1516 - March in Paris (10)
Journal extime
(19 mars - 26 mars 2023)
10
24 mars 2023
Matin
Je dors à nouveau peu. Eveillé, j’entends sonner le réveil de Khadija, puis somnole quelque temps.
Levé, je trouve Khadija préoccupée et peu loquace. Elle a été prise de spasmes.
Je l’enjoins à prendre soin de sa santé. Elle admet — sans que j’aie à argumenter — que les « aidants » négligent souvent de s’occuper deux-mêmes.
Comme elle craint — une heure avant l’heure ! — de manquer son train, je l’accompagne bientôt jusqu’à l’entrée du métro.
Je me recouche ensuite — après avoir décidé de toute manière d’épargner ma cheville jusqu’à l’après-midi.
Après-midi
Khadija envoie un message pour me dire qu’elle est enfin rentrée chez elle.
Je me rends à l’Institut du Monde arabe. Beaucoup de monde piétine là. Les gens processionnent pour la majorité en couples, tout en menant des conversations insipides sans rapport avec ce qu’ils regardent à peine.
L’exposition Bahia me séduit moins qu’elle n’avait plu à Khadija l’avant-veille. Peut-être J.-M. aurait-il sensible en la parcourant à la fraîcheur, la naïveté des coloris et des figures.
Coran et instruments de musique, 1967, Gouache sur papier, Collection particulière ; La Dame aux roses, 1967, Gouache et graphite sur papier, Paris, Musée de l'Institut du monde arabe
Sans titre (Paysage aux oiseaux), 1964, Gouache sur papier, Paris, Centre national des arts plastiques - Cnap, FNAC 288 12, en dépôt à Lille Métropole, Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut - LaM
Sans titre (Femme, papillon, cheval-oiseau), Circa 1947, Gouache et crayon graphite sur papier marouflé sur carton, Villeneuve d'Ascq, Lille Métropole, Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut - LaM
Je goûte bien davantage l’exposition Sur les routes de Samarcande, Merveilles de soie et d’or, et, dans l’un et l’autre espace, fais par délégation mainte photographie, puisque Khadija me l’avait demandé.
Chapan de l'émir Nasrullah Khan de style "buttador", Boukhara, XIXe siècle, Velours, broderies d'or et soie, Boukhara, Bukhara state museum-reserve
Chapan de style "daukhor" d'un haut gradé militaire, Boukhara, XIX-XXe siècle, Velours de Lyon, soie, broderies d'or, Boukhara, Bukhara state museum-reserve
de gauche à droite : 1. Chapan de style “daukhor“, Boukhara, XVIII-XIXe siècle, Velours bakhmal, broderies d'or, brocart (parcha) ; 2. Chapan de style “darkham”, Boukhara, XVIII-XIXe siècle Brocart, velours, broderies d'or et d'argent ; 3. Chapan de style “buttador”, Boukhara, XVIII-XIXe siècle, Velours bakhmal, broderies d'or, Tachkent, State museum of the Timurid history of the academy of the sciences of the Republic of Uzbekistan
Chapan d'officier de haut rang, Boukhara, XIXe siècle, Cachemire, dentelle, broderies, adras (coton et soie), velours Boukhara, Bukhara state museum-reserve
Caparaçon d'apparat, "dauri", Boukhara, 1905, Velours bakhmal, broderies d'or et d'argent, fils de soie colorés Tachkent, State museum of arts of Uzbekistan
Selle décorée du motif “naqshu-nigor”, Boukhara, 1880, Bois peint et laqué Tachkent, State museum of arts of Uzbekiston ; Collier équestre et rênes, Harnachement de cheval et pendentifs en formes de feuilles, “peshband”, Caparaçon d'apparat, “dauri”, Paires d'étriers, Boukhara, XIXe siècle, Argent doré estampé avec rênes en daim, Argent doré estampé, Velours bakhmal, adras (soie), broderies d'or et d'argent, Boukhaa, Bukhara state museum-reserve
[de gauche à droite :] Robe “kuylak”, sous robe “chkuylak”, col “peshkurta”, Boukhara, Coton, broderies d'or, Boukhara, Bukhara State museum-reserve ; Chapan, tunique, Boukhara, début du XXe siècle, Satin, brocard de soie, coton bo'z, broderies Boukhara, Bukhara state museum-reserve ; Robe“kuylak”, sous robe “chkuylak”, col “peshkurta”, Boukhara, Coton, broderies d'or, Boukhara, Bukhara State museum-reserve
Suzani, Boukhara, Shafirkan, fin du XIXe siècle, Coton, "boz", fils de soie colorés, point "yorma", Boukhara, Boukhara state museum-reserve
Demi-suzani “nimsuzani”, Samarcande, fin XX-début XXe siècle, Coton, fils de soie colorés, Samarcande, Samarkand state museum-reserve
Demi-suzani “nimsuzani”, Boukhara, Shafirkan, fin du XIXe siècle, Soie, point yorma, Boukhara, Bukhara state museum-reserve
Suzani, Nourata, fin du XIXe siècle, Coton, fils de soie colorés, Samarcande, Samarkand state museum-reserve
Suzani, Boukhara, fin du XIXe siècle, Coton, fils de soie colorés, point daraush, Boukhara, Bukhara state museum-reserve
