1476 - En Italie (récidive), 17
(rediciva)
Journal extime
(11 octobre – 21 octobre 2022)
17
19 octobre 2022
Soir
Je calcule si, prenant le funiculaire au pied de la vieille ville, j’attraperai la correspondance du bus me menant jusqu’à mon logement génois.
Mes calculs étaient justes. Mais c’était sans compter sur le retard au départ sur l’horaire indiqué. Et je dois bientôt me rendre à l’évidence : le bus est déjà passé.
Je donc attendre dans l’obscurité grandissante et la fraîcheur vespérale — mais c’est vrai que c’est bientôt l’automne… — qu’un véhicule enfin s’arrête à ma hauteur une demi-heure plus tard au moins, tout en songeant qu’être perché sur les hauteurs m’aura coûté en temps et désagrément au cours de ce séjour…
20 octobre
Matin
Mieux aguerri — et pour cause, étant donné la mésaventure de la veille —, je parviens à prendre le bus presque au pied de l’appartement, puis la correspondance pour un autre bus qui me mène à la gare.
Je ne sais guère que j’ai pu faire durant quatre heures, entre le moment où je me suis levé et celui où j’ai refermé la porte sur moi. Certes, j’ai préparé mes bagages — et fait le ménage. J’ai aussi rédigé quatre cartes postales, que j’ai jetées dans la bonne boîte, une boîte rouge de la poste italienne (et non d’une poste privée, telle qu’il en existe à Rome, ainsi que je l’avais appris à mes dépens lors d’un précédent voyage…).
Après-midi
Arrivé à Milan, je fais bien de vérifier mon billet de retour : je dois changer de gare, puisque celle où je viens de débarquer ne constitue pas un arrêt sur la ligne de trains internationaux devant me ramener à mes pénates et dieux lares hexagonaux ; et, puisque je dispose du temps nécessaire, je vais pedibus jambus de Milano Centrale à Milano Garabaldi.
En chemin, je revois l’immeuble arboré déjà photographié la dernière fois que j’avais séjourné à Milan
— dont je réalise, sous un autre angle, un cliché comprenant en premier plan (le geste est volontaire, même si j’obéis à une impulsion ¡) deux jeunes gens au physique avenant.
[En peinture ou “au réel”, il est loisible d'acquiescer à ces propos de David Hockney, entendus depuis lors de la rediffusion de A bigger Splash de Jack Hazan (que j’avais vu quelque quarante ans et un lustre auparavant, que j’ai trouvé passablement moins provocateur et beaucoup plus ennuyeux ¡), disant que la plupart des jeunes hommes italiens sont vraiment beaux, ceux-ci soutenant, qui plus est, sans surprise, ni défiance, ni agressivité, le regard… Il y a beau temps, ajouterais-je, que, spagnelletto de par l’ascendance de ma mère, j’ai perdu le velouté du regard et le noir de cheveu qui faisait qu’on pouvait me confondre avec — cela m’est arrivé quelquefois à l’étranger — un Italien plutôt qu’avec un Anglais ¡]
Un peu désorienté aux abords d’un centre commercial souterrain dont je ressors après avoir effectué quelques achats pour le voyage, je demande la direction de la gare auprès d’un jeune homme que je choisis pour ses traits avantageux (je songe à Duncan, qui m'avait raconté un jour qu'il lui arrivait de jouer les touristes américains égarés dans sa propre ville pour demander son chemin aux garçons qui lui plaisaient…).
Soir
Passer sept heures dans un train paraît tout de même long (How tadious are… je me souviens d’un thème anglais dans lequel, étudiant, j’avais brodé une “réflexion” laborieuse au discours indirect libre sur l’ennui des voyages). Et c’est le second sandwich que j’avale, sans le déguster, de ma journée (le premier, acheté dans un bar tout proche de l’appartement que j’occupais à Gênes et préparé par les soins du patron, qui en exhibait les ingrédients, était, en revanche, très bon).
Ce voyage en train — puisque je n’ai guère lu durant mon séjour — me permet toutefois de combler le retard (quoique que je ne sois soumis à aucune temporalité désormais !) pris dans mes lectures depuis que parti en Italie.
Je trouve un titre, que je garderai probablement, à mes “reportages photographiques” : La Toscane et la Toscane au risque de quelques Annonciations… au rythme de Sébastien… Bronzino… Ribera… Michelangelo Merisi… (J’avais songé à Sébastien parmi les hommes pour le deuxième, titre auquel j’ai presque aussitôt renoncé… — l’ensemble étant conçu, à l’origine, comme une plaisanterie en direction de T.)
La poubelle entre les deux sièges des passagers se déloge, sans que j’arrive à la remettre en place. Un jeune homme, monté à Chambéry, s’en occupera. J’aime — décidément — que les garçons agréables de leur personne se montrent secourables ¡
Lorsqu’il entre en gare à Paris, le train a pris vingt minutes de retard. Il est plus de minuit et demie quand je rejoins l’appartement de la rue P***, me couche enfin — sans que pour autant je parvienne à m’endormir sur le champ.