distrait-il de ses obsessions du moment —, il intervient souvent et relance le propos en m’adressant certaines questions.

Comme il m’a demandé si je pourrais essayer de redémarrer l’ordinateur de Marthe, je propose de l’accompagner jusque chez lui.

Sur le chemin, il me montre l’immeuble dans lequel il doit déménager (il n’a pas encore arrêté de date à ce sujet).

Sur place, je constate que bien des choses sont restées en l’état. Les milliers de livres, en dépit des passages des bouquinistes, paraissent tout aussi pléthoriques. Des rayonnages, il est vrai, ont disparu, près des W.-C. et dans les couloirs. Cependant, de doubles rangées de volumes subsistent dans ce qui naguère était le bureau de Marthe.

Et l’odeur d’urine des chats persiste…

J’examine bientôt l’ordinateur et la connectique dont Paul dispose. Il manque apparemment un cordon d’alimentation qui irait du chargeur probable de l’ordinateur à l’appareil même. Je suis certain que celui-ci existait auparavant, puisque je l’avais branché sur le secteur pour montrer à Paul dans les grandes lignes son fonctionnement.

Je reçois un appel téléphonique de ma sœur : sa voiture est tombée en panne dans la proche banlieue.

Je hâte donc mon départ. Dans ma précipitation, je ne vois pas le chien. Je lui ai marché dessus, sans pouvoir déterminer précisément où. Il me mord. Le pincement des crocs n’est pas anodin. Cependant, il ne m’a pas mordu jusqu’au sang. A titre de précaution, Paul me tend bientôt néanmoins un pulvérisateur d’un produit antiseptique.

 Je vais chercher ma sœur et mon père. Mon père, ensuite, nous offre l’apéritif.

J’ai reçu le matin un message du Rectorat me demandant de produire un nouveau certificat médical en vue d’une invalidité après épuisement de mes droits à un congé de longue durée. J’ai écrit à mon médecin, que j’avais vue l’avant-veille. Coïncidence : deux années jour pour jour se sont écoulées depuis que j’ai été victime d’une attaque cérébrale.

Nous parlons de cela. Je retrace brièvement aussi mon séjour, en faisant l’économie surtout de mes visites d’églises et de musées.

Comme ma sœur insiste, je désinfecte à nouveau à l’alcool la partie de mon mollet que le chien a meurtrie. 

 

L’adaptation pour la télévision par Ken Russell de l’Amant de Lady Chatterley (prélevée dans la vidéothèque de Marthe) que je regarde le soir après avoir dîné est en anglais, sans sous-titre. Je m’y colle néanmoins. La lecture que je refais en ce moment du roman m’y aide. (En outre, je me souvenais assez précisément du détail du récit, bien que lu plus de quarante ans auparavant.) Mais, tout cela réclamant une forte attention, j’abandonne mon visionnage à la fin de la première partie, au quart du film environ.

© Internet

© Internet

 

28 mai

Je reçois le devis de l’opticien après que la panne informatique est terminée.

Je négocie un rabais de 50 € auprès de mon interlocuteur, le même que le mercredi précédent. Je m’entends dire — sotto voce — au fil de la conversation, pourtant toute informelle : « C’est vrai que vous ne faites pas votre âge ! ». Je fais mine de n’avoir pas entendu. Cela reste néanmoins un compliment bon à prendre ¡

 Je prends un verre ensuite en terrasse. Je ne m’aperçois tout de suite que, pour la troisième fois successive, je suis placé à côté d’un petit jeune homme — il doit mesurer 1 mètre 50 tout au plus (presque un nain, à ceci que ses membres s’avèrent bien proportionnés, les jambes en particulier) —, qui me fait forte impression. Il est cependant dommage que son visage soit en partie mangé par des plaques de boutons. Ses yeux et son sourire l’illuminent par moments.

Son élocution et sa gestuelle plutôt efféminées contribuent également à me séduire. Se joint à la F.A.P. — disait-on jadis (cet acronyme, pour « fille à pédés ») — qui lui tient compagnie un autre garçon, reçu avec des cris enthousiastes. Il est assez disgracieux, et je ne vois pas bien, me dis-je assez perfidement, ce qui suscite pareil transport ¡… 

 

 

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