Suzani, Shakhrisabz, XIXe siècle, Coton, fils de soie colorés, point bosma, Tachkent, State museum of arts of Uzbekistan
Tapis brodé “kiz-gilam”, Tribu Lokaï, début XXe siècle, Laine, soie et coton, Samarcande, Samarkand state museum-reserve
Tapis brodé “kiz-gilam”, Sourkhan-Daria, Tribu Kungrat, fin XIXe siècle, Laine, sole et coton Semereende, Samarkand state museum-reserve
Tapis feutré “qoshma”, Djizak, deuxième moitié du XX° siècle, Laine feutrée pressée, Samarcande, Samarkand state museum-reserve
Parure pectorale “haykel”, Karakalpakstan, fin du XIXe-début du XXe siècle, Argent, cornaline, pierre rouge, Noukous, State museum of arts of the Republic of Karapalkstan
Pendentif “onirmonshaq”, Karakalpakstan, fin du XIX-début du XXe siècle, Argent, cornaline, perle Noukous, State museum of history and culture of the Republic of Karakalpakstan
Pendentif de poitrine “Kalit bogich”, Khiva, fi du début XIXe- début du XXe siècle, Argent, perle, métal, corail, verre, turquoise, Tachkent, State museum of arts of Uzbekistan
Diadème, Khorezm, fin du XIX-début du XXe siècle Argent, métal blanc, turquoise, corail, pierre rouge, Tachkent, State museum of history of Uzbekistan
Diadème "tillaqosh”, Samarcande, début du XXe siècle Argent, dorure, turquoise d'imitation, verre coloré, perle Samarcande, Samarkand state museum-reserve ; Bijou de front “tillabargak”, Samarcande, début du XXe siècle, Argent, turquoise, corail, verre, aluminium, Samarcande, Samarkand state museum-reserve ; Boucles d'oreilles “gadjak”, Tachkent, XXe siècle, Argent, turquoise, agathe et verre coloré, Tachkent, State museum of arts of Uzbekistan
Alors que j’entame à peine cette seconde exposition, je reçois un appel de la secrétaire du dentiste, prends a priori rendez-vous à l’heure qu’elle me propose, rappelle Maxime pour savoir quand il compte intervenir afin que les agendas de l’un et de l’autre soient sans hiatus lors de la journée de lundi.
Je monte ensuite jusqu’à la terrasse en songeant à T., à qui, dix ans auparavant, j’avais montré l’endroit.
Puis je retourne au bar à bières où, durant les jours précédents, nous nous étions en quelque sorte accoutumés les deux précédents jours.
Je reçois un message de Khadija comme quoi Moktar pèse 3,3 kg. Je m’amuse.
Soir
B., qui arrive de sa répétition hebdomadaire de chorale, est ostensiblement énervée.
Elle interjette quelques phrases chargées d’électricité et d’acrimonies accumulées. Il lui faudra une demi-heure au moins pour se détendre. Elle s’empare de quelques sujets de conversation, après quelques considérations sur les circonstances de notre rendez-vous et sur le lieu — bruyant à l’extrême, tant et si bien que l’on entend à peine la parole de l’autre.
Quand elle évoque les soignants qui n’ont pas été réintégrés, je crois entendre M.-C., et, me trouvant en territoire familier, je lui donne faiblement la réplique. Elle a vu, me dit-elle, un film (dont le nom m’échappe à présent) en rapport avec la situation — sans que je puisse bien comprendre ledit rapport : au moins, durant cet échange, nous accordons-nous quant au lobbying des laboratoires pharmaceutiques…
La viande est bonne. Elle oblige cependant à la mastication, ce qui, du fait des douleurs dentaires, n’est pas sans occasionner de désagréments.
S’étant quelque peu détendue, B. livre par bribes ses sujets de préoccupation. Ainsi elle a été, la veille, privée de son cours de danse du fait des difficultés de circulation dues à la grève. Sa voisine est livrée aux coups de son conjoint : elle, n’ose intervenir. Une de ses collègues, appartenant à une autre unité de soins, laquelle a réussi à tricher pour ne pas se faire vacciner, est atteinte d’un cancer du sein. C’est la troisième fois qu’elle est désignée comme « personne de confiance » en cas de « fin de vie ».
Elle me demande si Khadija a encore des liens avec A.
Le plat unique — de même que le verre mêmement orphelin — est vite avalé. Nous convenons d’accélérer le service afin de boire un verre ailleurs.
Nous nous rendons à pied jusque Jussieu.
Elle s’enquiert de la santé de mon père.
J’ai très mal aux dents et suis impatient de rentrer.
Au prétexte que j’ai sorti ma carte bancaire pour régler, elle reprend les cinq euros qu’elle avait préparés, ce qui paraît sans rapport et plutôt mesquin…
(Décidément, B., ce soir-là — peut-être n’ai-je pas été assez à l’écoute de ses tracas, mais il n’empêche —, se montre sous son plus mauvais jour, et, douleur dentaire ou pas, je demeure soulagé de la quitter…)