1448 - Monnaies, toiles, robes et merveilles : septembre à Paris (3)
Septembre à Paris
(Journal extime, 24 septembre - 30 septembre 2022)
3
27 septembre
Matin
Le rideau est tiré dans la cuisine de l’appartement d’en face lorsque je me lève. Je conclus à un exhibitionnisme tranquille du voisin, qui s’était peut-être relevé pour se sustenter au cours de la nuit.
* * *
Je suis dans le métro quand Judith m’appelle. L’exposition Walter Sickert, pour laquelle rendez-vous était pris devant le Petit Palais, n’a pas encore débuté. Je propose de remplacer celle-ci par celle consacrée au baroque portugais au Louvre. La conversation vient à peine de s’interrompre que je me rappelle soudain que nous sommes mardi. (Je bats un instant ma coulpe de cette première erreur d’aiguillage, avant de me souvenir que c’est Judith qui avait, en fait, proposé de visiter l’exposition du Petit Palais.)
Finalement, nous décidons d’aller en remplacement au Musée Jacquemart-André voir l’exposition consacrée à Johann Heinrich Füssli, intitulée Entre rêve et fantastique. Judith se réjouit de déjeuner sur place.
Elle prévient bientôt d’un retard : sa carte est démagnétisée. Tandis que je patiente, je prends connaissance de la carte du restaurant. Il est presque 11 heures et la file d’attente est clairsemée.
Nous procédons lentement. Et commençons par la vidéo qui retrace l’itinéraire du peintre, dont nous ne connaissons que quelques toiles seulement, variations shakespeariennes ou horrifiques.
Lady Macbeth somnambule, Vers 1784, Huile sur toile, Musée du Louvre, Département des peintures, Paris
La Mort de Didon, 1781, Huile sur toile, Yale Center for British Art, Paul Mellon Collection, New Haven
La Reine Mab, 1814, Huile sur toile, Museum zu Allerheiligen Schauffhousen, dépôt du Sturzenegger-Stiftung, Schaffhouse
Ulysse, naufragé sur son radeau, reçoit le voile sacré d'Inô-Leucothéa, 1805-1810, Huile sur toile, Collection particulière
Déguisé en jardinier, Huon rencontre la sultane Almansaris, 1804-1805, Huile sur toile, Collection particulière, en dépôt au Kunstmuseum de Lucerne
Trois études de tête de profil, 1770-1780, Mine de plomb, plume, lavis d'encre gris et noir, Klassik Stiftung Weimar, Musee, Weimar
Le Cauchemar, Après 1782, Huile sur toile, The Frances Lehman Loeb Art Center, Vassar College, Poughkeepsie, New York
L'incube s'envolant, laissant deux jeunes femmes, Fin 1780, Huile sur toile, Collection Farida et Henri Seydoux, Paris
La Sorcière de la nuit rendant visite aux sorcières de Laponie, 1796, Huile sur toile, The Metropolitan Museum of Art, New York
Judith, ensuite, manifeste peu d’enthousiasme pour revoir les œuvres de la collection permanente. « On connaît par cœur », argue-t-elle. En revanche, elle a mal dormi, peu mangé, et a faim, et nous nous dirigeons vers la salle du restaurant.
Quand j’évoque mon voyage en Italie tout proche, Judith me dit que Laure s’y est rendue durant l’été. N. et elle iront en vacances à Sète aux prochaines vacances de Toussaint.
Je raconte l’agression de la veille.
Je trouve Judith sur la réserve. Je me doute, en fait qu’elle n’a pas envie de retracer les incidents (qu’elle m’a déjà exposés dans un courriel récent) qui ont émaillé son été. Les escarmouches se multipliant entre N., elle et les enfants, elle avait fini par opter pour une séparation temporaire avec N., prenant une chambre d’hôtel toute une semaine, afin de souffler un peu, se changer l’esprit — elle a vu toutes d’expositions, m’en recommandant certaines —, faire le point sur sa relation avec N. — et l’inquiéter suffisamment, qu’il prenne conscience de sa conduite excessive envers Laure et Lucien. Ce qu’elle me tait sur le moment, je peux très bien de toute façon me l’imaginer.
Elle dit avoir rendez-vous avec un artisan. Elle ne se sent pas en train, elle dit avoir besoin d’une sieste auparavant ; nous nous mettons d’accord dans la perspective nous rendre au Louvre vendredi.
Après-midi
Nous allons ensemble en métro jusqu’aux Invalides.
Autre erreur d’aiguillage : j’ai confondu le Musée de la Libération avec celui de l’Armée, induit, plus est, en erreur par le jeune gendarme en faction qui a contrôlé mon sac à l’entrée. Je ne m’en aperçois qu’au moment de prendre un billet. L’employé cherche alors très aimablement sur son téléphone portable dans quel musée a lieu l’exposition consacrée aux femmes reporters de guerre.
Cherchant ensuite l’itinéraire pour m’y rendre, je trouve le lieu suffisamment éloigné pour renoncer à ma visite.
Dernière erreur d’aiguillage : le film que je veux voir (en remplacement) au cinéma près de Beaubourg ne sortira en salle que le lendemain !
Echaudé par cette série d’actes manqués, je rentre rue P***, et me livre à un peu de correspondance. Puis j’effectue quelques courses. Le reste de l’après-midi passe à grande vitesse.
Je découvre en plein jour le voisin d’en face, moins attrayant en fait que les apparences ne me l’avaient suggéré. Le rideau tiré le matin ne correspond pas non plus à l’étage de la scène qui a lieu la veille, la fenêtre incriminée (!) en étant dépourvue. Je lui trouve l’air un peu bête. Et lui vois un peu d’estomac — un peu trop, à mon avis, pour un homme de son âge ¡ Sa compagne, par ailleurs, n’est guère jolie.
Soir
Je regarde le dernier épisode d’une série, auquel je n’entends pas grand-chose.
— Il est des jours où rien (ou presque) ne va, décidément…